Le succès foudroyant de «The Walking Dead», la nouvelle série culte sur les zombies lancée dans le monde entier à l’occasion d’Halloween montre que le thème du zombie est en train de revenir en force. Un mythe qui en cache d’autres et qui se dessine comme un rite de passage à chaque époque de transition sociétale. Par Thomas Jamet…
5,3 millions de téléspectateurs ont regardé «The Walking Dead» aux Etats-Unis. Un record pour la première diffusion de la nouvelle série phare d’AMC, la chaîne américaine connue pour avoir lancé Mad Men ou encore Breaking Bad. C’est un succès colossal, qui montre que le thème du zombie arrive (enfin) à toucher le monde de la série TV. Il n’y avait en effet jusqu’à présent aucun exemple de série vraiment réussie sur les zombies, alors que le cinéma s’empare du thème régulièrement («28 jours plus tard», «Shaun Of The Dead» ou encore les zombies de «Pirates des Caraïbes»), que le gaming n’est pas en reste avec des jeux comme « The House Of The Dead » ou «Resident Evil» et que le thème devient majeur en littérature. Le phénomène Bit-Lit (les livres vampiriques faisant un malheur chez les jeunes générations) commence à être sérieusement concurrencé par des histoires de zombies peuplant l’Urban Fantasy. Après des années dominées par les vampires (et notamment via la série «Twilight») il semble que ce soit le (re)tour des zombies, de plus en plus «réels». Le thème est ainsi traité de manière de plus en plus réaliste, notamment via des incursions dans la vraie vie. L’année dernière, la très sérieuse université d’Ottawa a ainsi publié une étude proposant plusieurs modèles mathématiques afin d’éradiquer une attaque de zombies si elle arrivait vraiment, dans la lignée du succès du bestseller de Max Brooks «Guide de survie en territoire Zombie».
«The Walking Dead» a bénéficié d’un dispositif de lancement événement planétaire: diffusée simultanément dans 120 pays et 33 langues, la série est propulsée grâce à un dispositif inédit destiné à limiter les effets du piratage. Le caractère planétaire du blockbuster montre que le thème du zombie trouve une résonance particulière dans le monde entier. Le zombie n’est pourtant pas un nouveau venu. Depuis la nuit des temps, ce thème du mort revenu hanter les vivants est au cœur des cultures du monde entier. Il s’agit d’un mythe universel, que l’on trouve sous différentes formes en Afrique, en Asie, dans le Vaudou haïtien ou même en Europe au Moyen-âge.
Le thème a été popularisé dans la culture Entertainment occidentale grâce aux films de George A. Romero. En 1968, Romero fait en effet des zombies la caricature d’une Amérique qui se cherche. Selon bon nombre d’observateurs «Night Of The Living Dead» et les quatre films qui font suite, utilisent le zombie comme le véhicule de contestation symbolique ultime afin de caricaturer la société de consommation et ses dérives. On pense à l’attaque du supermarché dans «Dawn Of The Dead» et à la forte charge symbolique qu’elle renvoie. Maintes fois analysée*, l’œuvre de Romero s’inspire du vent de contestation mondial de la fin des années 60 pour créer une œuvre dérangeante qui résonne encore aujourd’hui. Romero a créé une matrice dont il a lui-même donné la clé en expliquant que ses films symbolisaient « la nouvelle société qui dévore l’ancienne, incapable de résister parce que trop engluée dans un engrenage systématique ».
Le zombie représenterait-il donc un symbole de transition ? Il est fascinant de se rendre compte que le zombie suit les grandes périodes de transition. Dans la culture occidentale, la première époque zombie a été incarnée par le « Frankenstein » de Mary Shelley, le thème du Prométhée moderne symbolisant le passage à l’ère industrielle à la fin du 19ème siècle Victorien et dénonçant les dangers de la technique et de la science. Le deuxième âge a été la fin de cette ère moderne avec les films de Romero, dénonçant une société de consommation et ses travers, et appelant à la révolte contre l’ordre bourgeois en pleine période de libération des mœurs. Le zombie apparaît alors dans les années 60 comme un symbole de soumission contre lequel il faut se dresser. Le thème du zombie a été traité depuis, mais on peut peut-être voir une troisième époque apparaître avec le retour en force de ce mythe. Le zombie revient en effet à un moment où le monde connaît une lente période de transition et de remise en cause du modèle économique, social et politique et une mutation profonde de tous ordres (symbolisée ces derniers temps par le retour de la contestation aux USA avec le mouvement des «Tea Party», ou en France par le vent de révolte soufflant contre l’exécutif).
Aux grandes périodes de transition, les zombies apparaissent comme des rites de passage. Laissons les nous raconter l’histoire, comme la catharsis d’un monde qui ne tient toujours pas droit.
Thomas Jamet – NEWCAST – Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
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