Dans bon nombre de séries télé, la ville est un personnage à part entière. Sex and the City ne s’est pas contentée de raconter la vie de quatre jeunes femmes branchées, mais a su mettre en valeur les quartiers, boutiques et autres lieux « in » de New York. Broadchurch a permis aux téléspectateurs d’apprécier la beauté des falaises du Dorset, dans le sud de l’Angleterre. Un paysage qui a trouvé son pendant, côté français, avec Les Témoins, série tournée dans la ville du Tréport et qui a été vendue dans une centaine de pays. Et que dire de Meurtres à Sandhamn, véritable carte postale qui semble envoyée par l’office de tourisme de cette petite île de la mer Baltique ! La France dispose de nombreux atouts pour permettre aux villes de faire valoir leurs plus beaux visages dans les séries et profiter des retombées économiques et touristiques. Surtout depuis le retour en grâce de la fiction française (sur les dix séries qui dominaient le palmarès français en 2018, neuf étaient des productions nationales, selon une étude du CSA), qui a augmenté la demande. Plusieurs séries policières avaient élu domicile, en leur temps, dans différents quartiers très télégéniques de la capitale : PJ près du canal Saint-Martin à la fin des années 1990, ou Profilage, installé à partir de 2009 sur les quais dans un ancien bâtiment de l’Inspection générale de la navigation. Et depuis quelques années, ce sont les régions qui profitent aussi d’une exposition régulière au cœur des foyers.
Le vieux port, le MuCEM
et Plus belle la vie
L’exemple le plus emblématique reste sans doute Marseille, dont la Bonne Mère s’affiche au générique de Plus belle la vie cinq fois par semaine depuis le 30 août 2004 ! Même si le feuilleton de France 3 s’attache davantage à décrire les évolutions de la société que celles de la cité phocéenne, son quartier fictif du Mistral – inspiré du Panier et reconstitué en studio à la Belle de Mai – a contribué à développer un imaginaire (peut-être un peu fantasmé) autour de la ville et à attirer les touristes. Favorisé par son climat, l’arc méditerranéen s’est progressivement doté de nouvelles capacités de tournage au-delà des pôles marseillais et niçois. Sète accueille depuis 2012 Candice Renoir – suivie sur France 2 en moyenne par 5,7 millions de téléspectateurs en 2018 et diffusée dans une quarantaine de pays – et le feuilleton quotidien de TF1, Demain nous appartient (DNA), à l’antenne depuis l’été 2017. La région de Montpellier est la scène du feuilleton de France 2 Un si grand soleil, lancé à la rentrée 2018.
Les régions et les villes se battent désormais pour accueillir les séries télé. Tendance, soit, mais surtout manne pécuniaire irrésistible : chaque euro investi en 2018 par les collectivités locales dans un film, une fiction ou un documentaire générait 6,60 euros de retombées directes, et un euro de tourisme, soit un total de 7,60 euros (source Idate). Certaines séries sont devenues emblématiques d’une métropole (Chérif à Lyon, Caïn ou La Stagiaire à Marseille…) ou d’une région (Guyane et Meurtres au paradis en Outre-mer, ou encore Zone blanche dans l’Est).
Les régions et les
villes se battent pour
accueillir les séries
télé. Tendance,
mais surtout manne
pécuniaire irrésistible :
chaque euro investi en
2018 dans un film
ou un doc générait
7,60 euros.
Beaucoup d’offices de tourisme organisent d’ailleurs des « circuits séries ». À Sète, une guide emmène les touristes sur les lieux emblématiques du feuilleton de TF1 – partout sauf dans les studios qui fonctionnent en flux tendu – et en profite pour faire quelques clins d’œil sur Candice Renoir, dont le commissariat, très recherché des touristes, a été installé dans l’ancienne caisse primaire d’assurance maladie. Concarneau a vécu la même expérience, sans avoir d’ailleurs vraiment eu le temps de l’anticiper. Habitué à accueillir de nombreux Britanniques, l’office de tourisme a dû orienter dès 2012 des milliers d’Allemands qui voulaient se lancer sur les traces du commissaire Dupin. Les aventures de ce flic créé par Jörg Bong, sous le pseudonyme très breton de Jean-Luc Bannalec, faisaient déjà un carton en librairie outre-Rhin. Leur adaptation télé à partir de 2014 sur la chaîne ARD a incité de nombreux touristes allemands à sillonner le Sud-Finistère, alors que la série était encore inconnue en France (elle n’a été programmée sur France 3 qu’à partir de 2018). Des touropérateurs allemands se sont même emparés du phénomène !
La manne touristique continue parfois à se déployer bien au-delà de la vie de la série. Alors que Downton Abbey s’est arrêtée au bout de sa sixième saison, les fans continuent d’affluer vers Highclere Castle en plein Berkshire. La sortie du long-métrage Downton Abbey est peut-être de nature à entretenir la flamme…
christine monfort
Journaliste INfluencia