La « ville de béton » décrite par le romancier de science-fiction James Graham Ballard dans les années 70 est pourtant toujours la même : rapide, violente, sclérosée. Les pressions sont énormes, mais la Nature se fait petit à petit sa place.
En 2050 il y aura 9 milliards dindividus, soit cinq fois plus quau début du vingtième siècle : parmi eux 80% vivront en ville ! Ces chiffres donnent le vertige. On ose à peine imaginer les besoins dune telle quantité dindividus dans si peu despace. Comment nourrir ces populations ? Comment acheminer leurs besoins quotidiens ? Un véritable casse-tête logistique est à résoudre pour éviter la congestion et la pollution. Pour simplifier le problème, certains vont au plus court et commencent à cultiver directement en centre ville.
La demande nétant pas un problème pour les agriculteurs urbains, les deux principales contraintes auxquelles ces « urbaniculteurs » seront confrontées sont dabord de trouver des terrains disponibles, puis des terres non polluées pour cultiver en toute sécurité.
Ce qui est rare est cher
Le premier problème pour les urbaniculteurs est de trouver lespace disponible. Toutes les villes ne sont pas sur un même pied dégalité. Quelques unes comme Manchester ou Detroit dites « shrinking cities » perdent leurs habitants et les champs grignotent de nouveau le béton.
Mais plus généralement, le mètre carré se fait de plus en cher en ville et les urbaniculteurs doivent déployer moultes stratégies.
Lufa à Montréal par exemple accorde beaucoup dimportance aux transactions immobilières, loue les toits des immeubles de bureaux et y pose des serres très légères. Dautres occupent les friches de chantier avant la construction, etc. Le phénomène est largement répandu outre-Atlantique et commence à peine en Europe.
Les architectes sont bien sûr de la partie. De véritables tours potagères sont envisagées, l'empilement des étages augmentant la surface de culture et optimisant les dépenses énergétiques. Même si certains projets de fermes verticales restent pharaoniques et imaginaires, on attend les plus raisonnables pour bientôt.
Élargissement du phénomène
Cependant pour aller plus vite que les décideurs et les lourdeurs administratives, de nombreux impatients se lancent eux-mêmes. Simples citoyens, associations, une multitude de projets urbains de petite échelle voit le jour. Par exemple, quà Paris la demande est telle que les jardins partagés sont sur liste dattente ! Heureusement des solutions très simples comme la jardinière souple Bacsac facilitent la création de potagers dans les lieux les plus inattendus : souples, surélevées, verticales, les classiques jardinières testent aujourd'hui d'autres formes car 40cm de terre suffisent pour cultiver et retrouver une terre vivante.
Le phénomène est suffisamment important pour être mentionné : aujourdhui, les projets domestiques dépassent en nombre les projets professionnels. Lagro-business urbain ne se joue donc pas quentre professionnels.
Pourquoi cet engouement ? Cest que la pratique du jardinage (terme suppléé à agriculture puisque les volumes ne sont pas vendus) a aussi des effets indirects. Il est pédagogique pour les enfants, car ces futurs consommateurs veulent savoir comment sont faits les produits quils achètent.
Il est thérapeutique pour les adultes, car il redonne une temporalité biologique à la vie de bureau et favorise la prise de responsabilités individuelles : en effet la Nature ne transige pas, la moindre erreur du jardinier est fatale. En revanche, les cadeaux de Dame Nature sont inégalables et simplement délectables. Bref les vertus de la culture en ville dépassent les simples enjeux dapprovisionnement alimentaire : elle joue un rôle social et politique indéniable.
Bien entendu le web vient accélérer le phénomène et facilite léchange des informations. Bien dans son époque, les urbaniculteurs savent autant glaner des astuces sur la toile que sappuyer sur celles des anciens. Révolution écologique et révolution numérique font marche ensemble.
La solution du hors-sol
Les quelques surfaces non bitumées restantes sont souvent contaminées par des siècles dactivités humaines ou qualifiées de « mortes », la biodiversité qui pouvait la renouveler ayant été anéantie. Les urbaniculteurs sont donc obligés dinnover en créant leur propre substrat. Bacs de terre, hydroponie (technique de culture où les racines sont directement dans leau), aéroponie (où les racines sont brumisées de solutions nutritives), aquaponie (où la culture de légumes est associée à la production de poissons, cf encadré p.35)
Les technologies actuelles de culture offrent de multiples possibilités pour transformer la ville grisonnante en une cité verdoyante.
Les rendements sont souvent impressionnants à grand renforts déclairages, climatisation et intrants chimiques. Mais le phénomène saccompagne aussi dune prise de conscience écologique. Il est clair que les générations futures devront produire de plus en plus avec moins.
Lidée est donc daméliorer les systèmes, de limiter les pertes, boucler le cycle des matières, alterner les cultures, tout en gagnant en performance. Nombre de pratiques ancestrales circulaires sont remises au goût du jour. Les systèmes sont repensés en entier, en ÉCO-systèmes, où même l'activité humaine et le réseau économique sont pris en compte. Cette conception dite de « permaculture » est très présente dans lagriculture urbaine.
Pour tempérer le phénomène dagriculture urbaine, on peut rappeler que les villes ne pourront jamais être des campagnes. Certes les mégalopoles dans les pays du Nord seront de plus en plus végétalisées. Mais lintégration de la Nature en ville reste un phantasme. Les pressions en milieu urbain sont trop importantes. La Nature sadaptera et prendra dautres formes que celle en plein champ.
Quant à la vague du green-washing, elle est passée. Plus personne nest dupe. Les consommateurs sont de plus en plus avertis et regardants. Des marques comme les Jardins de Gally lont bien compris, cest moins le buzz qui compte, que laccompagnement et le soutien dinitiatives locales.
Le futur attend ceux qui prennent des responsabilités. Les urbaniculteurs ne sont pas les derniers à le savoir !.