Commencer sa journée en prenant un métro à la station École légionnaire – et fêter les 60 ans d’Astérix – ou prendre un train « Gare du lion » après avoir croisé des animaux de la jungle conviés par Disneyland Paris, voilà qui a de quoi surprendre le plus blasé des utilisateurs des transports en commun ! Se faire offrir un café lors de la réouverture d’une station de métro ou s’octroyer une pause gourmande entre deux rendez-vous en a requinqué plus d’un. Changer de ligne au pas cadencé par les musiciens du métro ou profiter d’un concert improvisé par des talents anonymes sur les pianos des gares offre une respiration conviviale et festive. Et que dire du wifi, bienvenu pour rester en contact avec les siens ou son bureau en attendant l’arrivée de la prochaine rame de métro ou de RER… Il est loin le temps où les métros et les gares, qui ponctuent l’hyper quotidien comme les grandes occasions, étaient des lieux froids et impersonnels ! Un peu hors-la-ville ou hors-la-vie, alors même que la relation des urbains au transport est devenue vitale.
« Nous organisons ces espaces pour en faire des quartiers de la ville et plus seulement des parenthèses temporelles et spatiales dans la vie des gens, explique Patricia Delon, directrice marketing, commercial et expérience client de la RATP. Le métro accueille désormais des enseignes que l’on trouve aussi dans la rue et les centres commerciaux, et de plus en plus de services de la vie dont les voyageurs ont besoin. La présence des commerces et des services est plébiscitée par les voyageurs, car elle apporte de l’animation, rend service, rythme le déplacement et participe du sentiment de sécurité. Ils voient qu’il y a du monde et de la vie. » À la croisée des parcours, ces commerces bénéficient d’une forte affluence : 100 000 clients par jour fréquentent par exemple les commerces du métro parisien. Les 22 000 m² de surface disponible pour les commerces de l’espace RATP, qui inclut notamment le métro parisien et les lignes A et B du RER, représentent d’ailleurs « le plus grand centre commercial en nombre de boutiques ».
La présence des
commerces et des services
est plébiscitée par
les voyageurs, car elle
apporte de l’animation,
rend service, rythme
le déplacement et
participe du sentiment
de sécurité.
Côté services, il n’est plus seulement question d’aller chez le coiffeur ou de récupérer un colis dans un point relais. On peut désormais faire une analyse médicale lors de son arrivée en gare, prendre rendez-vous dans un vrai cabinet médical (bientôt à la station parisienne Bibliothèque François Mitterrand) et, depuis septembre 2019, déposer et récupérer ses enfants grâce à la première « crèche en gare » installée à la gare de Villiers dans les Yvelines. Un « Kiosque du métro » dédié à la culture, gare Saint-Lazare, permet d’acheter des billets de spectacle, de musée, de théâtre… de manière très spontanée. Certaines stations de RER deviennent de véritables hubs de mobilité, conçus dans une optique de multimodalité des transports. Les voyageurs peuvent alors disposer d’une zone de stationnement cyclable ou de boîtes pour stocker leur trottinette, faire réparer leur vélo dans la journée… Au-delà des services marchands, la multiplication des bornes wifi et de rechargement de matériels accompagne l’importance croissante du téléphone mobile dans notre quotidien.
Au plus près
de la vie des voyageurs
« On prend en compte la vie des gens qui passent par un endroit et ce qu’ils y font. Ce n’est pas forcément la même chose le matin et le soir. Les besoins ne sont pas non plus les mêmes sur un lieu de passage très parisien, où les gens habitent, ou sur un lieu de travail. Sur la branche sud du RER, les espaces de coworking sont très utilisés. Dans les gares du RER A, où les gens ont un usage très pendulaire des transports, ils ont davantage besoin de courses de dépannage le soir », détaille Patricia Delon. C’est justement en observant le comportement des voyageurs que la RATP a décidé de braver les difficultés réglementaires inhérentes aux espaces souterrains et de développer un « Food Court » dans la salle d’échanges de Châtelet. Dans les mois qui viennent, cet espace de transit va faire évoluer sa proposition pour mieux prendre en compte les temps d’attente ou de rencontre des voyageurs.
