Il n’y a jamais eu autant de télévisions que depuis que l’on a inventé le mobile ! Aujourd’hui, la consommation vidéo se répartit, selon les circonstances, entre quatre écrans : la télévision, l’ordinateur, la tablette et le mobile. Si le téléviseur du salon reste propice à la consommation en famille ou entre amis, l’ordinateur et la tablette correspondent à des usages plus personnels. Le mobile est même devenu un véritable écran compagnon, voire l’écran « de secours » des accros.
Dans cet écosystème augmenté, le public se réapproprie des contenus qui agrémentent un moment partagé, une pause, un temps d’attente ou de transport. Les marques y trouvent de nouvelles opportunités pour multiplier les points de contact et la manière dont elles se présentent à leurs clients : les faire rêver, les inspirer, les renseigner, les épauler dans leurs projets, garder une présence à l’esprit…
La TV, un univers premium pour la vidéo
La plupart des annonceurs télé utilisent désormais ce média sur l’ensemble de ses écrans. « Dans l’univers audiovisuel, la publicité vidéo est exposée dans un contexte premium et réellement consommée, souligne Fabrice Mollier, DGA Marketing, Stratégie & Innovation de TF1 Publicité. Compte tenu du haut niveau de couverture des campagnes télé, une extension des campagnes sur le digital apporte une couverture additionnelle limitée. En revanche, pour les personnes doublement exposées en télé et en catch-up, le gain est très important en termes de mémorisation et d’image de la marque. »
Les régies télé ont déployé des offres permettant aux marques de naviguer entre les écrans et des opérations spéciales, qui accompagnent l’évolution des modes de consommation. Les grands événements de l’antenne ou du calendrier sportif sont l’occasion de mesurer l’ampleur du phénomène. « Pour Roland Garros, la consommation sur mobile a doublé entre 2014 et 2015. Cette année, nous commencerons à faire vivre les jeux Olympiques très en amont sur le numérique et à travers des programmes courts sur les antennes. Permettre aux marques de synchroniser les publicités, d’avoir des relais vidéo sur les réseaux sociaux ou d’intégrer leur contenu de marque dans un contexte éditorial fort, va dans le sens de l’histoire. Nous sommes entrés dans une phase d’industrialisation de ces dispositifs », font valoir Nathalie Clemenceau et Patrice Sguerzi, directeurs commerciaux chez France Télévisions Publicité.
Des Multi Channel Networks (MCN) comme Golden Moustache ou Rose Carpet, lancés par M6, renforcent les passerelles entre télé et Web. « Nous avons appris à produire du contenu digital et à nous approprier l’esprit des talents du Web qui plaît tant aux jeunes. Dans une stratégie de conquête, la bataille de part de marché se fait souvent sur les cibles jeunes. Nous orchestrons les deux médias en alliant la puissance de la télé avec des relais en call to action », explique Guillaume Charles, DGA de M6 Publicité.
Pour s’adresser aux 15-25 ans autour du gel Résine Force 14, Vivelle Dop a fait appel en 2015 à Golden Moustache pour une saga Hair Force 14, qui s’est rapidement placée dans le Top 10 des vidéos les plus vues sur YouTube. Les producteurs de séries se prennent aussi au jeu. Depuis deux ans, Orange s’appuie sur les personnages de Scènes de ménages pour sa campagne de Noël. « Les deux marques sont associées dans le spot TV et nous avons fait une chaîne dédiée sur 6play. Il était important que cette campagne soit produite par Kabo, producteur de Scènes de ménages, pour bien respecter les codes du programme », ajoute-t-il.
