Une vision plus empathique de notre rapport au monde, une quête d’exutoires pour s’extraire du réel, une aspiration à définir de nouvelles valeurs, tels sont les trois premiers scénarios qui pourraient narrer les enjeux de notre avenir. À cela s’ajoute une quatrième dynamique, transformer l’essai, plus particulièrement développée dans ce dossier.

Au début de la décennie, un vaste mouvement d’émancipation porté par les nouvelles technologies de l’information et les réseaux sociaux s’est diffusé dans le monde entier. Passer à l’acte et se mobiliser pour changer le système en étaient les mots d’ordre.

Aujourd’hui se dessine une orientation plus pragmatique, mais tout aussi ambitieuse, nourrie par le désir de réellement transformer l’essai. Cette puissante dynamique témoigne de la volonté croissante qui règne, tant dans les pays émergents que dans les économies touchées par la crise, de se saisir de toutes les opportunités pour prendre la main sans attendre et construire son propre avenir. Il est l’heure de mobiliser tous les moyens à disposition, pour participer positivement à la transformation du monde et s’y engager de manière créative et constructive.



L’une des solutions est bien sûr l’entreprise, qui retrouve son sens, avec l’émergence d’une génération d’entrepreneurs engagés, souvent inspirés de la Silicon Valley, qui insuffle un nouvel esprit « start-up » à travers le monde. Prendre son destin en main et oser, faire fructifier l’ingéniosité et débrider l’inventivité caractérisent cet état d’esprit audacieux.



Une autre voie consiste à s’emparer des nouveaux outils de production numérique (grâce à l’impression 3D et la maîtrise du coding, dont on ne fait qu’apercevoir les extraordinaires potentiels, mais qui annoncent selon Chris Anderson une troisième révolution industrielle). Deux dynamiques sont déjà à l’œuvre : la démocratisation de l’accès à ces outils et la formation des jeunes générations à leur utilisation.



Quel que soit le projet, entrepreneurial, techno-artisanal, créatif ou solidaire, si l’on veut transformer l’essai, il faut surtout savoir innover et concevoir. Ceci donne lieu à une véritable culture de l’expérimentation qui se généralise massivement. Il s’agit alors de tester, valider, concrétiser les projets (sous forme de prototypes) pour constater de façon pragmatique leur viabilité et faire de ses erreurs une opportunité pour s’améliorer.



Expérimenter s’accompagne naturellement du goût du challenge, de la volonté de s’attaquer aux grands problèmes de la société tels que « réparer » l’environnement, améliorer la vie en ville ou œuvrer à un rééquilibrage équitable du monde. Dans cette perspective, les pays du Sud sont désormais porteurs de solutions capables de générer de nouveaux modèles économiques et sociaux.

De même, les outils Web de partage, de redistribution et de mobilisation des ressources sont devenus une alternative crédible et puissante qui continue de révolutionner notre système.





Inspiré par la Silicon Valley californienne et les figures visionnaires telles que Steve Jobs, l’esprit « start-up » ravive le caractère émancipateur de l’entreprise : celle qui crée, donne du sens à l’action et permet d’avoir un impact positif sur la société. La start-up, c’est surtout la possibilité d’inventer son métier, de créer sa vie, de vivre de sa passion et de réaliser ses rêves. Non plus basée sur la compétition, cette nouvelle culture entrepreneuriale s’appuie sur un esprit de collaboration, de cooptation, de partenariat entre créateurs de projets… Une source d’inspiration pour tous.



L’événement Startup Week-end Fashion & Tech Paris fait partie d’une série de start-up week-ends organisés à New York, Londres, Milan et Poznań. Il est entièrement consacré au secteur de la mode, et notamment à sa relation avec la technologie et le numérique.



La série américaine « Silicon Valley » raconte la vie de cinq développeurs qui montent leur start-up dans « l’écosystème entrepreneurial » de la Californie du Nord. Au-delà des stéréotypes et du caractère comique du scénario, cette série montre la fascination actuelle qu’exerce ce phénomène de société.



