Après avoir connecté les sites web (Yahoo), puis les pages web (Google), les personnes (Facebook), leur CV (LinkedIn) et leurs actualités (Twitter), voilà qu’Internet s’intéresse depuis quelque temps à connecter tous les objets qui nous entourent... Sans s’en rendre réellement compte, nous sommes désormais dans l’ère de « l’Internet of Things » où un nombre croissant des lieux, meubles, véhicules... qui nous entourent ont désormais une adresse IP.
Cette révolution ne date pourtant pas d’hier... Dans les années 80 déjà, la domotique promettait aux consommateurs de pouvoir diriger au doigt et à l’œil la maison du futur. Mais ces systèmes propriétaires complexes et coûteux n’ont pas dépassé le cercle de quelques passionnés de technologie et fortunés...
Deux facteurs clefs ont permis l’émergence des objets connectés
Internet et le Wi-Fi ont d’abord été une condition indispensable pour proposer un protocole de connexion standard, peu coûteux, et disponible très largement permettant aisément à des objets de marques concurrentes de communiquer entre eux. L’explosion du mobile, du Bluetooth et la 3G/4G ont permis de fortement accélérer les choses. En effet, plus besoin de créer une télécommande (hardware) complexe et onéreuse pour chaque objet. En s’appuyant sur iOS ou Android, il suffit de proposer une application à télécharger (software) pour transformer notre smartphone en télécommande universelle. Avec le Bluetooth et la 3G/4G, notre rayon d’action s’élargit bien au-delà du bureau ou de la maison...
Le smartphone devient peu à peu la tour de contrôle de notre vie...
E-sport, e-santé, automobile... Toutes les industries sont désormais impactées... Les objets qui nous entourent deviennent ainsi de plus en plus intelligents. Nous quittons progressivement l’ère de la production de masse qui ne proposait que des produits standards identiques pour tous. L’aspect logiciel des objets connectés permet ainsi à chacun de bénéficier d’une expérience et d’un service sur mesure, et en temps réel.
Le sport a été l’un des premiers secteurs à ouvrir la voie en promettant aux pratiquants du dimanche ou aux athlètes de tracker en temps réel leurs performances et leurs conditions physiques. Après le succès de l’application Nike+, qui a permis à 5 millions d’utilisateurs de transformer leur smartphone en podomètre 2.0, ou celui de l’application Runkeeper, l’offre de bracelets connectés s’est littéralement envolée : Fuelband de Nike, Up de Jawbone,...
Le suivi de notre condition physique connaît un véritable engouement avec des acteurs comme Withings (encore des Français, décidemment en pointe dans le domaine) et sa gamme de produits pour suivre de près votre sommeil, votre pression sanguine, votre poids... ou surveiller votre bébé à distance.
Automobile, magasin et maison connectés : les trois champs de bataille pour 2014
Mais va-t-on devoir remplacer tous les objets qui nous entourent par leurs frères connectés avec le coût que cela implique ? Pas besoin ! Pour Rafi Haladjian, le fondateur du Nabaztag, un des premiers objets connectés mis sur le marché, le but est plutôt de rendre connectés les objets existants... Avec sa société Sen.se, il a présenté au CES 2014 de Las Vegas une gamme de capteurs intelligents (Motion Cookie) que l’on pourra associer à une grande variété d’objets pour tracker leur activité via une station mère et une application tablette et smartphone. Pour simplifier, surveiller l’arrosage de ses plantes, la température de sa maison en fonction de la présence des habitants, la bonne prise de médicaments par notre grand-mère, et même retrouver un objet comme un trousseau de clés, ou mesurer notre consommation de café (une alerte pour racheter des capsules avant d’en manquer),... rien n’échappera plus à cette mère virtuelle...
