IÑfluencia Hormis à informer, à quoi sert l’information ?
HARRY ROSELMACK L’information sert aussi à éduquer. Des régimes entiers ont basculé sous son influence de l’information. Informer a des conséquences sur les individus, sur les institutions et leur évolution. C’est une grande responsabilité, parce que c’est aussi un grand pouvoir.
IÑ L’information à picorer des chaînes info en continu n’est-elle pas préjudiciable à l’analyse ?
HR Pas tant qu’elle est complémentaire. Ces chaînes traitent un large panel de sujets. Elles peuvent nous faire découvrir des choses auxquelles on ne se serait pas forcément intéressé. Mais cela ne doit pas être la seule source d’information. Car s’arrêter au factuel, c’est avoir une succession d’événements sans avoir d’analyse. Sur une chaîne en continu, plus un fait est récent, plus il sera valorisé. On est dans un monde d’instantanéité, et ce qu’attend le consommateur de ces chaînes, c’est précisément d’être mis au plus près de l’événement. L’important, c’est que les rendez-vous installés, comme le 20h, continuent à hiérarchiser l’information et à apporter un plus. S’ils se comportent comme les chaînes en continu, là, il y aura un problème.
IÑ L’une des bases du journalisme, c’est l’information de proximité. Dans un monde aussi global que le nôtre, cette règle est-elle encore vraie ?
HR Absolument ! Même si les choses sont peut-être moins tranchées qu’à une époque où on se moquait de ce qui se passait ailleurs, parce que cela ne nous concernait pas forcément. Aujourd’hui, ce qui se passe loin peut nous impacter, puisqu’on vit dans un monde où tout est connecté.
IÑ Avec l’avènement du digital et du tout gratuit, l’information a-t-elle encore un prix de nos jours ?
HR L’information gratuite n’existe pas. À partir du moment où elle a un coût, où il y a des gens qui travaillent et qu’il faut les payer, elle a un prix. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, il y a de nouveaux business models qui font que ce n’est pas forcement le lecteur qui paye, mais un annonceur.
IÑ Quelle est l’évolution qui vous a le plus marqué ces 5 dernières années ?
HR Il y en a deux. La première, c’est le « fact checking ». C’est le fait de vérifier l’info en temps réel. Aujourd’hui, les oreillettes ne servent plus simplement à dire, « attention, il reste une minute », mais à nous faire passer de l’information en direct. Il y a une cellule de journalistes qui travaillent à la vérification des faits pendant l’émission et qui sont capables de nous dire à l’oreille, « il y a 5 ans, il avait déclaré l’inverse ». C’est plutôt positif comme évolution. Contrairement au second phénomène, le bashing, qui consiste à juger de plus en plus vertement les intervenants de la vie politique. Là, on ne va pas vers la vérité, mais vers une forme de caricature et de critique spectaculaire pour faire du buzz. Ça, je ne valide pas.
IÑ Quelle va être la plus grosse évolution des 5 prochaines années ?
HR J’entends beaucoup parler du journalisme citoyen. Pour moi, ce n’est pas du journalisme. C’est de l’expression citoyenne. Le journalisme, c’est une démarche avec des règles et des codes, et surtout une responsabilité, qui, au delà de vous-même, engage tout une profession, toute une collectivité. Ce n’est pas seulement le fait d’apporter une information. Je pense que la perte de crédibilité nous guette si on qualifie tout et n’importe quoi de journalisme.
IÑ Jusqu’où peut-on aller pour décrocher une information ?
HR La seule limite pour moi, c’est le respect de la vie privée. Mis à part cela, je ne porte pas de jugement sur les moyens utilisés. Je crois que notre qualité de journaliste nous permet de récolter 80% des informations. Il reste 20% qu’on ne peut pas observer en tant que journaliste et pourquoi pas, à ce moment-là, utiliser d’autres moyens d’investigation ?.
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dYssia haYat
Rédactrice
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