Pour explorer les Futurs, la bonne idée est de voyager en compagnie. Des compagnons d’aventures désireux d’explorer demain, alchimie subtile de gens qui se rassemblent mais surtout qui ne se ressemblent pas. Prenez des capitaines d’industries, des stratèges de grands groupes, mélangez-les à des décideurs d’ONG, de syndicats, de collectivités territoriales, d’institutions d’État. Invitez des entrepreneurs mus par l’énergie d’un mode projet et des chômeurs porteurs d’une construction de vie, mettez y en résidence un journaliste et un artiste en résidence pour chroniquer cette expédition...
Rassemblons nous mais ne nous ressemblons pas
Choisissez-les ouverts et bienveillants. Commencez par construire avec eux les désaccords. Pour dépasser la polémique entrainez-les à la controverse. Archivez les avis minoritaires... qui sait, ils sont peut-être la clef d’équations à venir. Partant du principe que ce que nous partageons le mieux, ce sont nos contradictions, en parler est un premier acte concret d’empathie et entraine de facto à voir l’autre comme une ressource complémentaire plus qu’une différence insurmontable. C’est un bon début...
Cartographier les limites à dépasser
Ces voyageurs ne sont pas des doux rêveurs mais des rêveurs de possibles. L’inspiration sera d’autant plus forte qu’ils prendront la mesure d’un monde qu’ils s’apprêtent à quitter. Qu’ils prendront conscience de tous les tipping points1, ces seuils critiques au-delà duquel l’irréversibilité est engagée. Bouleversement climatique, érosion de la biodiversité, raréfaction des ressources, sécurité alimentaire, explosion démographique, impasse de la gouvernance mondiale. Voilà le monde tel qu’il est, et voilà les frontières au-delà desquelles la résilience ne sera plus une question de croyance mais une condition nécessaire d’adaptation à une nouvelle réalité.
Le futur ici et maintenant, ou l’art de sentir son époque... Changer de prismes et s’apercevoir que le futur n’est pas une abstraction mais une germination et ainsi apprécier le bruit de la forêt qui pousse et non plus seulement celui de l’arbre qui tombe.
S’ouvrir à l’émergence d’où qu’elle vienne. Repérer les patterns, les points communs, les récurrences, les signaux faibles partagés qui pourraient préfigurer d’un nouveau mode de vivre ensemble. Échanger avec des hackers, des holocrates, des designers de monnaies, des Indignés, des bio-imitateurs, des collaborateurs radicaux, des transitionners, et commencer à sentir un élan, un mouvement, la genèse d’une révolution profonde, la préfiguration d’un Monde d’après.
What if
Un enjeu de représentation est la mise à l’échelle. Sortir du catalogue des bonnes pratiques pour imaginer de nouvelles donnes. Exhauster les ruptures et parier sur les scénarios souhaitables.
Que se passerait-il... si ? Si nos dirigeants étaient tirés au sort ? Si le clean up day2 devenait férié ? Si l’économie du don et du partage se structurait et se généralisait ? Si des milliers de monnaies libres se créaient ? Si les villes en transitions devenaient des régions ? Si les créatifs culturels s’apecevaient qu’ils sont légions ?
L’Expérience de la connaissance
Dans un monde en transition, la créativité devient un sauf conduit pour exister demain. Et bien plus que la somme des connaissances, c’est l’expérience de la connaissance elle-même qui semble être au cœur de cette mutation.
Bar camp, Fab Lab, Hackaton, chaque jour des open bidouille camp se montent ici et là et se répliquent partout. Le do-it-yourself est un signe du temps comme un prétexte à inventer la vie qui va avec.
Un gage d’appropriation de ces voyageurs volontaires est leur capacité à construire ensemble leur vision d’un futur souhaitable.
Si un groupe de citoyens libres qui se sont donné le temps et les moyens d’un voyage aller-retour dans la Complexité y parvient, alors qu’aucun gouvernement, qu’aucun comité d’entreprise ou qu’aucun conseil de territoire ne disent que c’est impossible. Just do it yourselves.
La valorisation de l’échec autant que du succès.
Ces explorateurs savent que l’expérimentation sert à apprendre et pas nécessairement à réussir. L’important pour eux, c’est d’essayer et surtout de partager. Un échec ou un succès fera l’objet d’une restitution de même qualité.
Ils sont animés d’une philosophie qui déstresse tout le monde : « au pire ca marche. »
L’Esthétisation de la complexité
Le dernier temps- l’un des plus difficiles - c’est de donner à voir. Partager la quintessence de ce qu’ils ont découvert. Le florilège de ce qu’ils ont vu du futur et qui pourrait être la réalité de demain. De partager l’ineffable, le fil de leur étonnement, leur processus intime de transformation. Ils sont revenus emplis d’inspirations et les cales pleines de curiosités. Il est peut être temps de réhabiliter les cabinets du même nom et d’imaginer esthétiser la complexité dans des cabinets de curiosités du Futur.
Nouvelle attitude prospective
Difficile de savoir comme Joachim du Bellay si « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge. »
Disons finalement que la mobilité de l’esprit s’apprécie quand les perspectives changent et que l’horizon se reconfigure. Quand celui qui a osé, en revient conspirateur positif désireux de réhabiliter demain et est convaincu que la dernière terre vierge qui nous reste à explorer ici et maintenant, c’est le futur.
1- Voir à ce sujet un exemple de tipping point annoncé par une étude pluridisciplinaire de la Simon Fraser University de Vancouver dans la revue scientifique Nature, « Approaching a state-shift in Earth’s biosphère », juillet 2012.
2Clean Up day – Initiative de Rainer Nolvak à travers l’association Let’s do it pour nettoyer la nature en un jour... www.letsdoitworld.org