2027. Les Français n’ayant plus du tout le moral, Matthieu Pigasse, le banquier d’affaires (directeur général délégué de la banque Lazard en France) – candidat de la société civile –, décida d’enjamber l’interminable crise en leur offrant une perspective : faire de la France la championne du monde du bonheur intérieur brut.
À la tête du « clan des Toulousains », son équipe rapprochée, il adopta la stratégie gagnante suivante : faire de la « bonheurisation » un axe majeur du changement de modèle français, capitaliser sur la marque France pour effectuer une spectaculaire montée en gamme dans tous les domaines, et réussir à convaincre l’ONU de remplacer le « PIB » par le « BIB » afin d’adopter un modèle soutenable.
L’AXE MAJEUR : LA « BONHEURISATION »
Le nouveau président expliqua que le bonheur devait devenir le concept transversal guidant toute son action et entreprit un changement complet à tous les étages. Le bonheur dans l’éducation nationale : le ministre Jérôme Saltet (cofondateur de Play Bac, spécialiste reconnu des questions scolaires) réussit à imposer sa vision de la nouvelle école fondée sur la confiance en soi, l’oralité, le travail en équipe, les activités extrascolaires, les échanges internationaux, l’interactivité et la bienveillance.
Le bonheur dans la justice : NKM, férue de technologie, introduisit massivement l’open data pour en faire un levier d’anticipation et de lutte farouche contre la délinquance, au point de finalement transformer la célèbre prison de la Santé en nouveau lieu culturel, le Bib – clin d’œil au bonheur intérieur brut –, dirigé de main de maître par Diane Dufour, empruntée au « Bal » pour l’occasion (lieu culturel dont elle est fondatrice et directrice).
Le bonheur dans l’économie : devenue la BIBanque, l’ancienne BPI avait fortement contribué à stimuler le changement de modèle. Son « livret Bonheur » fit fureur pour encourager l’entrepreneuriat.
La « Bonheur Box » installée par l’État dans chaque entreprise et chaque foyer pour concrétiser le programme de simplification entamé par Thierry Mandon, secrétaire d’État en charge de la réforme de l’État, et poursuivi par Gilles Babinet (entrepreneur et ancien président du Conseil national du numérique), permit de baisser les coûts d’exploitation de l’État de 30 % tout en accroissant la productivité de 20 %,
record mondial. La fusion en 2024 de PSA – à nouveau contrôlé par la famille Peugeot – et TESLA avait été unanimement saluée, tout comme le rachat de Blablacar par Renault.
Déjà, le Parc des Princes devenu le « Parc du Bonheur » avait chaviré de bonheur quand le PSG remporta la Champions League en 2018, marquant symboliquement le retour du leadership français. Élu à la tête de l’ONU à la surprise générale en 2020, Michel Platini avait fait de la « diplomatie du bonheur » son projet stratégique pour apporter la paix dans le monde. Heureux signe des temps, c’est une femme qui le remplaça à la tête de l’UEFA : Nathalie Iannetta, ancienne journaliste de Canal+.
LE MOYEN :
CAPITALISER SUR LA MARQUE FRANCE
Convaincu par Maurice Lévy et Vincent Bolloré, venus ensemble – une première – plaider la forte montée en gamme de la marque France, le président nomma pour la première fois une « ministre de la Marque France » – Élisabeth Billiemaz (DG de l’agence de publicité et de communication Les Gaulois) – et en fit symboliquement la numéro quatre de son gouvernement.
Convaincu que la bataille du futur était la bataille émotionnelle qui demanderait des moyens, il augmenta la TVA d’un point pour se donner immédiatement les moyens de booster la marque France. Le plan d’action était audacieux : essentiellement fondé sur le contentising, il consistait notamment à déployer mondialement – sous la houlette de Laurent Solly (DG de Facebook France), revenu ainsi servir le pays après avoir quitté son poste de patron opérationnel de Facebook à San Francisco – le projet de premier « réseau social de pays » intitulé « Francebook ».
Le logo, imaginé par Christophe Fillâtre (président de l’agence de design Carré Noir), comportait une Marianne à la poitrine généreuse – révolutionnaire en hommage à Delacroix – qui fit scandale au Moyen-Orient et aux États-Unis, buzz bien entendu recherché et destiné à montrer le leadership émotionnel français.
Le résultat fut spectaculaire : croissance de 3 % à partir de 2019, début des 10 BIBeuses, selon l’expression de Laurent Beccaria (fondateur de la revue XXI).
LE BUT : CONVAINCRE L’ONU DE REMPLACER LE PIB PAR LE BIB
Le discours à l’ONU fut méticuleusement préparé. Il fallait frapper les esprits du grand public pour faire bouger les grands de ce monde. Lancée depuis six mois sur Internet dans toutes les langues des Nations Unies, la pétition « Change for BIB » eut un énorme retentissement mondial. Il fallait désormais porter l’estocade dans l’enceinte des Nations Unies lors de l’assemblée générale annuelle.
Tout allait compter, le fond et la forme. Le fond : un discours ambitieux sur l’impératif changement de paradigme du monde, la nécessité de changer les critères d’évaluation des pays et donc de faire du BIB le nouveau critère de « richesse » imposé par l’ONU – appelée à devenir l’Organisation du
Bonheur Uni – à l’ensemble de ses membres.
La forme : un costume violet – nouvelle couleur recommandée pour que l’ONU illustre le bonheur, les Casques bleus devenant les Casques violets –, et des Google glasses pour projeter et commenter un film incroyablement émotionnel réalisé sur l’impact du BIB par Steven Spielberg. Surprise : l’image finale était un témoignage clin d’œil de la petite fille de Nikita Khrouchtchev, demandant au monde de renverser la table sur laquelle son grand-père avait tapé du pied. Le vote électronique n’avait pas été nécessaire : les mains se levèrent, telles celles des spectateurs faisant une ola dans un stade. Le bonheur…
Et la France – grâce au ratio richesse économique, culturelle, éducative, écologique, sportive… – devenait championne du monde du Bonheur Intérieur Brut. C.Q.F.D. Relax, non ? : ) .
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pierre et jerome doncieux
Relaxnews est né en 2000 de l'alliance de deux frères, Pierre Doncieux (rédacteur en chef de VSD, Lui, Condé Nast Traveler et rédacteur en chef adjoint de Vogue Hommes) et Jérôme Doncieux (directeur délégué d'Euro RSCG France). Une vision commune les anime : profiter de la « loisiration » de la société pour créer le «Bloomberg des loisirs».
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Le bonheur dans l’éducation nationale : imposer la nouvelle école fondée sur la confiance en soi, l’oralité…
Illustration d'Elobo