Être connecté est un style de vie qui a un impact sur l’économie et la société. Car ici, tout est fait pour « swipper », « zoomer », « scroller »... être le bon chef d’orchestre sur la toile. Le besoin de connexion ou de socialisation sans réelles relations sociales est tellement irrépressible que la lumière de l’écran est le calmant pour s’endormir ou le stimulus pour se réveiller. Résultat, les moments de calme, les temps de réflexion personnelle, les pauses contemplatives pour prendre du recul sur la vie, sont sérieusement menacés... Mais pas grave, car dans cette « statutsphère », l’internaute n’est pas seul...
La vie connectée assumée... mais pas facile, facile
Marcher en surveillant son écran, conduire en le scrutant, interrompre - en oubliant de s’excuser - une conversation, un repas... La connectivité est un engagement qui n’est pas sans conséquences. Comme la perte de ses pouvoirs d’observation et de mise en perspective analogiques. Ou le transfert de la mémoire du cerveau aux deux pouces, désormais très adroits et experts, même s’ils souffrent d’un trop grand nombre de textos ou de tweets à taper en permanence, et même s’ils ne savent plus ce que c’est que de tenir un stylo. Mais pas grave, car dans cette « statutsphère », l’internaute n’est pas seul...
A priori, il n’est pas accro et n’a pas besoin d’une désintoxication digitale. Tout est intentionnel et il valorise plus souvent sa vie connectée qu’il ne la regrette. C’est un choix. Pourtant, il continue de se demander si dans cette matrice vertigineuse de réseaux, ses interactions sont un apport intrinsèquement positif ou s’il cherche à s’en persuader coûte que coûte pour se rassurer sur son manque évident de découvertes alternatives. Il se rassure en estimant qu’il exerce son libre arbitre et qu’il définit qui il est et ce qu’il fait en se connectant à tel ou tel réseau, porteur de valeurs dans lesquelles il se reconnaît. Tout est affaire de choix. Mais pas grave, car dans cette « statutsphère », l’internaute n’est pas seul...
Toute l’attention portée par l’internaute, à l’auto-expression digitale laisse supposer qu’il n’y a rien de plus épanouissant à ses yeux. Car quoi de mieux qu’un « like », un « tweet » ou un « retweet » ? Cependant, tiraillé, voire consumé par la dualité entre sa vie réelle et sa vie numérique - qu’il tente désespérément de relier - il sent bien qu’une des réponses à ses publications ne devrait pas revêtir l’importance aussi grande qu’il laisse préjuger. Il sent bien, aussi, que les médias sociaux ont quelque chose de plus gratifiant que le nombre croissant de personnes qui « voient » ou « répondent » à cette auto-expression. Mais pas grave, car dans cette « statutsphère », l’internaute n’est pas seul...
Ne plus être un simple narcissique accidentel
En fonction des mises à jour de l’internaute, ces éléments se justifient à des degrés différents. De même, ils produisent des résultats émotionnels très distincts selon le niveau d’importance apporté par celui-ci à ses propres actions, réactions et inactions. Que ce soit pleinement conscient ou que ce soit le résultat du subconscient en quête d’attention, d’inspiration, d’empathie ou d’un quelconque stimulus, le partage est devenu une contrainte. Cela fait partie de la nature humaine. Mais dans une société connectée, l’individu se doit de réfléchir et d’envisager d’autres solutions. C’est un devoir pour lui mais aussi pour celui qu’il influence et inspire, car personne ne possède la réponse. Selon Anil Dash, directeur de l’incubateur public de technologie du gouvernement américain, l’ère du « qu’est ce qui est bien ? » et « qu’est ce qui est mal ? » est dépassée. Et, ces notions manichéennes sur lesquelles se sont fondées les discussions menées sur le Web social s’effritent au profit d’un nouvel esprit de conversation... bien plus nuancé et riche.
Sauver le Web social
Alors, A.Dash va plus loin en déclarant : « le fait de passer plus de temps à lire ses flux sociaux qu’à lire un livre à son fils est un vrai problème ». Et pour lui, la réponse se trouve dans la capacité de l’individu à repenser ses propres valeurs qui le rééduqueront pour mieux utiliser et apprécier les médias sociaux. Un investissement alternatif et personnel qui commence par la réduction de l’importance accordée au temps passé sur les réseaux ainsi que par la diminution de la valeur concédée à la vie digitale.
C’est tout l’esprit de Thinkup, qu’il a co-créée avec Gina Tripani, aussi fondatrice de Lifehacker. Cette nouvelle start-up agit en deux temps. D’une part, elle permet à l’internaute de mieux se connaître et donc de se sentir bien. D’autre part, elle lui offre la possibilité de relier ses comptes sociaux et ainsi de mieux capitaliser et mutualiser le temps qu’il y consacre. Sa finalité n’étant pas seulement la quête de l’équilibre, mais surtout la recherche d’un sens et d’une signification qui permettront à l’internaute d’être bien plus qu’un simple narcissique accidentel. Et ainsi, de sauver le Web Social.
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brian solis
Analyste principal chez Altimeter Group, il est l’un des plus proéminents spécialistes des nouveaux médias et auteur mondialement reconnu. Son livre Engage est le guide de référence pour construire et mesurer le succès social sur le Web.
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