Depuis quatre ans directeur du marketing stratégique à Fleury Michon, David Garbous réussit son pari. « Aider les hommes à mieux manger chaque jour » est devenu l’engagement
du groupe – et un modèle à suivre pour
la concurrence –, quitte à emmener pour
un spot TV des consommateurs vérifier
en Alaska la provenance des poissons
à l’origine de son surimi. Quand le marketing
flirte avec l’écologie…
IÑfluencia Aider les hommes à mieux manger chaque jour vous a fait gagner cinq ans en matière de crédibilité, dites-vous…
DAVID GARBOUS Je pense que nous vivons un moment singulier, un point de bascule où les entreprises sont en retard. L’offre n’est pas à la hauteur de la demande du consommateur. Un consommateur angoissé, effrayé. Lorsque je suis arrivé en 2014, je me suis donné 100 jours pour écrire avec les équipes le projet d’entreprise de Fleury Michon pour les cinq ans à venir. Pour cela, il était nécessaire de tout revoir de fond en comble. Le fait d’être dans une entreprise familiale a sans doute aidé à prendre ce virage radical malgré les premières réticences.
Les entreprises sont
en retard. L’offre n’est pas
à la hauteur de la demande
du consommateur.
IÑ Qu’est-ce qui pêchait ?
DG On parle d’une entreprise familiale qui existe depuis cinq générations… en revanche, mon poste venait d’être créé. Ensuite, les discours n’étaient pas les mêmes sur le surimi, le traiteur et la charcuterie. Nous avons fait en sorte d’aligner les différents produits de la marque, en écoutant non seulement les consommateurs, mais aussi tout ce que les salariés avaient à dire sur leurs produits. Cela a été une grande remise à plat, avec au centre la question : « quel est votre rêve pour la marque dans cinq ans ? » Tout le monde a pu prendre la parole à travers diverses méthodes, notamment des « procès » ludiques où chacun devait défendre ou accuser une marque, et ce afin de dégager les points forts : à quoi servions-nous ? manquerait-on au marché si l’on n’était plus là ?
IÑ C’est ainsi qu’est née cette campagne éco-responsable ?
DG Oui. Je suis parti du principe que le consommateur n’a pas à nous croire sur parole, et que dans cette société où surgissent des scandales de toutes parts, c’est à nous de lui prouver que nous travaillons dans la transparence. Voilà pourquoi nous avons, pour cette campagne de télévision #VenezVerifier, emmené des consommateurs en Alaska pour qu’ils vérifient par eux-mêmes notre cycle de production. La plateforme est totalement conforme à la campagne ; informations, questions, réponses sur les produits sont apportées continuellement au consommateur. La moindre des choses, c’est qu’il ne craigne pas pour sa vie en s’alimentant, qu’il n’ait pas l’impression d’être empoisonné.
Fleury Michon la pêche
IÑ La pub va devenir purement informative ?
DG Aujourd’hui, ce serait faire insulte au consommateur que de continuer comme avant… Tous les acteurs doivent s’impliquer. Un exemple : nous avions prévu de faire un film gentillet dans une cuisine avec des enfants mangeant du surimi (20 % de part de marché chez Fleury Michon) lorsqu’a éclaté la crise de la viande de cheval, en 2013. Nous avons alors opté pour une communication « impliquante » et lancé cette opération « Surimi propre ». Il y a une phrase qui dit « je suis ce que je mange », vous imaginez la violence de chaque scandale alimentaire sur les esprits ?
IÑ Pas seulement dans
le secteur alimentaire…
DG La banque, la voiture, la cosmétique, l’alimentaire ne peuvent plus faire de la pub comme avant, et ne peuvent pas non plus faire n’importe quoi. Quels que soient ses revenus, avant, l’acte malin c’était d’acheter moins cher. Aujourd’hui ? Les consommateurs achètent la qualité, ne croient pas aux mensonges. Ils ne peuvent pas. Ils sont dans une société anxiogène qui leur raconte tout et son contraire tout au long de la journée. L’intelligence collective s’est beaucoup développée, et heureusement.
IÑ Vivons-nous la fin
d’une certaine pub ?
DG Cela n’empêche pas de faire de beaux films d’image. Mais le doute, le scepticisme, le consommateur qui s’empoisonne tous les jours, c’est impossible. Il faut faire table rase du passé. Nous ne sommes pas Danone, mais un groupe indépendant. Alors, que Fleury Michon bouge, cela fait bouger les autres.
Je suis parti du principe
que le consommateur n’a pas
à nous croire sur parole,
c’est à nous de lui prouver
que nous travaillons
dans la transparence.
IÑ L’effet de cette implication sur les ventes ?
DG Le secteur de la charcuterie, pour ne citer que lui, représente 30 % de notre business. Il existe en label rouge, en bio, sans OGM. Nous connaissons une croissance de +10 % alors que la concurrence est à -2 %.
IÑ De quand date votre prise de conscience ?
DG J’ai senti le dérapage de l’ancien monde lorsqu’à 17 ans un ami de mes parents m’a offert Le Tour du monde d’un écologiste, un livre du botaniste Jean-Marie Pelt (paru en 1990, ndlr). Je me suis dit que c’était ça le sens de ma vie. Que je devais agir. Je le fais à ma manière. Et j’en suis heureux, même si je traverse des moments de grande solitude.
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