Samsung France a lancé « Launching People », un vaste appel à projets auprès du grand public ayant pour objectif de révéler le potentiel entrepreneurial de chacun. Samsung a mis à disposition des lauréats une aide financière et un parrainage d’experts. Le photographe et réalisateur Domshine a remporté le prix dans la catégorie Photo & Vidéo. Et grâce aux conseils du grand photographe et réalisateur Bruno Aveillan, il a pu réaliser son projet de livre interactif intitulé Je rêve et je fais , portrait actuel des danses urbaines.



Dans Makers, The New Industrial Revolution (2002), Chris Anderson explique que l’accès démocratisé à de nouvelles machines à commande numérique de petite taille (type imprimante 3D désormais en vente chez Amazon, Staples, Walmart) révolutionne l’industrie, en permettant à tous de se réapproprier l’outil de production. Cette libération du savoir-faire, à la croisée du numérique et de l’artisanat, engendre de nouvelles formes et lieux d’apprentissage dans tous les domaines (éducation, design, distribution…). Pariant sur les générations futures, certains pays initient des formations offrant aux plus jeunes les moyens de maîtriser ces technologies.



Print The Legend est un film documentaire dont la sortie est prévue en décembre 2014. Réalisé par Netflix et primé à la SXSW’s Documentary Feature Competition, il aborde différents sujets liés à la démocratisation de l’impression 3D : quel est l’historique de cette révolution, où en est-on aujourd’hui et quels sont les espoirs et controverses qu’elle fait naître (avec notamment la libre impression d’armes à feu sur Internet) ?



Aux Pays-Bas, le « frysklab » est un fab lab mobile qui se déplace d’école en école dans le nord du pays afin de faire découvrir les potentiels de l’imprimante 3D et de la découpe laser. À plus long terme, cette initiative est destinée à apporter des solutions aux défis socio-économiques locaux, notamment en zone rurale.



S’initier au code dès le plus jeune âge : aux États-Unis, les élèves du primaire et du secondaire ont été invités à s’initier au code à travers l’événement « The Hour of Code ». Au même titre, le Royaume-Uni a lancé « The Year of Code », une campagne de sensibilisation qui devrait bientôt se concrétiser en une véritable réforme éducative à l’échelle nationale.



Le désir d’entreprendre, le goût de l’action constructive s’accompagnent également d’une foisonnante culture de l’innovation. Cette culture repose sur l’expérimentation qui permet aux projets (techno-artisanaux, artistiques, collaboratifs ou solidaires…) d’accéder à la concrétisation et de trouver leur place sur le marché. Imaginer des prototypes inédits, tester leur viabilité, inventer des modèles alternatifs de travail deviennent un moment participatif où chacun peut contribuer sans peur d’échouer. « Au croisement des savoir-faire », « l’esprit laboratoire », le « learning by doing », le « making-of » révolutionnent l’engagement économique.



Initié par nod-A (agence développant des dispositifs d’innovation collective), « le makestorming est une approche joyeuse pour faire ensemble le travail autrement. Elle s’inspire de techniques venues du bon sens mais aussi du design, du Web, des makers, de l’ingénierie et de la créativité ». Lors de l’exposition « Wave » à Paris, nod-A a installé un atelier de co-création et de partage dédié à l’ingéniosité collective sur le thème « Imaginer et construire la ville ingénieuse de demain ».



La seconde édition du BMW Creative Lab powered by Napapijiri a pour thème « Création de vêtements et mobilité intelligente ». Ce laboratoire de talents combine l’expertise design du BMW Group DesignworksUSA avec l’expérience et la créativité des entreprises italiennes. L’idée est de challenger les designers pour élaborer des vêtements innovants capables de devenir les interfaces de demain dans le cadre d’une mobilité urbaine durable.



La « Craft Party by Etsy » est un événement mondial qui célèbre la rencontre autour de l’envie de « faire », de créer et d’expérimenter. L’occasion de se regrouper pour un moment créatif, de partager sa passion pour l’artisanat, l’art et le design avec la communauté. Le thème de cette année est « Réinventer : donnez une seconde vie à vos photos ».



S’engager pour transformer la société, se battre pour un monde meilleur, c’est aussi relever des challenges au quotidien, savoir se mobiliser, parfois très rapidement, tout en redoublant d’efficacité. Les pays du Sud sont riches d’enseignements à ce sujet et peuvent nous inspirer lorsque nous ressentons l’urgence de participer à un rééquilibrage mondial, et notamment à sauvegarder l’environnement. C’est le principe même de « l’économie circulaire », qui demande aux industriels de s’engager, de modifier leur fonctionnement pour se muer en réparateurs des écosystèmes naturels dans le cadre d’une éco-conception généralisée.



