Petits ou grands, les écrans font partie intégrante de notre quotidien. Dans les foyers, les smartphones, tablettes, consoles de jeux... se sont progressivement ajoutés aux écrans de télévision et des ordinateurs.
6,2 écrans par foyer
Au premier trimestre 2012, on recensait une moyenne de 6,2 écrans par foyer1, soit davantage que le nombre de postes de radio. Changement d’époque... L’espace urbain participe pleinement de cette révolution numérique, dans une alliance souvent bien comprise avec la publicité afin de ne pas peser sur le contribuable. Des écrans géants qui permettent de partager collectivement les grandes retransmissions sportives ou culturelles aux écrans digitaux plus pérennes qui rappellent le design des smartphones, ces supports jalonnent désormais nos parcours dans les lieux de transports comme dans les espaces de loisirs, en passant par les centres commerciaux et certains magasins.
Des messages serviciels
Par les nouvelles possibilités qu’ils ouvrent en termes de créations dynamiques, d’adaptation et d’actualisation des messages serviciels, ces écrans digitaux font évoluer notre rapport au message délivré : « Leur taille, leur luminosité et les changements permanents d’images, de textes, de graphiques, de vidéo, de son… stimulent l’attention, note Laurence Ayrault, présidente Neuro@Conso, un laboratoire qui analyse le marketing à la lumière des recherches en neurosciences. La mémorisation est optimisée car la technologie engendre des messages plus créatifs, plus émotionnels, qui favorisent l’engagement et les expériences sensorielles, émotionnelles ou cognitives. Inversement, une grande quantité d’informations peut saturer les facultés attentionnelles et diminuer l’efficacité des messages. Les bruits, les mouvements, les lumières ou la foule inhérentes à la vie citadine entraînent parfois des difficultés de concentration, de l’énervement, des oublis, de l’anxiété, l’altération des capacités de jugement... »
Un effet ludique
Au-delà de la beauté et de la taille des écrans (pas moins de 39m² pour celui installé au terminal 2E de Paris CDG), c’est la pertinence de la création ou du service qui étonne les passants, capte leur attention, les divertit. Dans les terminaux d’aéroport, Guerlain a accueilli les passagers dans la langue majoritaire de leur vol à l’arrivée à Paris lors de la campagne pour son parfum La Petite Robe Noire. À Londres, IBM a donné les résultats de Wimbledon en associant la nationalité des joueurs et la destination des vols. Dans les malls équipés de salles de cinéma, une campagne pour le film « La Colère des Titans » signalait par un compte à rebours le temps restant avant la prochaine séance et des commentaires de spectateurs étaient incrustés sur l’écran. Les groupes d’écrans peuvent participer à l’effet ludique : lors d’une campagne « Madagascar 3 », le lion, l’hippopotame et la girafe apparaissaient successivement, chacun sur un écran.
Réassurance du passager
L’environnement influe sur la manière dont on perçoit les écrans digitaux. « On ne raconte pas la même histoire sur les écrans du métro, devant lesquels on ne passe que quelques secondes, et dans les aéroports où les passagers passent deux heures et demi. Dans ces espaces, les boucles ont aussi une dimension de réassurance du passager et d’infotainment. Les marques s’y intègrent naturellement car elles font partie du voyage », indique Isabelle Schlumberger, directeur général commerce et développement chez JCDecaux.
Une disposition d’esprit propice à l’achat
Les gares échappent en partie à la règle qui veut que les messages situés en hauteur échappent à l’œil des passants car les voyageurs ont l’habitude de consulter les horaires et les quais de départ sur des panneaux traditionnellement disposés en hauteur. Dans les centres commerciaux, certaines aversions à la publicité finissent même par tomber : « Les gens sont dans une disposition d’esprit propice à l’achat. Même si 70% d’entre eux ne savent pas précisément, en entrant, ce qu’ils vont acquérir, ils consacrent en moyenne 80 euros à leurs achats. Ils sont sensibles à l’information commerciale dispensée au plus près du point de vente », affirme Emmanuel Pottier, directeur de la stratégie et des nouveaux médias de Clear Channel.
Encore peu d'écrans in-store
Depuis l’apparition des comparateurs de prix, les écrans des mobiles ont fait leur entrée dans le linéaire. En revanche, les enseignes communiquent encore peu via des écrans in-store et semblent encore très en retrait par rapport à la courbe d’expérience de leurs clients.
Casino teste cet automne un écran vertical tactile qui fera office de mur digital et de catalogue interactif permettant d’acheter les produits présentés et d’éditer un ticket de caisse via QR Code. Addacom (groupe Areco) a installé plusieurs types d’écrans chez Géant Casino, Simply Market, Intermarché... : des écrans tactiles pour le rayon fruits et légumes (fiche produit, valeur nutritionnelle, idées de recettes…) jusqu’à un écran d’accueil de grande taille donnant accès à toute une gamme de services, d’images, de catalogues ou de vidéos. « Après trois à six mois d’implantation, l’écran trouve son public. Pour faciliter son appropriation, il est important d’utiliser des codes auxquels la plupart des clients sont habitués », souligne Armand Ménargues, directeur développement d’Addacom. Sur les écrans du rayon fruits et légumes, les icônes rappellent ainsi les boutons des balances de pesage. L’écran d’accueil fonctionne avec la même gestuelle que celle de l’iPad.
L’un des enjeux du numérique dans la ville réside dans l’utilisation du multi-écrans. « Comment va-t-on passer des petits écrans personnels à des écrans plus collectifs, que veut-on voir sur un grand écran, pouvoir récupérer comme information... ? On parle beaucoup de tactile et de 3D, mais tout ne se justifie pas. Danser devant un écran et se voir à l’intérieur relève sans doute du gadget. Il y a un gros travail d’écrémage pour imaginer ce qui sera utile demain », estime Norbert Maire, directeur de l’innovation du groupe Média Transports.Beaucoup d’opportunités et d’usages restent encore à explorer.
Certains panneaux digitaux peuvent changer de contenu en fonction de l’état émotionnel des passants. En Asie du Sud-Est, des écrans digitaux permettent déjà aux usagers du métro de faire des dons via les technologies NFC embarquées dans leurs téléphones mobiles...
Longtemps réticentes à installer des écrans sur l’espace public, les villes ne sont sans doute qu’à l’aube de leur mutation numérique. Au lieu de les assimiler à de la pollution visuelle, elles sont de plus en plus nombreuses à comprendre que ces écrans répondent aux demandes d’information du public et peuvent même se faire le relais efficace des services qu’elles mettent à disposition de citoyens de plus en plus connectés.
1- Médiamétrie / GfK, source : étude Référence des équipements multimédias.