Le piéton, point de contact privilégié d’un monde connecté
Par Christine Monfort
Dans un monde où tout s’accélère, les transports « lents » sont de nouveau à l’honneur. Le piéton est au cœur d’un écosystème en pleine évolution, où les opportunités de contact avec les marques sont décuplées par le développement de la mobilité et de la technologie. —
ILLUSTRATIONS
d'élodie lascar


























Si tous les piétons
sont en mobilité
entre deux lieux,
leurs attentes
et leurs usages
sont très variés
























La notion de « commuter »
ou de « piéton roulant »
est particulièrement
exacerbée en Ile-de-France












Le « piéton augmenté »
cartographie la ville
et se réapproprie l’espace
























Les écrans digitaux
créent une relation
plus individualisée
avec le piéton
La marche est l’une des premières conquêtes de l’homme et sans aucun doute la plus universellement partagée. Alors que la mobilité explose sur l’ensemble du territoire, ce mode de transport et les contacts qu’il crée retrouve un attrait qui dépasse de loin la sphère du loisir. Pour compenser la réduction de leur usage de la voiture, 21% des Français ont par exemple développé leurs déplacements à pied*. Actifs et retraités, inactifs et chômeurs, écoliers et étudiants s’y adonnent pour faire du sport, se rendre sur le lieu de leurs études, visiter un endroit, rejoindre les transports en commun, se rendre à leur travail, faire leurs achats... La marche est particulièrement adaptée aux tissus urbains denses : en Ile-de-France, 39% des déplacements s’effectuent exclusivement à pied, soit pas moins de 15,9 millions de déplacements par jour de semaine**.

Au plus près des points de vente, les piétons sont des interlocuteurs de choix pour les marques qui cherchent à entrer en contact avec les consommateurs. L’affichage statique ou dynamique, l’échantillonnage, les opérations de street marketing, le mobilier urbain, les tables des cafés, les happenings... sont autant d’opportunités offertes aux annonceurs. Pourtant, dans le flux global, adresser le bon message à la bonne personne et au bon moment n’est pas toujours chose aisée. Si tous sont en mobilité entre deux lieux, les attentes et les usages des piétons sont très variés selon qu’ils ont un temps de transport à optimiser en se rendant à leur travail, un moment pour flâner en ville ou dans un centre commercial, quelques minutes ou plusieurs heures à passer dans l’attente du départ d’un train ou d’un avion.

« Pour émerger dans la sur-sollicitation publicitaire, l’analyse sociodémographique ne suffit plus. Il faut réussir à comprendre les modes de vie des consommateurs qui passent devant les affiches, le lieu où ils se trouvent, leur état d’esprit, mais aussi la qualité de leur attention qui est de plus en plus impactée par le téléphone mobile, la musique ou plus simplement les bruits de la ville », souligne Caroline Mériaux, directrice du marketing, de la relation client et de la communication chez Clear Channel France. Les afficheurs ont donc intégré des approches plus affinitaires dans l’étude de leur audience : la méthode CAST chez Clear Channel, la gamme Touch de MediaTransports...


Piéton augmenté ou piéton roulant

Par le nombre de leurs usagers et la disponibilité d’esprit qu’ils leur procurent, les transports en commun constituent des espaces privilégiés pour multiplier les contacts avec les piétons, y compris des piétons d’un nouveau genre ! Lorsque les distances s’allongent, bon nombre d’urbains et de péri-urbains conjuguent en effet la marche avec l’utilisation d’un véhicule personnel et des transports en commun. « Cette notion de « commuter » ou de « piéton roulant » est particulièrement exacerbée en Ile-de-France et le Grand Paris va encore l’accentuer. Elle se développe aussi en région car les gens habitent de plus en plus en périphérie des villes. Certaines gares de province anticipent d’ailleurs l’accélération à venir dans la fréquentation des TER et se préparent à devenir des pôles d’échanges multimodaux », note Eric Merklen, directeur général marketing de MediaTransports.

Même les déplacements d’hyper-proximité ont leurs « mutants », pour peu que la technologie s’en mêle. Avec les applications dédiées aux marcheurs, qui proposent un parcours et lui associent un temps de transport, il n’est plus vraiment possible de se perdre, ni d’avoir de mauvaise surprise sur l’heure d’arrivée. « Dès que le piéton dispose d’un smartphone ou d’un objet connecté, sa pratique de la marche s’en trouve modifiée, affirme Léa Marzloff, consultante Mobilités au cabinet d'études et de prospective Chronos. Ce « piéton augmenté » peut parfois sembler dans une bulle ou renfermé sur son écran, mais il se met rapidement à cartographier la ville et à se réapproprier l’espace. L’identification des ressources disponibles est d’ailleurs un des enjeux pour développer la marche dans les zones moins denses ». Les objets connectés font aussi de tous ces usagers des candidats naturels à des communications interactives et géolocalisées.

L’usage des nouvelles technologies en mobilité est l’un des éléments qui ont guidé JCDecaux dans la conception de la nouvelle génération d’abribus installée à Paris à compter du deuxième semestre 2014. Le groupe entend ainsi continuer à faciliter les usages de la ville, comme il le fait avec tous ses mobiliers ou services financés par la publicité : panneaux de signalisation et d’information publique, abribus, sanitaires, Vélib...

