Les années passent et rien n’y fait ! C’est Ouest-France qui reste, depuis 1975, le premier quotidien français. Avec une diffusion France payée de 635 018 exemplaires en 2019 (source ACPM), le quotidien régional reste même très loin devant Le Figaro (325 755 ex.) et Le Monde (323 565 ex.). La presse quotidienne régionale (PQR) et départementale diffuse chaque année plus d’un milliard d’exemplaires
1, dont la moitié arrive directement dans la boîte aux lettres des lecteurs grâce au portage. Avec 42,4 millions de lecteurs
2, cette famille de presse est lue par 80,4 % de la population sur l’ensemble de ses supports. Si les plus de 50 ans sont surreprésentés parmi les adeptes des éditions papier, le digital a permis de rajeunir l’audience et de diversifier l’offre (lire page 88). Les 35-49 ans sont majoritaires dans la consultation sur Internet, et les 25-49 ans sur le mobile.
La presse
quotidienne régionale
et départementale
diffuse chaque année
plus d’un milliard
d’exemplaires, dont
la moitié arrive
directement dans la boîte
aux lettres des lecteurs
grâce au portage.
Des effets de la transition numérique
La transformation de l’offre et des méthodes de travail a permis d’adapter l’offre aux attentes des lecteurs. Les pages « miroir » avec les comptes rendus des fêtes locales et autres anniversaires ont été cannibalisées par les réseaux sociaux. Elles disparaissent progressivement au profit de contenus qui parlent davantage de la vie quotidienne des lecteurs et leur apportent une dimension de service. « Aujourd’hui, nos rédactions travaillent selon une grille de programmes et produisent des contenus beaucoup plus variés avec de nouvelles écritures, de la vidéo, du diaporama… pour répondre à une demande au bon moment et sous une forme adaptée », indiquait Philippe Carli, président du groupe EBRA, lors des rencontres de l’Udecam de septembre 2019. Si l’effort de transformation aide à contrer l’érosion des diffusions papier, il ne parvient pas toujours à endiguer les effets de la baisse de la publicité dans leurs pages, et la captation de la croissance des recettes sur le numérique par Google et Facebook. Depuis fin janvier 2020 et la liquidation du groupe France-Antilles, structurellement déficitaire, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont les seules régions de France sans quotidien. Le secteur reste néanmoins attractif, comme l’illustre la ténacité de Xavier Niel, fondateur de Free, pour prendre le contrôle de Nice Matin.
La presse hebdomadaire régionale (PHR) diffuse de son côté à 56 millions d’exemplaires. Cette famille de presse, qui s’est construite sur les identités locales, touche un public complémentaire de la PQR, plus jeune et plus actif. « La PHR s’adapte à une identité mouvante et constitue un réseau de communautés ouvertes et incluantes », précise Jean-Pierre de Kerraoul, P.D.G. de Sogemedia.
L’affinité
avec les radios locales
est plus forte dans
les communes
rurales.
Quant aux radios de proximité, elles sont écoutées par 10,5 millions de Français
3, qu’elles soient associatives (1,2 million), publiques (3,7 millions pour France Bleu) et surtout indépendantes (8,3 millions pour le groupement Les Indés Radios). Toutes reflètent les dynamiques locales (lire page 92). Suivies par plus d’une personne sur deux (52 %), elles sont appréciées par 79 % des plus de 35 ans, qui les trouvent proches de leurs préoccupations dans le traitement de l’actualité, devant la presse (73 %), la télévision (71 %) et les réseaux sociaux avec seulement 45 %
4. L’affinité est plus forte dans les zones géographiques les moins denses puisque 58 % écoutent ces stations dans les communes rurales. Les auditeurs sont particulièrement attentifs à l’information : 88 % estiment que les radios locales délivrent des informations qu’ils n’entendront pas sur les radios nationales et 87 % considèrent qu’elles permettent d’être bien informé de l’actualité de sa région ou de sa ville. Pour certaines émergées au début des années 1980 lors du mouvement des radios libres, elles ont aussi amorcé leur transition vers le numérique. « Le développement du DAB+ est un des éléments qui va permettre aux radios des territoires de maintenir un lien avec les auditeurs », commentait Alain Liberty, président du Sirti, lors de la sortie de l’étude.
