L’émouvant dans l’émotion est le paradoxe qu’elle provoque. La fusion d’un sentiment d’urgence avec celui de la plénitude. L’impression d’un départ imminent et la sensation d’être, enfin, arrivé. Être ému prend des formes variables, un rire ou une colère qui la dissimule, une légère érection qui la désigne ou une larme qui s’y soumet.
Et récemment, les gens de la communication ont fait une découverte scientifique phénoménale : derrière ce paradoxe, et quelle que soit la forme qu’il prend, se trouve le désir. Une énergie pure, un désir fondamental sans objet qu’il faut immédiatement assouvir, un rappel de son origine latine, movere, mettre en mouvement. L’état rêvé pour faire du shopping.
« Tous les grands spécialistes du marketing le savent : l’émotion déclenche bien souvent l’envie d’acheter. Les messages publicitaires les plus efficaces parviennent à nous toucher avant de nous faire réfléchir, en jouant sur la peur, l’amour, le désir, la culpabilité, la fierté ou encore le sentiment d’exclusivité. »*
Les individus sont
bombardés, jour et nuit,
de milliers de neutrinos
émotionnels À LA durée
de vie infinitésimale.
Le problème est que tout est à vendre et qu’il y a beaucoup de choses à vendre. Et que tout doit, donc, créer de l’émotion. L’information est l’une des choses achetées en masse. Les images de la guerre, les plus dures, font la meilleure audience, les gros plans sur un terroriste garantissent les plus gros tirages, tout comme les seins tagués des Femen. Le tout consommé dans une vision tabloïd du monde, émaillée de publicités émouvantes.
Les individus sont bombardés, jour et nuit, de milliers de neutrinos émotionnels, avec une durée de vie, infinitésimale, dont on n’a le temps de connaître ni la cause, ni les effets. Émotion et compulsion se superposent et finissent par se confondre.
Peut-être que l’émotion prend du temps, qu’elle se cache en attendant que la tempête se calme. Qu’elle a besoin de s’enraciner dans quelque chose avec un début et une fin. Comme, par exemple, ce geste d’Angela Merkel. En accueillant un million de réfugiés, elle a commencé à sortir l’Allemagne de son bourbier historique. Elle a atténué la voix de ce critique cinéma qui écrivit : « La culture allemande a disparu dans les camps. » Émouvant.
*Blog Le Marketeur Français.
François Toucas
Après un passage léger aux Arts appliqués, 5 ans au marketing chez Philip Morris durant les heures glorieuses où fut lancée Marlboro en France (pardon !). Premier marketing totale et globale, publicité, sponsoring, événements, promotions, mécénat, à s’être épanoui et cela grâce aux premières lois anti-tabac. Horrible et fantastique école où il a tout appris.