Au-delà des fonctions strictement liées au passage des bus, ces mobiliers proposeront un chargeur universel de portable. Certains disposeront d’un écran digital permettant de diffuser une information pertinente aux voyageurs, de leur fournir des indications à caractère culturel ou historique. Afin de faciliter les moments de pause et l’appropriation par les piétons de ces espaces interactifs, le mobilier intégrera des bancs intérieurs et extérieurs, ainsi que de reposoirs déportés.


L’alliance bien comprise du digital et du mobile

Grâce aux écrans digitaux installés dans le métro, les gares, les aéroports et les centres commerciaux, l’affichage a renouvelé la manière de s’adresser aux passants. Les campagnes dynamiques, parfois éclatées sur plusieurs écrans, attirent l’œil de manière bien plus impactante que les affiches statiques. Les annonceurs peuvent adapter les messages en fonction du moment de la diffusion et du lieu : zone de passage ou d’attente, proximité d’une enseigne, d’un cinéma... La mémorisation et les scores de transformation s’en trouvent alors considérablement augmentés.

Lorsqu’ils proposent aux passants d’interagir avec leur mobile via des mécaniques qui se prolongent sur les réseaux sociaux, ces écrans créent une relation plus individualisée avec le piéton sur un mode one to many to one. Un QR Code couplé à un module Twitter permettait par exemple aux usagers du métro parisien et des gares d’envoyer un message personnalisé en instantané sur l’écran lors d’une campagne « Partagez un Coca Cola ». Pour cibler les jeunes, la Caisse d’Epargne d’Alsace a surfé sur le phénomène du selfie et diffusé sur les totems du centre commercial Rivetoile de Strasbourg les photos que les visiteurs pouvaient poster à leur tour sur les réseaux sociaux. « Pour écrire ces nouvelles histoires, il faut travailler davantage en amont avec les annonceurs, les agences médias et les créateurs », souligne Emmanuel Pottier, directeur général délégué de Clear Channel Play.

C’est aussi sur les potentialités propres au smartphone que mise Insert. Cette société, qui gère des panneaux installés chez les commerces de proximité ainsi que le mobilier table, a diffusé en 2013 cinq campagnes incluant des dispositifs d’interactivité via des QR Codes ou la technologie Near Field Communication (NFC). Les piétons se sont plutôt bien approprié ces techniques, dès lors que l’affiche décrivait le mécanisme de manière suffisamment explicite.

Une campagne Dacia a obtenu d’importants taux de transformation : après avoir scanné l’affiche, le piéton était guidé par son téléphone vers la concession la plus proche où il pouvait participer à un tirage au sort pour gagner une Sandero. « On est au tout début de l’outdoor social mais il y a clairement un champ important à exploiter autour du mobile et des réseaux sociaux. Une dimension de communauté online à mettre en regard de ce que l’on peut proposer en outdoor et qui s’ajoute aux mécanismes de géolocalisation », estime son directeur général, Sébastien Romelot.


Faire de la ville un théâtre

Même sur des parcours un peu tendus, le piéton reste réceptif aux événements – même éphémères – qui le surprennent. Ikea est passé maître dans les mises en scènes urbaines : une « textilerie » et une salle de bain grandeur nature à deux mètres du sol gare Saint-Lazare, un appartement géant gare de Lyon... Fin 2009, des passants se retrouvaient chaque jour rue Montorgueil à Paris pour assister au buzz proposé par Aubade à l’occasion d’un « effeuillage » visible de la rue sous forme d’ombre chinoise. « La ville est une forme de théâtre où il se passe quelque chose tous les jours. La publicité peut donner au passant l’impression d’être privilégié quand il se trouve au bon endroit au bon moment », souligne Albert Asseraf, directeur général stratégie, études et marketing France de JCDecaux. En janvier 2013, les abribus parisiens ont repris sous forme d’affiches interactives les œuvres réalisées spécialement pour la Fête du Graphisme, un événement célébrant la capitale organisé à la Cité de la Mode et du Design avec le soutien de l’afficheur.

Des dispositifs plus traditionnels permettent aussi aux marques d’embellir le parcours du piéton. L’agence Evoo distribue sur la voie publique des biscuits ou des chocolats dans des packagings publicitaires événementiels. « Les passants sont sensibles au fait qu’on leur offre un produit de qualité, explique son fondateur, Cédric Peiffer. Dans un univers où tout se digitalise, toute la réussite de ces opérations réside dans la manière d’entrer en contact avec les passants, de leur raconter une histoire. » Hé-Oh agrémente les moments de détente dans les cafés en offrant des verres d’eau de source publicitaires dans un format jusqu’alors distribué par les compagnies aériennes. « Le verre d’eau est perçu comme un cadeau. Il provoque souvent des discussions entre les clients et devient nomade si les gens l’amènent avec eux », souligne son directeur général, Joël le Gall. Ces produits associant un module interactif permettent de proposer des bons de réduction mais aussi des opérations drive to store facilement traçables pour l’annonceur.

En autonomie totale ou hyper-connecté, le piéton se situe au croisement d’évolutions technologiques et sociétales lourdes : montée en puissance des supports nomades, de l’urbanisation et de la mobilité, du développement durable... À l’heure du multicanal et des points de vente connectés, il continuera à tenir une place de choix dans les stratégies de contact des marques.

* Etude Auto-Mobilités réalisée en 2010 par TNS Sofres pour le cabinet d'études et de prospective Chronos. ** Enquête Globale Transport (2009-2011) du STIF.
christine monfort
Rédactrice
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