ILLUSTRATIONS
DE victor hussenot
LA MACHINE À RETARDER L’OBSOLESCENCE
Par
Olivier Ravard
À la différence de l’adulte, le « jeune » goûte peu qu’on lui parle comme à un enfant. Si ses parents étaient faciles à berner – avec un bon spot de 30'' –, le tour était joué : le jeune est actif, connecté et incrédule par défaut. Son temps de cerveau n’est plus disponible. On a connu cible plus aisée.


















À défaut d’entendre les messages,
le jeune aimera toujours
écouter les histoires
















À la croisée des chemins entre son insouciante jeunesse presque passée et ses nouvelles prérogatives d’adulte presque effectives, le jeune s’avère, à l’usage, réfractaire à tout ce qui touche – de près ou de loin – au discours institutionnel, fût-il celui d’une marque a priori sympathique. Selon notre étude, portant sur un échantillon représentatif des jeunes de notre entourage proche, le jeune n’aime pas être pris pour un imbécile (ou pour un enfant). La propension du jeune à moquer un message publicitaire est proportionnelle au degré de crédulité que lui prête ce message.


Le « jeune » aime les histoires

Heureusement, le jeune consomme du divertissement. Il en consomme même beaucoup. Comme tous les êtres humains, le jeune aime les histoires.

Friedrich Nietzsche, qui n’était pas reconnu pour son caractère facétieux, écrivait : « chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer. » Il y a, en chacun de nous – même chez le jeune – un enfant réduit au silence par l’adulte que nous sommes en train de devenir. Appelons le « enfant intérieur », ça lui ira bien. On pourrait faire ici référence aux travaux de Carl Jung mais nous n’avons ni la place, ni les compétences pour nous lancer dans un long pensum sur l’intérêt psychanalytique de la notion d’« enfant intérieur ». Postulons son existence. C’est de toute façon une jolie idée.


Une bonne histoire

Il existe de nombreuses méthodes, fort documentées, ayant pour objet de révéler votre enfant intérieur, afin, par exemple, de retrouver vos capacités d’émerveillement et facultés créatrices. Mais le moyen le plus simple de se réconcilier – au moins provisoirement – avec son enfant intérieur consiste à se laisser emporter par une bonne histoire. Cette méthode fonctionne parfaitement. Y compris avec le jeune.

Tout repose sur la « suspension consentie de l’incrédulité » évoquée par l’écrivain Samuel Taylor Coleridge. Le principe en est simple : tout spectateur d’une oeuvre de fiction accepte de mettre de côté son scepticisme pour mieux apprécier l’oeuvre à laquelle il assiste. C’est pour cette raison que nous croyons tous – le temps d’une oeuvre – que les jouets sont dotés d’une âme, que Bruce Wayne n’est pas un psychotique ordinaire mais un Batman capé de noir, ou que les morts peuvent revenir à la vie en état de putréfaction avancée. Nous y croyons contre toute rationalité. Nous y croyons et ce mécanisme mental nous ramène, sans forcer, à l’enfant que nous étions. Celui qui croyait à toutes ces choses auxquelles les adultes sains d’esprit n’ont plus loisir de croire.


Convoquer l'enfant intErieur

Une histoire passe un contrat implicite avec son spectateur : « laisse ton incrédulité de côté et je te fais passer un bon moment. » C’est précisément lors de ce « bon moment » que la magie opère. L’immense force du storytelling en tant qu’art réside dans sa capacité à convoquer l’enfant intérieur, y compris chez les publics les plus incrédules. Comme le jeune, par exemple.

En tant que diffuseurs de contenus, les marques sont en position de convoquer l'enfant intérieur du jeune pour parvenir – enfin – à suspendre son incrédulité. C'est non seulement un véritable service de marque – offrir un authentique divertissement – mais également une redoutable stratégie face à une cible au scepticisme largement démontré. Certains voient encore le storytelling – satané buzzword – comme une simple technique de spin doctors, autorisant le « formatage des esprits ». Une machine à bullshiter, en somme.
L’esprit du jeune est-il formatable ? Hum.
Répondre « oui », c’est faire bien peu de cas de la capacité d’incrédulité du jeune, chaque jour plus affûté, chaque jour plus autonome, chaque jour moins sensible aux flux de messages, tant qu’ils ne sont pas validés et revalidés par ses pairs.


Retenir l'attention

Bien entendu, les marques peuvent encore s’évertuer à tenter de convaincre un jeune de plus en plus incrédule en répétant ad libitum leur message, en achetant de la visibilité dans une économie de l’attention qui leur en offre de moins en moins. Certes. Mais l’enjeu se trouve peut-être ailleurs. Capter l’attention, c’est bien. Retenir l’attention, c’est mieux. Et retenir l’attention pour offrir un réel divertissement – brandé ou non – c’est encore mieux. En accédant au statut de diffuseurs de contenus, les marques deviennent – de facto – des médias ayant la capacité – théorique – d’offrir des contenus rivalisant avec ceux de l’industrie du divertissement. Ce n’est pas toujours une réalité, mais ça devrait toujours être un objectif. « L’émerveillement ouvre ce qui est fermé », écrivait un illustre anonyme. C’est joli, mais pas seulement. Il y a là, probablement, la clé du dialogue à venir entre la marque et le jeune.

Comme tout art de l’illusion, l’art de raconter des histoires n’est rien d’autre que ce que l’on en fait. Mentir à un enfant, fût-il intérieur, c’est mal. Lui offrir une bonne histoire et quelques minutes d’« émerveillement » – comprendre une « vive admiration » – c’est déjà beaucoup plus louable.

Si, comme l’écrivait le Dr Seuss, « les adultes sont des enfants obsolètes », alors le jeune est un enfant en voie d’obsolescence et l’art de raconter des histoires n’est rien d’autre que l’art de retarder l’obsolescence. C’est exactement pour cette raison que le jeune, à défaut d’entendre les messages, aimera toujours écouter les histoires.
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