IÑfluencia VOUS AVEZ FAIT KHÂGNE, PHILO… COMMENT PASSE-T-ON DE LEVINAS À VICE ?
ARIEL WIZMAN Par appétit de vivre et par curiosité. La force d’entraînement de la curiosité change les destins. J’ai eu beaucoup de postes d’observation sur le monde : derrière les platines, en reportage, dans la mode, à la télé. Emmanuel Levinas, c’est l’encadrement métaphysique de la vie. Et Vice, ce sont les aventures qui la constituent. Pendant mes études, comme je sortais beaucoup la nuit, des journaux m’ont demandé de raconter ce que je voyais. Et je suis devenu chroniqueur. Dans les années 1980, quelqu’un qui était à la fois capable de parler de philosophie et de fréquenter des boîtes de nuit, ce n’était pas si courant. J’étais un des premiers à être un « multi », pas très cernable professionnellement ni maîtrisable.
AUJOURD’HUI, LA PUB TRAQUE
LES GENS CHEZ EUX.
IÑ ET LA PUB TÉLÉ DANS TOUT ÇA ?
AW Dans les années 1980, la pub faisait rêver, c’était une industrie florissante avec de gros budgets, des réalisateurs et des photographes de génie. Elle vendait aussi bien des savonnettes que des délires créatifs incroyables, comme la pub Eram réalisée par Étienne Chatiliez, « Est-ce une fille ou un garçon ? » Pour un banlieusard comme moi, c’était fascinant. J’ai tourné quelques spots avec Édouard Baer pour Samsung, j’ai fait quelques voix pour Skoda ou Monoprix. Mais j’ai arrêté, la publicité a perdu de sa créativité. Avec l’arrivée de l’Internet, c’est le retour au hard selling et le règne de la toute puissance des data pour cibler les consommateurs. Aujourd’hui, la pub traque les gens chez eux et l’identité d’une marque se fait de plus en plus sur les réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire.
IÑ UNE DENT CONTRE L’INTERNET ? VOUS LANCIEZ POURTANT EN 1995 UNIVERS >INTERACTIF, « LE » MAGAZINE SUR LA CYBERCULTURE À L’ÉPOQUE…
AW C’était le premier journal qui parlait de l’Internet (et il n’a vécu qu’un an et demi). Je voulais créer une sorte de Wired à la française. On s’inspirait des fanzines anglo-saxons atypiques comme Boing Boing, The Baffler, etc. On y trouvait des informations sur tout ce qui se passait dans les différents milieux underground du monde. Mais c’était trop tôt, les gens disaient qu’Internet ne marcherait jamais. Vingt ans plus tard, il gouverne le monde, l’économie du tout gratuit a tout envahi et détruit des richesses et des emplois. Je reproche aux politiques d’avoir ignoré les conséquences de ce qui était en train de se passer.
Isabelle Musnik
Directrice des contenus et de la rédaction