Mais l'objet qui concentre toutes les attentions est l’automobile connectée... Avec plus de 38 Millions de véhicules en France et le temps important qu’on y passe, le marché promet d’être énorme et suscite bien des appétits. Les constructeurs se retrouvent désormais en compétition avec les éditeurs de logiciels... Qui aura la maitrise du cerveau de nos autos ? Google est clairement en pointe... S’il teste déjà la Google Car, voiture de demain qui se conduit seule, ou vient d’investir 192 millions d’euros dans Uber, Google profite du succès d’Android (son OS mobile) pour signer avec les constructeurs.
Enfin, l’un des autres secteurs à surveiller est celui du Retail... après des tests mitigés autour de Bluetooth, du RFID ou du NFC, c’est la technologie iBeacon d’Apple qui risque de secouer l’industrie. Grâce à des émetteurs peu coûteux, il va désormais être possible de connecter de manière très précise géographiquement un objet, un corner, un linéaire dans un rayon de quelques centimètres à plus de 150 mètres. Le marketing microgéolocalisé semble enfin devenir une réalité.
Vers l’humain connecté
Mais pourquoi s’arrêter aux objets... si le mobile est une télécommande formidable, pourquoi s’encombrer d’une interface ? Samsung, Sony ou Adidas, entre autres, expérimentent la montre connectée. Google quant à lui se focalise sur ses Google Glass qui promettent de nous donner accès à une réalité augmentée personnalisée en temps réel.
On peut déjà imaginer les « Googles Lenses », et pourquoi pas demain connecter directement notre cerveau à l’Internet et au Cloud... Imaginez pouvoir accéder instantanément juste en y pensant à toute l’intelligence, à tous les contenus et toutes les applications du monde.
Des enjeux stratégiques pour les marques
Les objets connectés représentent un défi et des opportunités énormes pour les entreprises.
Comme a pu le noter Georges Edouard Dias au CES de Las Vegas, « c’est la fin annoncée du marketing produit, puisque le produit aujourd’hui ne prend sens que lorsqu’il est connecté à une application, puis à une plateforme ». Les marques doivent désormais concevoir des expériences et fournir du service de plus en plus personnalisé. Le niveau d’attente du consommateur connecté s’est fortement élevé. Il veut avoir accès à tout, instantanément, de manière personnalisée et dans n’importe quel point du globe.
La promesse derrière les objets connectés est définitivement la data. Avec Nike+, ce sont les informations sur les pratiques sportives de 5 millions de coureurs auxquelles l’entreprise peut accéder ! À des années lumières du volume de données remonté par un panel de 30 consommateurs... Accélération de la R&D, mesure en temps réel de l’efficacité des offres marketing, meilleure connaissance clients, monétisation d’une version premium du service... L’ère des objets connectés est pleine de promesses pour les entreprises qui sauront investir et repenser leur offre, développer ces nouveaux services et capitaliser intelligemment sur la Big Data...
Mais attention à ne pas jouer impunément les Big Brothers. Comme on l’a vu avec le scandale de la NSA, la tentation est grande de surveiller et d’utiliser, à l’insu des utilisateurs, les milliards de données collectées par les objets connectés. La relation de confiance avec les consommateurs est indispensable. Ceux-ci sont souvent prêts à partager une partie de leurs données en échange d’un service personnalisé et d’avantages, mais ils veulent pouvoir garder le contrôle et qu’on leur garantisse une certaine transparence sur l’utilisation qui en sera faite.
La sécurité, elle aussi, sera un des enjeux clefs... On ne parle plus ici de pirater un compte email, mais bien du risque de voir un hacker (ou une agence de renseignement) mal intentionné ouvrir la porte de notre maison, filmer nos proches à notre insu, ou prendre le contrôle de notre véhicule... « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », comme le rappelait si bien Benjamin Parker, l’oncle de « l’amazing » Spider Man.
Paradis du service personnalisé ou enfer de la surveillance... seul le futur nous dira quel sera l’avenir des objets connectés... Bienvenue dans la Matrice.
|
emmanuel vivier
Il est reconnu comme l'un des experts mondiaux du marketing digital et social média, a co-fondé Vanksen et est aujourd'hui consultant indépendant et speaker international. Retrouvez-le sur emmanuelvivier.com
|