Apparus au XVIe et XVIIe siècles, les Cabinets de curiosités étaient des lieux dans lesquels leurs créateurs exposaient une multitude d'objets rares ou étranges représentant le monde animal, végétal ou minéral, en plus des réalisations humaines, souvent atypiques. À l’époque, ces lieux étaient des alcôves privées, intimes et souvent cachées.
Un lieu de curation intimement codé
Aujourd’hui, la Gen Y et son extrême maîtrise des codes et des réseaux sociaux réinterprète et détourne cette manière de collecter et de collectionner les choses. Quand les bourgeois du XVIe siècle démontraient leur intérêt pour le monde extérieur et l’exotisme, la Gen Y, elle, y expose son monde intérieur, centré sur elle et ses passions.
Cette nouvelle génération collecte et collectionne autant qu’elle se valorise. En collectant le monde, elle se l’approprie. Véritable curatrice, elle trie, filtre, sélectionne et finalement expose ce qui lui semble lui correspondre, ce qui fait écho en elle, selon ses goûts et sa subjectivité.
Marques, produits, mises en scène, le C@b nouvelle génération est un lieu de curation digitale où chacun est expert et témoigne d'un profond désir de collection, de mode et de beau.
À chaque nouvelle collection, la Gen Y prouve à quel point elle maîtrise les codes de la consommation actuelle. Outre les visuels qu’elle pique un peu partout et recompose à l’envie dans des collections personnalisées, la Gen Y s’inscrit en référence absolue, et s’arroge le droit de ré-interpréter tous les codes y compris les plus « déviants », comme le « curieux » ou le bizarre.
Le mauvais genre, l’alternatif ou l’esthétique freak sont autant de territoires parfaitement valorisés et revendiqués. Sûre de son goût et de ses choix, la Gen Y mixe habilement le luxe et le décalé, le « m’as-tu vu » et le dark. Elle désacralise le bon goût du bourgeois pour mieux souligner les zones d’ombre et le douteux de la marginalité.
Un lieu de surexposition et d’exhibition
Autrefois intime et secret, ce nouveau C@b est désormais orienté vers l’extérieur, on le montre, on l’expose, il est doit être vu du plus grand nombre. Ces nouveaux cabs jouent le rôle de faire-valoir social pour les néo curateurs de la Gen Y. Là où les bourgeois d’antan privatisaient à l’extrême leurs trésors en les collectionnant dans des meubles magnifiques, la nouvelle génération les expose au plus grand nombre sur les réseaux sociaux visuels. D’abord principalement sur Flickr, les nouveaux curateurs privilégient aujourd’hui Tumblr, Pinterest ou Instagram.
Qu’ils mettent en avant la « création » de leur objet de désir (une photo filtrée) ou la rareté de ce qu’ils ont trouvé (merci la serendipité), ils subliment toujours leurs collections en privilégiant des visuels attractifs et marketés par leur soin. Ils brandent leurs trouvailles afin de se les réapproprier et prouvent ainsi leur parfaite maîtrise des codes de leur génération. Là où Facebook et Twitter invitent leurs membres à exposer leur état d’esprit et leur humeur, Pinterest les incite à exposer leur univers de consommation et les objets qu’ils souhaitent acquérir. La vitrine est vide, ils n’ont plus qu’à la remplir de leurs plaisirs. Véritable prolongement de son égo social, le C@b de la Gen Y devient aussi une projection idéalisée de ses envies et de ses désirs. Elle s’y exhibe sans pudeur et les réseaux sociaux visuels tels que Instagram, Pinterest ou Tumblr sont les lieux digitaux de cette nouvelle extimité.
Un lieu de réappropriation du monde et de démocratisation
Au XVIe siècle, le Cabinet de curiosités qui renfermait les trésors se transformait lui-même en précieux objet de collection : on en trouvait en ébène, incrusté d’écailles ou de pierres dures ou parfois peint par des artistes de renom.
Il était l’apanage des bourgeois, de ceux qui avaient les moyens, tant intellectuels que matériels, de partir en voyage et de s’intéresser à un monde qui n’était pas encore totalement découvert. En l’exportant sur les réseaux sociaux, la Gen Y le démocratise car la plate-forme est identique pour tous. Seul son contenu donne de la valeur sociale à celui qui les produit.
Un lieu privilégié pour les marques
Pour les marques qui tentent de séduire cette nouvelle génération, il est indispensable de nourrir ce Cab et d’y être présent. Elles doivent pouvoir fournir les objets de désirs qui seront collectés par la Gen Y tout en créant le leur. Mac, par exemple, réussit à valoriser sa présence sur Pinterest avec un board consacré aux rouges à lèvres, tous plus extravagants les uns que les autres. Belle réussite également pour Mattel qui parvient à faire vivre sa Barbie en dehors de son univers enfantin. Les marques doivent elles aussi créer leur propre cab, en faire un lieu unique où elles pourront s’exprimer au travers de leurs produits mais aussi de leur « esprit » plus underground.