Revoir les codes créatifs (ou pas)
Sur l’ordinateur et les supports mobiles, le risque de rejet de la publicité est encore plus fort qu’avec la télé. La circulation des campagnes vidéo au sein de l’écosystème digital oblige-t-elle à multiplier les propositions et à revoir les codes créatifs ? « On entend beaucoup parler d’adaptation des créations aux supports, mais on ne la voit pas tellement arriver, constate Fabrice Mollier. La globalisation des campagnes entraîne plutôt plus d’uniformisation, avec un même spot diffusé partout. Certains annonçaient la mort du spot de 20 ou 30 secondes. Pour le moment, le 20 secondes reste un standard en télé et le 30 secondes devient même le format émergent sur les réseaux sociaux. »
La campagne Volvo avec 60 pré-rolls contextualisés diffusés sur YouTube pour promouvoir le SUV premium XC60 fait un peu figure d’exception… « La plupart du temps, les annonceurs estiment que l’adaptation des formats est surdimensionnée pour leurs campagnes, confirme Sébastien Emeriau, directeur planning stratégique et innovation chez Havas Media. Cela prend pourtant tout son sens dès que l’on dépasse la logique de la cible TV et que l’on commence à raisonner en termes de logique client et de parcours consommateur. »
Sur la forme, les formats verticaux seraient mieux adaptés au déroulé des fils d’actualité. Le sous-titrage palie l’absence de son, par exemple dans les autoplay de Facebook. La taille des écrans soulève aussi beaucoup de questions… « La publicité s’inspire souvent du cinéma et des séries. Avec les nouvelles formes d’écriture et le transmédia, les créateurs de séries sont en train d’apprendre une nouvelle grammaire. Il faut laisser du temps pour que cela arrive chez les créateurs de publicité », poursuit-il.
Dans un univers web skipable, certains recommandent de divulguer le message de la marque le plus tôt possible, alors que les films conçus pour la télévision montent traditionnellement en puissance avec une révélation en fin de spot. Pour Matthieu de Lesseux, co-président de DDB Paris, le format skippable n’est absolument pas le sujet : « Cela renvoie à l’importance que l’ensemble des acteurs accordent à la qualité de la création, qui ne dépend absolument pas du format mais de l’émotion que suscite la campagne. Nos vidéos pour Volkswagen ne sont quasiment pas skippées alors qu’elles ont déjà été vues partout ailleurs. »
« Nous cherchons à développer des vidéos conversationnelles autour d’un insight consommateur qui touchera l’internaute dès les premières secondes, maintiendra son attention jusqu’au bout et créera de l’engagement », ajoute pour sa part Christophe Clapier, directeur de création chez BETC Digital. La création se doit d’être impactante, voire déroutante. Dans une campagne de 2014 pour Canalsat à la demande, le personnage du film interpelait d’emblée l’internaute, en gros plan face caméra. La campagne avait été déclinée en pré-rolls contextualisés (humour, jeunesse…), déclenchés selon le type de recherche lancé par l’internaute sur le service.
Ciblage et géolocalisation
Le type de vidéo qu’un internaute va visionner dépend en grande partie du temps dont il dispose. Son état d’esprit dans les différents moments de consommation guide l’orchestration média. « Lorsque le consommateur est ouvert à la découverte d’un produit ou d’une marque, la télé permet de créer du désir, rappelle Matthieu de Lesseux. Pour faire connaître davantage le produit, on aura plutôt recours aux réseaux sociaux ou au brand content. Le digital est efficace pour déclencher l’achat. Si on veut créer de l’engagement, cela se jouera davantage sur les réseaux sociaux ou sur YouTube qu’à la télévision. »
Le travail mené par les annonceurs, les agences médias et les régies autour de la data ouvre de nouveaux horizons. « Quand il y a pléthore d’écrans, de médias et de formats, la data permet d’aller chercher la bonne audience au bon moment et de dégager un meilleur ROI, note Étienne Bodel, Video Strategist chez l’agence de trading Amplifi. Nous partons des données annonceurs pour déterminer le cœur de cible et nous concentrer sur les contacts utiles, puis nous précisons cette cible efficace en la rapprochant des données de notre panel groupe, mondial et local. Cela permet d’accompagner nos clients dans la connaissance de leurs cibles sur des critères qu’ils n’ont pas. La cible définie, nous nous rapprochons des données médias pour définir le poids de nos investissements sur ces familles, la juste répartition par écran, le bon format, les options de ciblage et le meilleur prix. En connectant la data annonceurs des habitudes de consommation médias et produits, on peut mettre au point des messages adaptés aux habitudes de la cible. » La data permet aussi d’adapter ou de reformater les campagnes en fonction des centres d’intérêts repérés sur les réseaux sociaux, la météo, la géolocalisation… comme l’a fait Isobar pour Mondelez, BMW, Mini ou encore Club Med.
Le digital n’en finit pas de repousser les frontières créatives et business de la vidéo. Les technologies immersives ou les effets gyroscopiques font vivre des expériences à 360°. La télévision n’est pas encore cliquable, mais certaines télécommandes sont déjà équipées de cette option. Autant dire que le grand écran n’a pas dit son dernier mot en matière d’interactivité !.
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christine monfort
Rédactrice
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