Un global media public des territoires
Quid du petit écran ? France Télévisions, qui augmente la part des programmes régionaux sur France 3 (lire l’interview de Laurence Mayerfeld page 94), a aussi lancé ViaStella en Corse et NoA en Nouvelle-Aquitaine, une chaîne visible sur les Box, réseaux sociaux et Internet. L’offre va évoluer pour transformer France 3 en 13 chaînes régionales avec décrochages nationaux. La réforme de l’audiovisuel public, qui va se déployer jusqu’en 2022, encourage par ailleurs les rapprochements entre les différents acteurs du secteur, dans la lignée de ce qui a présidé à la naissance de la chaîne France Info. « Les synergies entre la télévision, la radio et le digital vont permettre de créer un global media public des territoires », détaille Laurence Mayerfeld, directrice du réseau régional de France 3. Six matinales communes entre France Bleu (Radio France) et France 3 (France Télévisions) ont déjà été lancées à Nice, Toulon, Guéret, Lille, Aix-en-Provence et Quimper. Elles seront 44 à horizon 2024. Les zones de diffusion de France Bleu étant plus fines que celles de France 3, la chaîne a dû réorienter certains de ses émetteurs, ce qui lui offre potentiellement de nouvelles possibilités de décrochage.
Le marché de la
télévision locale attise
l’intérêt d’acteurs
nationaux, notamment
du groupe Altice, qui
développe un réseau sous
la marque BFM.
Les chaînes locales privées ou soutenues par des collectivités territoriales sont longtemps restées le parent pauvre de l’écosystème, faute de modèle économique viable. La baisse des coûts du matériel a permis d’envisager un avenir plus pérenne et d’attirer les investisseurs privés. Le groupe Médias du Sud, devenu Vià, s’est lancé sur quelques antennes à Montpellier et Toulouse, et a fédéré une quinzaine de télévisions locales à partir de juillet 2018. « Cette étape de massification a permis d’organiser les grilles, de mutualiser les coûts et de créer une régie qui vend de la publicité nationale de manière synchronisée. Sans attendre la publicité segmentée, le réseau propose déjà de la publicité géolocalisée, car les diffusions sont séparées », note Jean Brun, directeur de l’information et des programmes du réseau. Les chaînes promettent d’étoffer leurs programmes frais, avec une matinale d’info issue des territoires, peut-être un jeu télévisé…
Ce marché de la TV locale attise l’intérêt d’acteurs nationaux, notamment du groupe Altice, qui développe un réseau sous la marque BFM. Le groupe a lancé BFM Paris, puis acquis l’historique Télé Lyon Métropole (TLM) devenue BFM Lyon en septembre 2019. Début février 2020, deux chaînes du réseau Vià dans lesquelles Altice avait pris une participation sont passées sous cette marque dans les Hauts-de-France, devenant BFM Grand Lille et BFM Grand Littoral. « L’association avec un grand groupe industriel est la meilleure nouvelle qui pouvait nous arriver. Cela donne de la valeur à notre travail et montre qu’il y a bien un segment de marché à exploiter », ajoute le directeur de l’info de Vià. D’autres le regardent de près. Le groupe TF1, dont la régie commercialise déjà Les Indés Radio et prépare ardemment l’arrivée de la télévision segmentée, n’aurait pas dit son dernier mot !
1. Observatoire 2019 de l’ACPM, portant sur 2018.
2. Étude d’audience One Next, données non comparables avec la précédente étude One Global en raison d’un changement de méthodologie, 11/2019.
3. Médiamétrie, 126 000 Radio 11-12/2019.
4. Étude Ifop/Sirti, « Médias en régions : les Français et les radios des territoires », 2019.
christine monfort
Journaliste INfluencia