IÑfluencia Quelle est votre mission ?
FRANÇOIS LOVITON J’ai la responsabilité de gérer les relations entre Google et l’ensemble des retailers français. Cela inclut les groupes de grande distribution, les chaînes de magasins, mais aussi les pure players sur la Toile et les marques qui travaillent avec ces enseignes. Le retail est un écosystème à part entière. Cet accompagnement repose sur trois piliers. Nous avons tout d’abord accès à de nombreuses données qui peuvent aider les retailers à comprendre ce que l’utilisateur fait sur le digital. Nous leur permettons aussi de mieux comprendre nos plateformes afin qu’ils entrent plus efficacement en contact avec leurs clients, et nous pouvons aussi être un partenaire technologique, grâce à nos solutions sur le Cloud notamment.
IÑ Les retailers ont-ils pris conscience de l’importance du digital ?
FL Lorsque j’ai accédé à ce poste après être passé chez Carrefour puis Celio, la prise de conscience des retailers était naissante. Désormais, la digitalisation est au cœur des stratégies des principaux distributeurs. Mais si vous regardez les chiffres, on s’aperçoit que la France a encore un sérieux retard à rattraper. Le poids de l’e-commerce dans le retail y est deux fois moins élevé qu’au Royaume-Uni, et nettement inférieur à celui de l’Allemagne, alors que la taille du marché de la distribution dans ces trois pays est comparable.
IÑ Comment expliquez-vous ce retard ?
FL L’Internet, l’ADSL, le portable… La France a toujours eu cinq ou six ans de retard sur le Royaume-Uni et l’Allemagne en ce qui concerne l’adoption des nouvelles technologies. Les retailers ont donc mis plus de temps à comprendre l’importance qu’allait prendre la digitalisation dans leur secteur. Le coût d’une livraison à domicile dans l’Hexagone est aussi deux fois plus élevé qu’en Grande-Bretagne – en raison notamment des salaires et des charges sociales. Cette contrainte a favorisé l’essor du drive, qui est un modèle unique en France.
IÑ Comment accompagnez-vous les retailers dans leur transformation digitale ?
FL Nous leur conseillons, dans un premier temps, de bien comprendre leurs clients et leurs comportements. L’utilisateur se tourne aujourd’hui vers son portable. Les requêtes sur Google Search au niveau des mobiles sont, et c’est nouveau depuis 2017, plus importantes que depuis les tablettes et ordinateurs réunis. Or, les retailers en France n’ont toujours pas basculé leur stratégie vers le mobile.
IÑ Comment cela se traduit-il ?
FL Un client aujourd’hui estime qu’un site doit se télécharger en moins de trois secondes, alors que la moyenne en France est de neuf secondes. Nos études montrent que la moitié des internautes changent de page si les trois secondes sont dépassées. Cela a un impact énorme pour les retailers, qui doivent aussi comprendre les attentes des utilisateurs, qui sont eux impatients, curieux et exigeants. Certains sont dans une recherche esthétique ; avant de choisir un vêtement ou un meuble, ils veulent trouver des sources d’inspiration en consultant des vidéos ou des contenus riches. D’autres ont un parcours plus classique et souhaitent lire des conseils sur le produit qu’ils recherchent et obtenir des prix intéressants. Certains, enfin, veulent remplir rapidement et au meilleur tarif possible un panier de produits précis.
IÑ Comment répondre à toutes ces attentes ?
FL En ayant recours à l’omnicanalité. Les retailers doivent tout d’abord s’assurer d’avoir un site pour les mobiles qui réponde aux attentes des consommateurs. Des contenus vidéo sont notamment primordiaux pour les millennials. L’omnicanalité vise à lever les frictions qui peuvent exister entre l’intention d’achat et l’achat en lui-même. Elle doit permettre à l’utilisateur de passer facilement une commande et obtenir le produit souhaité le plus rapidement possible. Posséder un réseau de magasins est essentiel dans cette stratégie, car les points de vente permettent d’être plus proche du client et d’offrir des points de retrait des achats.
L’OMNICANALITÉ VISE
À LEVER LES FRICTIONS
QUI PEUVENT EXISTER ENTRE
L’INTENTION D’ACHAT
ET L’ACHAT EN LUI-MÊME.
IÑ On voit pourtant beaucoup de magasins fermer leurs portes CES DERNIÈRES années…
FL Il est vrai qu’aux États-Unis en particulier beaucoup de centres commerciaux et de boutiques ont fermé, mais le chiffre d’affaires réalisé dans les boutiques, lui, n’a pas chuté. Le nombre de mètres carrés de surface de vente a donc tendance à diminuer, mais les revenus au mètre carré augmentent. Le point de vente reste une source d’inspiration et d’expérience grâce au conseil et à la démonstration.
IÑ Les nouvelles technologies permettent aux retailers de diffuser des publicités plus ciblées à leurs clients. comment éviter que ces offres deviennent intrusives ?
FL En apportant une réelle valeur ajoutée au client, c’est-à-dire en lui proposant le bon produit au bon moment. Si un client veut connaître l’heure de fermeture d’un magasin et que la réponse lui parvient immédiatement avec l’indication du meilleur itinéraire à suivre pour ne pas perdre de temps, on lui apporte une véritable valeur ajoutée.
IÑ Quel est l’avenir de l’assistance vocale ?
FL Après le mobile, l’assistance vocale et les objets connectés représentent la nouvelle révolution de l’Internet. Grâce à l’intelligence artificielle, les protocoles de reconnaissance vocale sont devenus très performants et les consommateurs sont aujourd’hui prêts à utiliser cette technologie, ce qui n’était pas le cas il y a deux ans. La voix va devenir un mode de communication possible pour interagir sur la Toile. Aux États-Unis, 20 % des requêtes effectuées sur nos applications Google sont faites par la voix. Les retailers vont devoir s’adapter à cette tendance en offrant de véritables expériences aux utilisateurs. Le choix de la voix diffusée sur leurs objets connectés sera notamment très important. L’interaction par la parole va prendre une place très importante pour les retailers.
frederic therin
Rédacteur