Les métros et les
gares intéressent au
plus haut point les
marques. D’autant que
dans les zones qui
comptent beaucoup
d’univers clos, la
publicité peut
difficilement être
zappée.
Les métros et les gares, où des millions de gens passent et repassent, intéressent au plus haut point les marques. D’autant que dans les zones qui comptent beaucoup d’univers clos, la publicité peut difficilement être zappée. « Depuis que ces espaces sont devenus plus agréables, participatifs et engageants, ils peuvent être utilisés de manière plus immersive, fait valoir Eric Merklen, directeur marketing de Mediatransports. On essaie de toucher de la manière la plus efficace possible le voyageur assis comme le piéton qui effectue un parcours dans cet univers. » Entre le format classique du métro (12 m²), les écrans digitaux, les espaces éphémères et l’événementiel, les marques peuvent désormais activer pléthore d’opportunités de communication.
Informer, surprendre
et rendre service
Clear Channel a noué plusieurs partenariats éditoriaux, notamment avec Brut, pour rendre ses panneaux digitaux plus attractifs. Dans le métro de Lyon, le groupe diffuse des pastilles « Brut Nature » sur la faune et la flore. « Les voyageurs sont étonnés de voir ce média dans cet univers, mais apprécient qu’on leur propose une bouffée d’air frais sur leur trajet. Cela fonctionne particulièrement bien avec les jeunes, très familiers de cette marque et de son format », témoigne Jérôme Dumond, directeur du marketing stratégique chez Clear Channel. Des contenus réalisés par Beaux-Arts Magazine sur un ton « expert et vulgarisateur » seront proposés à côté des œuvres d’art contemporain situées dans chaque station du métro de Toulouse, dont le groupe assure la régie à compter du 1er janvier 2020. À Lyon, des opérations spéciales prennent régulièrement une dimension servicielle, notamment autour du recrutement. « Nous voulons faire comprendre que notre média peut aussi être utile », ajoute-t-il. Dans le métro de Stockholm, Clear Channel a travaillé avec Google pour cerner l’état d’esprit des voyageurs via l’analyse des données collectées sur le réseau. Quand le stress monte, une œuvre d’art relaxante est par exemple diffusée sur 250 panneaux digitaux.
Dans le métro
de Stockholm,
Clear Channel a
travaillé avec Google
pour cerner l’état
d’esprit des voyageurs
via l’analyse des
données collectées
sur le réseau.
L’événementiel est un bon moyen d’happer le voyageur pendant son transport. Le pôle Saint-Lazare s’y prête particulièrement bien. Pour la sortie de l’album posthume de Johnny Hallyday fin octobre 2019, Deezer avait investi sa rotonde avec un système de câbles et prises jack qui permettait à deux cents personnes de l’écouter en avant-première. Sur le parvis de la gare, Dior a installé un studio de maquillage Dior Backstage. Pour les JO de PyeongChang, Samsung avait monté dans le hall un village olympique avec des animations en réalité virtuelle. De quoi vivre les sensations du saut à ski… sans le danger ! L’événement naît parfois des partis pris créatifs. Pour l’ouverture de son premier magasin parisien, en mai 2019, Ikea a suspendu meubles et objets aux murs des quais de la station Madeleine. En septembre de la même année, Amazon Prime a réalisé, à la station Réaumur-
Sébastopol, une fresque sur toute la longueur du quai pour vanter sa série The Boys.
Métros et gares sont aussi des espaces d’innovation. Les écrans digitaux des portes palières de la ligne 1 du métro sont équipés de puces NFC qui peuvent être activées par Mediatransports en fonction des campagnes, en particulier pour les grandes causes. « Le Secours populaire français, la Fondation du patrimoine ou Les Restos du Cœur ont déjà expérimenté cette nouvelle façon de se promouvoir et de proposer de faire des micro-dons », précise Eric Merklen.
Ces espaces contraints, qui bénéficient d’une immense fréquentation et d’occasions de visites, savent proposer une offre attractive, qui rencontre son public. Ils ont d’autant moins fini de révéler tout leur potentiel que beaucoup de ces gares et métros sont au cœur d’immenses projets de rénovation urbaine qui visent ni plus ni moins à inventer la ville et la mobilité de demain.
christine monfort
Journaliste INfluencia