La stratégie d’innovation Jugaad (mot hindi signifiant « savoir se débrouiller et trouver des solutions dans des conditions hostiles ») a connu un succès mondial retentissant. Savant mélange de système D et d’ingéniosité, l’innovation Jugaad améliore les conditions de vie dans les pays émergents et stimule la créativité des pays riches. La société Vortex Engineering va installer, d’ici à 2015, 5 000 distributeurs automatiques de billets alimentés à l’énergie solaire avec système de reconnaissance digitale dans les zones rurales de l’Inde.



En raison de son climat aride, la ville de Lima (Pérou) souffre de problèmes d’approvisionnement en eau potable, le taux d’hygrométrie y est en revanche de 98 %. Le projet « Drinking Water Generator » élaboré par Mayo Draft FCB & UTEC propose d’utiliser les panneaux publicitaires de la ville pour les transformer en capteurs d’humidité de l’air. Le système se révèle déjà capable d’alimenter en eau potable certains quartiers déshérités de la ville.



Véritable symbole de cette dynamique, Demain est un film documentaire de Mélanie Laurent et Cyril Dion financé par crowdfunding. Les deux réalisateurs partent à la rencontre des acteurs mettant en œuvre des solutions inédites et durables dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’énergie, l’économie, l’éducation ou encore la démocratie. En cours de réalisation, ce film sera projeté à Paris en 2015 lors de la conférence internationale sur le climat.







L’individu engagé dans et pour le changement veut dorénavant participer, mettre la main à la pâte, s’impliquer et contribuer, quitte à transformer ce temps et cette énergie en nouvelle monnaie d’échange. Les marques devront prendre en compte le fait que l’acte de consommation s’enrichit et créer un contexte fertile autour des services et produits qu’elles proposent : un moment actif, riche de sens, de liens et d’interactions nouvelles.



Les réseaux sociaux nous ont appris et donné le goût de la mobilisation. C’est cette énergie collective qui dorénavant se concrétise dans l’action groupée, créative et productive. Savoir rassembler, c’est ce qui rend possible une véritable expérience partagée, une co-production épanouissante pour chacun, et permet d’accomplir des merveilles. Il est l’heure de se rendre à l’évidence, de voir et saisir les très nombreuses opportunités d’une alternative qui s’institutionnalise.



Avoir son propre projet, qu’il se matérialise par une entreprise pérenne, une production artisanale ou une aventure artistique, permet à l’individu de se construire et se projeter dans l’avenir. L’engagement, le goût du risque, la possibilité de s’exprimer et de produire par soi-même redonnent sa force émancipatrice à la libre entreprise créative.



Expérimenter, c’est donner toutes les chances de succès à un projet en permettant de trouver le bon modèle ou la bonne manière de faire. C’est aussi l’un des rares moments où l’on peut s’exprimer et où l’on a le droit de se tromper. Ce temps de l’expérimentation représente une véritable fenêtre de liberté dédié à l’innovation et le plaisir de participer à la conception pragmatique de nouveaux produits.



Les modèles alternatifs issus du Web, des nouvelles technologies numériques se démocratisent. Demain, nos contemporains ne seront plus seulement des consommateurs, mais aussi des producteurs collaborateurs, grâce notamment à l’impression 3D. Les marques devront se saisir de cette opportunité pour solliciter leur concours pour offrir des produits et services toujours plus personnalisés.



Il s’avère que les consommateurs sont toujours plus sensibles à la durabilité, à la sobriété heureuse et à l’éco-conception, l’innovation Jugaad a donc de beaux jours devant elle. Dans la logique de « la mobilisation de ce que ce que l’on a sous la main », l’ingéniosité des pays du Sud va inspirer de plus en plus ceux du Nord. Demain, les marques devront adopter cette démarche et repenser leur stratégie d’innovation : pour des produits plus simples, modulables, moins chers, éco-conçus et réparables… Hors de toute logique d’obsolescence programmée.