12 h 30. Il y a un an à lheure du déjeuner, Cécile sillonnait les allées de son supermarché pour ravitailler sa petite famille. Depuis elle a découvert les joies du drive et des AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne). Devant son ordinateur, elle fait le plein en épicerie, ultra frais, produits dentretien. Un SMS à son mari, cest lui qui en rentrant du bureau, fera une escale rapide à lentrepôt pour collecter les courses. Pendant ce temps, elle se rendra à lAMAP de son quartier où lattend son panier de produits frais et bio hebdomadaire. Un peu plus coûteux que celui du supermarché mais tellement plus local et citoyen. Céline nest pas une militante de la cause du consommer moins, mais une gestionnaire de son temps, de son budget et des ressources de la planète. Et en bonne gestionnaire, elle demande pour chaque euro investi un retour sur investissement.
Cliquez, emportez
Parce que le temps est un luxe, les Français, mais surtout les Françaises, ne veulent plus le perdre à faire leurs courses. Résultat, les Drive connaissent un succès sans précédent. Moins onéreux que la livraison à domicile, le prix du dernier kilomètre est supporté par le consommateur. Le drive concerne aujourdhui 3,3% des foyers français, soit près de 880 000 ménages (Etude Drive Kantar Wordpanel 2011). Et à en croire les experts de la grande distribution, le phénomène devrait samplifier dans les mois qui viennent. « à lhorizon 2015, on estime que ces derniers devraient générer 3% du chiffre daffaires de la distribution », estime Guy-Noël Chatelin, partner au cabinet de conseil OC&C Strategy.
Majoritairement pratiqué par les mastodontes de la grande distribution, Auchan et Leclerc en tête, le drive donne dailleurs des idées aux enseignes qui ont choisi le cœur de la ville. Monoprix est également entré dans la danse avec le « Walk », un concept quasi identique, sauf quaprès avoir fait son shopping en ligne, le consommateur vient retirer ses courses à pied en sortant du bureau. Bénéfices affichés : du temps gagné, lattente aux caisses est tout simplement supprimée, et aucun surcoût lié à la livraison.
Le local, cest mieux pour moi et pour la planète
Souvenons-nous, cétait au siècle dernier. Pour conquérir la planète, les megabrands avaient inventé une formule choc : « think global, act local », en clair, les stratégies se pensent à léchelle du globe, leurs mises en application doivent tenir compte du contexte local. Aujourdhui, les consommateurs font de même. La planète est en danger, pour la protéger privilégions un approvisionnement local moins désastreux pour lenvironnement que les haricots verts importés dAfrique au cœur de lhiver. Initié par les distributeurs américains au milieu des années 2000, et particulièrement par la chaîne Whole Foods, champion de la consommation responsable et durable, le concept du locavore sest exporté avec succès. Selon une étude réalisée par linstitut Xerfi en 2011, 75% de la population française seraient locavores, même occasionnellement.
Si les AMAP sont la réponse artisanale à cette attente, les industriels et les marques ont très vite compris tous les bénéfices quils pouvaient tirer à mettre en avant leur ancrage local et les circuits courts. Les packagings de la biscuiterie St Michel mettent ainsi à lhonneur les ingrédients « bien de chez nous » : beurre normand, farine des pays de Loire, œufs de Loué, sel de Guérande. Lagriculteur, le pisciculteur, léleveur, forcement du coin, sont en passe de devenir la figure incontournable des publicités et des packagings. Dans le Nord, ce mouvement a même donné naissance à la Ferme du Sart où 25 producteurs et transformateurs locaux et régionaux fournissent la majorité des 500 références proposées aux quelque 15 000 consommateurs qui viennent chaque semaine faire leurs courses dans ce supermarché pas comme les autres. Au fil des rayons, ils découvrent lidentité des fournisseurs et le nombre de kilomètres parcourus par le produit pour arriver jusquà létal. Mieux, la ferme-magasin a su allier démarche citoyenne et le fun shopping. Elle propose ainsi un parc animalier et un labyrinthe végétal pour les enfants et des animations et cours de cuisine aux parents.
De la marque produits à la marque services
Tandis quà Lyon, Céline effectue une recherche pour trouver une solution de co-voiturage pour son prochain week-end, à Munich, Frantz et Gertrude, tous deux étudiants, se rendent à la laverie automatique pour leur lessive hebdomadaire. Mais pas nimporte laquelle. Ils vont au Wash & Coffee.
Imaginé et co-financé par Bosch et Henkel, le lieu, qui dispose dune connexion Wi-Fi et d'un espace détente, ne se contente pas de donner un maximum de visibilité aux marques des deux partenaires. En visant un public jeune, il entend bien en faire de futurs consommateurs fidèles et des co-concepteurs de leurs prochaines générations de produits.
Les marques profitent en effet de leur présence dans le lieu, et en situation, pour les questionner sur leurs attentes. En leur apportant du service, elles testent de nouvelles formes de commercialisation et surtout diversifient leurs sources de revenus. Outre-Atlantique, le géant Procter & Gamble ne fait rien dautre lorsquil transforme Mister Clean en centre de lavage auto et Tide - Ariel en version française- en laverie automatique haut de gamme, avec des consignes pour déposer le linge hors des heures douverture, et des technologies peu gourmandes en matières premières et en détergents. Même volonté de devenir une marque services chez les constructeurs automobiles qui vendent désormais des solutions de mobilité. En association, la marque de location de voiture, Sixt et BMW ont ainsi lancé 2011 DriveNow, une solution dautopartage, à Munich et à Berlin. En France, avec leur solution de mobilité, Mu et Multicity, Peugeot et Citroën se sont engagés sur des voies similaires. Même le marché de la beauté néchappe pas au phénomène.
À Berlin et Hambourg, Nivea propose désormais aux femmes de prendre du temps pour elles dans son Spa, la Nivea Haus.
Après avoir construit leur légitimité, via la supériorité réelle ou supposée du produit quelle incarne, les marques semblent trouver dans les services les ressources pour innover. Reste à savoir si ce nouveau modèle est économiquement viable.