Le mythique polo Lacoste évolue avec les générations…
( Agence MNSTR / Prod : Les Télécréateurs)
Eternelle
jeunesse
Par
Sébastien Parraud
Fascinante cible mouvante, les jeunes représentent un formidable challenge et une véritable mine d’or pour les marques. Certaines d’entre elles allant parfois jusqu’à s’offrir un lifting pour continuer de les attirer ou les reconquérir...


Depuis une dizaine d’années,
l’esprit rock fait un retour en force en France






















La recherche identitaire
est une corde sensible
sur laquelle jouent
certaines marques











Beats fait partie des « incontournables »
au même titre que Nike, Apple ou Redbull






















Les jeunes sont des slashers
démultipliant leurs champs des possibles











Défiants du modèle
mis en place,
ils vont chercher
de nouveaux tuteurs
Le nerf de la guerre tient au fait « qu’un jeune qui aime une marque lorsqu’il est ado la garde à l’âge adulte », explique Monique Dagnaud, directrice de recherche CNRS (*) et spécialisée dans les modes de fonctionnement des jeunes. Il y aurait ainsi une grosse part d’affect qui s’opèrerait et ce depuis tout temps puisqu’il en était déjà de même lors des premières études de comportements des jeunes menées en France dans les années 60-70.

Mais il y a bien plus qu’un monde qui sépare la génération des années 70 et celle des 12-25 ans née à l’ère du tout numérique et du zapping, qui va vite, très vite. Très bien informés et gardant un œil très critique sur leur monde, ils sont le fruit de la génération 2.0, celle des réseaux sociaux (Facebook, Skyblog, Twitter…). Eux-mêmes définissent leurs codes, on ne leur impose pas. Jamais. Les courants de mode naissent dans la rue et trouvent écho sur les blogs tenus par des ados et pris au sérieux par la presse, donc par les marques.


UNE GENERATION PASSÉE AU CRIBLE

« Dis-moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu es. » L’adage s’adapte ici aisément, tant la quête d’identité et la nécessité d’appartenance à une « tribu » est forte chez les jeunes.

On répertorie en effet plusieurs tribus identitaires selon le milieu social auquel ils appartiennent, la culture dont ils se sont imprégnés (US, Japon, Angleterre…).

Cette recherche identitaire est une corde sensible sur laquelle jouent certaines marques. « Par le fait d’être dans une quête d’affirmation de personnalité et dans une crainte de se sentir rejetés socialement, poursuit Monique Dagnaud, porter des marques connues, surtout dans les milieux populaires et les classes moyennes, est quelque chose d’important. Le côté ostentatoire est moins présent dans les classes plus aisées ». Il semblerait par ailleurs, d’après des études menées par l’Université de Laval, que les garçons seraient plus sensibles aux marques que les filles, qui trouveraient le moyen de suivre les courants de mode avec des basics. Puis, cette tendance s’inverse en approchant de l’âge adulte.


L’IMAGE AVANT TOUT

Puisqu’ils sont culturellement nourris par MTV, dès lors, rien d’étonnant que l’artiste musical le mieux payé en 2012 soit Dr. Dre. Sans avoir sorti d’album depuis treize ans, l’artiste et producteur d’Eminem a réussi à empocher près de 86 millions d’euros grâce à Beats, sa marque de casques audio extrêmement prisée des ados.

Beats fait aujourd’hui partie des « incontournables » chez les 12-25 ans, au même titre que Nike, Apple ou Redbull.

Dans un autre style, connue pour baser sa communication sur des visuels représentant des couples adultes, The Kooples, marque néo-vintage française née en 2008, à forte identité rock et dandy, décide de jouer dès le printemps 2012 la carte Pete Doherty – icône rebelle torturée auprès des ados. Ce va-tout n’est pas innocent. Depuis une dizaine d’années, l’esprit rock fait un retour en force en France. Les jeunes y trouvent, en cette période où ils se cherchent encore, un écho à leur quête d’authentique.

C’est un état d’esprit et un besoin d’authenticité qui profitent à d’autres marques telles que Wrangler. En effet, depuis sa création en 1947, cette enseigne de denim a toujours adopté la même ligne de conduite : « nous ne cherchons pas à caler notre communication sur celle de nos concurrents, explique Anne-Laure Chansel, directrice marketing de Wrangler France. Lorsque les Italiens (Diesel, Replay…) sont arrivés sur le marché, ils ont changé la donne et bousculé les marques de denim américaines. Mais Wrangler n’a pas pour autant modifié sa façon de communiquer qui se fait sur le partenariat et l’association d’image, le côté iconique. Lorsque l’on pense Wrangler, on pense Steve McQueen, Bob Marley, ou plus récemment Lana Del Rey. » Facile dès lors pour des adolescentes suivant de près le phénomène Lana Del Rey d’en retenir les moindres détails vestimentaires et les marques portées par la chanteuse aux lèvres pulpeuses.


LE JEUNISME DES MARQUES

Avec la peur de vieillir et d’être délaissées par les jeunes, certaines marques ont dû (et su) se remettre en question. C’est notamment le cas de Citroën, qui jouissait d’une image de fabricant de « voitures pour petits vieux » jusqu’à l’arrivée de Jean-Pierre Ploué à la tête de son centre de style en 1999. En cinq ans, il change radicalement le design de la marque aux chevrons, ce qui rajeunit considérablement sa clientèle.

De son côté, Adidas, présent depuis 40 ans sur le marché du sportswear, a senti qu’il était important de fédérer encore plus avec les ados, comme l’explique Emmanuelle Gaye, porte-parole de la marque en France et de Neo, son label jeunes dont l’égérie est Justin Bieber : « on sentait qu’il manquait une gamme très colorée. Néo est donc née il y a 4 ans en Allemagne (10 boutiques actuellement) et s’adresse aux 14-18 ans. Nous savons que nous sommes face à des consommateurs fast fashion et qu’il faut proposer des nouveautés tous les mois et nous les mettons à contribution via le digital, en boutiques et sur le web. »


LE DIGITAL POUR ELDORADO

Le digital règne ainsi aujourd’hui en maître absolu de la communication entre les marques et les jeunes, qui sont par essence publiphobes. C’est ce qu’a pu constater Monique Dagnaud : « dès la préadolescence, ils développent un esprit critique. Les marques ont donc trouvé d’autres vecteurs pour s’adresser à eux : la télévision, mais surtout Internet qui est une source de culture, de partage, d’échanges. »

La clé et les maîtres mots appliqués par toutes les enseignes seraient alors très simples : ne rien leur imposer, les respecter, les faire participer grâce à l’interactivité via le web, puis leur proposer régulièrement des nouveautés pour ne pas les lasser.

(*) Monique Dagnaud est l’auteure de Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion (éd. Les Presses de Sciences Po).
Lacoste ou la fontaine de jouvence

L’ère du jeunisme semble toucher également la marque au crocodile. Cela s’est traduit par le lancement lors de l’été 2011 de son label « Lacoste L !ve », dont l’objectif est de fédérer à nouveau les jeunes autour du crocodile et ne pas voir sa clientèle considérablement vieillir.

Depuis, c’est l’ensemble du groupe qui profite de cette énergie. En atteste le dernier polo de la marque mère, le « L.12.12 », accompagné d’une vaste campagne de lancement online permettant aux jeunes internautes de donner leur vision du polo du futur. Les propositions les plus pertinentes seront mises en scène par un artiste, puis diffusées sur Facebook.com/Lacoste.
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