La filiale de Google suit une stratégie dangereuse pour rattraper son retard sur Spotify et Apple Music.
C’est une arme à double-tranchant que YouTube a sorti pour tenter de convaincre les internautes de souscrire à sa formule payante YouTube Red. La plus grande plateforme d’hébergement de vidéo au monde a décidé d’accroître rapidement et massivement le nombre de publicité sur son site afin de « frustrer puis convaincre » le public de s’abonner à son offre « premium ».
Les utilisateurs de YouTube visionnent en moyenne 5 milliards de vidéos par… jour. Chaque minute, 300 heures sont téléchargées par les 1,3 milliard de fidèles de cette plateforme lancée en 2005. Ce succès foudroyant ne génère pourtant pas énormément d’argent pour sa maison-mère Google qui l’a rachetée en 2006 pour la modique somme de 1,65 milliard de dollars. Le géant californien refuse toujours de publier les comptes de sa filiale mais les experts financiers estiment que le chiffre d’affaires de la plateforme d’hébergement de vidéos devrait atteindre entre 13 et 15 milliards de dollars cette année. Ce chiffre peut sembler rondelet mais il reste faible quand on réalise qu’il représente à peine 10 dollars de revenus annuels par utilisateur…
Pour tenter de booster ses recettes, YouTube a donc choisi de sortir le grand jeu. Dans un entretien accordé à l’agence Bloomberg, le responsable de la division musique de Google, Lyor Cohen, a révélé que les internautes qui écoutent de la musique sur YouTube durant de longues périodes seront dans les tous prochains mois abreuvés de publicités. Pour les personnes « qui utilisent YouTube comme un service de musique payante aujourd’hui et qui pourraient profiter le plus de fonctionnalités supplémentaires, nous pourrions leur montrer plus de publicités et de promotions afin de les inciter à utiliser notre offre payante », résume l’ancien manager de Run-DMC et de Public Enemy qui a longtemps travaillé pour Warner Music « Il y a beaucoup de gens dans notre entonnoir que nous pouvons frustrer et séduire pour devenir abonnés ». YouTube n’est pas le seul site à vouloir convaincre les internautes de « passer à la caisse » après des années de gratuité presque totale sur la Toile.
Spotify montre la voie
Près de la moitié des utilisateurs de Spotify (71 sur 157 millions dans 61 pays) acceptent aujourd’hui de payer environ 10 dollars par mois pour profiter de l’offre premium du plus gros service de streaming musical au monde qui permet notamment de télécharger des chansons pour une écoute hors ligne et de profiter d’une qualité sonore supérieure et sans aucune publicité. Mais le site suédois n’est pas encore rentable. L’an dernier, sa perte nette a atteint 1,5 milliard de dollars pour un chiffre d’affaire de 4,9 milliards. Sa croissance rapide (le cap des 96 millions d’utilisateurs payants devrait être atteint en fin d’année et ses revenus pourraient bondir de 30 % en un an, à 6,6 milliards de dollars) semble toutefois rassurer les investisseurs. Le 3 avril, son entrée à la Bourse de New York a commencé sur une valorisation d’environ 30 milliards de dollars. Mais son cours de référence, à 132 dollars par action, s’est envolé de plus de 28 % durant la séance pour atteindre un plafond de 169 dollars pour finalement retomber à la clôture à 150 dollars (+13%).
Son rival, Apple Music gagnerait, pour sa part, plus de deux millions d’abonnés par mois et aurait franchi la barre symbolique des 40 millions d’utilisateurs payants. Sa progression serait ainsi plus rapide que celle de Spotify. Napster et le français Deezer avec ses 6 millions d’abonnés et ses 14 millions d’utilisateurs ont, eux, été distancés. YouTube et Google ont une force de frappe suffisante pour rattraper une partie de leur retard sur Apple et Spotify. Mais assommer les internautes de publicités semble être une stratégie périlleuse pour les séduire. Personne ne les empêche, en effet, de passer à la concurrence. La frustration n’aboutit pas forcément à la séduction…