15 mars 2022

Temps de lecture : 5 min

Xavier Guillon (France Pub) : « La croissance du marché de la communication par la valeur va s’accélérer très fortement »

Le marché de la communication et les recettes publicitaires des médias ont retrouvé une belle dynamique en 2021, selon les résultats du Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) dont les résultats ont été dévoilés, mardi 15 mars, par France Pub, l’Irep et Kantar. Explications de Xavier Guillon, dg de France Pub.
Xavier Guillon

Xavier Guillon, directeur général de France Pub

INfluencia : le marché de la communication a fini l’année 2021 sur une croissance à 17 % à 31 milliards d’euros et les prévisions tablent sur une année 2022 à 34 milliards d’euros. Comment expliquer ce formidable rebond ?

Xavier Guillon : l’ensemble du marché est très dynamique et explique cette croissance de 17 %, que nous avions envisagée sur la base des intentions d’investissement des annonceurs et que certains observateurs du marché regardaient avec un peu de scepticisme. Ce rebond arrive après deux années complètement atypiques avec des écarts jamais vus en 30 ans de séries statistiques. Le marché avait baissé plus que l’économie, mais il est reparti plus fortement que le PIB. Il a repris en deux ans 60 % de la perte abyssale de 2020, quand il en avait fallu huit pour effacer la crise structurelle de 2008-2009. Après la mise à l’arrêt de l’économie en 2020, l’année 2021 a montré qu’il y avait chez les consommateurs dont le pouvoir d’achat a été préservé une fringale de consommer et, côté marques, une volonté d’entrer en en relation avec leurs clients et de s’accrocher aux perspectives d’évolution à 10 ans sur la restructuration de l’économie française. La plupart des annonceurs ont conscience que les lignes vont bouger, que les marchés vont se réorganiser et qu’ils ont besoin de prendre la parole.

IN : comment cela se traduit-il ?

X.G. : les campagnes de positionnement sont devenues plus importantes que celles qui mettent en avant les prix ou les promos. On voit aussi une montée en puissance des discours sur la RSE. Ces messages plus riches et plus complexes impliquent d’avoir recours à des stratégies de communication qui sortent des plans types. Le calcul exposition / coût contact devient moins important. Les annonceurs doivent jouer des médias longs et contextuels : par exemple la télé qui présente une importante capacité de mémorisation et une valeur d’attention forte, la presse écrite – et notamment la PQN – qui peut aussi mobiliser une importante audience digitale, l’affichage qui permet de passer des messages très qualitatifs… Tous les médias ont la capacité à proposer le bon environnement et le bon support. Les agences médias doivent être en mesure de customiser l’environnement de communication et travailler la succession des séquences médias. Après des années marquées par une économie de coût, la reconstruction du marché de la communication par la valeur, qui était déjà en route depuis 2012-2013, va s’accélérer très fortement. C’est très vertueux ! Les annonceurs vont communiquer moins en volume mais avec des messages plus efficaces car la valeur se paie aujourd’hui par l’efficacité.

IN : quelle pourrait être l’importance de l’actualité internationale et de la guerre en Ukraine ?

X.G. : on peut envisager deux types d’impact. L’un d’entre eux est paradoxalement plutôt favorable car plus la tension sur l’énergie et les matières premières s’accroît, plus la crise risque d’accentuer les relocalisations et la reconfiguration des modèles énergétiques. En revanche, en cas de conflit plus général, la notion de prévision sur le marché de la communication perdrait tout son sens.

 

Comme le marché de la communication (+17 % à 31 milliards d’euros), les recettes publicitaires nettes des médias confirment leur rebond. Elles ont atteint 15,93 Md€, en hausse de 18,3 % par rapport à 2020 et même de 2,2 % par rapport à 2019. Le périmètre à 5 médias (presse, TV, radio, publicité extérieure et cinéma) progresse de son côté de 16,4 % à 7,17 Md€, mais reste en retrait de 5,3 % par rapport à 2019. « Le rebond est lié au dynamisme de chaque média et à la vitalité du digital dans chacun d’entre eux, même si tous les médias n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant crise », explique Christine Robert, directrice déléguée de l’Irep.

La télé, championne toutes catégories

Dans ce panorama, tous les indicateurs de la télévision sont au vert : ses recettes nettes ont progressé de 17,3 % en un an à 3,55 Md€, ses volumes publicitaires sont en hausse de 20,3 % et le média a compté 2976 annonceurs (+3 %). La radio a fait preuve d’une belle réactivité (+10,1 % à 686 M€) et le cinéma d’une certaine résilience (42 M€, dont 39 M€ engrangés sur le seul deuxième semestre). La presse se redresse (+13,5 % à 1,88 Md€) mais reste encore en recul de 10,4 % par rapport à 2019 même si chaque nouvelle mesure du baromètre rapproche un peu plus le média de ses niveaux d’avant crise… Sur ce média, seule la PQN (200 M€) est en progression par rapport à 2020 (+24,8 %) et 2019 (+5,5 %). La publicité extérieure connaît un fort redressement (+21,6 % à 1,06 Md€) avec un DOOH très dynamique (+44,1 % à 175 M€).

Parmi les médias les plus impactés par la crise, le courrier publicitaire retrouve le chemin de la croissance sur 2021 (+8,2 % à 697 M€) sans rejoindre 2019, quand les imprimés sans adresse (ISA) pointent à 490 M€ (+18 %). « Le média était déjà en baisse avant la crise car les distributeurs et la VPC avait déjà réduit le courrier adressé. Les ISA pourraient continuer à voir évoluer les stratégies de certains retailers et connaître un frein en raison de l’augmentation du prix du papier », analyse Christine Robert.

Lidl premier annonceur et Renault leader sur la RSE

L’année 2021 a compté 64 882 annonceurs actifs, soit 2 % de plus qu’en 2020 et +4 % vs 2019. Ils étaient 32 631 à avoir communiqué en display, 23 336 dans la presse et 14 148 en paid social. La distribution reste en tête des secteurs annonceurs (17,9 % des investissements cross médias avec un périmètre élargi au paid social et au paid search), devant les services (8,3 %) et la banque-assurance (8 %). L’automobile, historiquement à la deuxième place, subit de plein fouet l’évolution du secteur et se contente d’une cinquième position. Côté annonceurs, Lidl retrouve la première place du podium devant Leclerc, dans un palmarès où les distributeurs affichent 36 % de part de marché. Amazon affiche la plus forte progression de sa pression publicitaire (+55 %).

Kantar a procédé cette année à un décompte des communications RSE des marques, qui pèsent pour 11 % de la pression brute plurimédia. Les résultats varient selon les médias : 15 % à la télévision, 10 % dans la presse, 8 % à radio, 5 % pour l’affichage et 4 % pour le display. « Renault est le quatrième annonceur plurimédia mais le premier en capital RSE puisqu’il y consacre 35 % de sa pression publicitaire. L’automobile est d’ailleurs le premier secteur en ce qui concerne les campagnes taguées RSE », a noté Florence Doré. Selon ce critère, les Gama (ex-Gafa) sont moins engagés que la moyenne avec 6 % de leur pression publicitaire consacrée à des communications RSE. Amazon est le mieux disant avec 9 % et Apple bon dernier des quatre avec 0 % ! Ce qui n’est pas du tout le cas des entreprises du CAC 40, qui montent quant à elles à 17 %.

 

 

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