Les révélations sur le programme de cyber-écoutes de la NSA, Prism, a scandalisé des deux côtés de l’Atlantique. Mais après tout, la totale transparence ne régit-elle pas désormais les champs digitaux de nos échanges sur la Toile ? Le citoyen connecté y est prêt à exposer sa vie privée, ses coups de cœur, ses ras-le-bol, ses confidences et ses sentiments, sans franchement se soucier des conséquences à long terme de cette porte ouverte à tous les voyeurismes. Pour ceux qui voient la perniciosité pointer le bout de son clique, des réseaux sociaux et messageries plus intimistes, communautaires et privés sont à leur disposition. Mais si vous avez envie ou besoin de confier un secret en toute sécurité et en total anonymat, est-ce possible ?
On va vous faire une confidence, oui ! Le sésame se nomme Whisper, une application mobile qui a passé la barre des deux millions d’utilisateurs en tout… anonymat chez nous en France. Selon The Atlantic, la plate-forme peut se targuer de susciter plus de pages vues mensuelles (2,5 milliards) que le site de CNN. La jeunesse nord-américaine en raffole, mais son attractivité n’est pas réservée exclusivement aux adolescents et aux étudiants universitaires. Les militaires en sont aussi accrocs, surtout ceux isolés sur des zones de combat comme l’Afghanistan.
Si INfluencia en parle aujourd’hui, c’est que la Silicon Valley vient de comprendre le phénomène et d’y investir quelques millions, presque un an après un premier tour de table plus modeste. Lancée en mai 2012, l’application coûte quand même 4 euros par mois ou 50 centimes par message, au choix. Elle dispose donc d’un modèle économique à court terme, au contraire de la presque majorité des réseaux sociaux nouvellement créés. En juillet dernier, c’étaient 800 000 messages payants qui étaient publiés chaque jour sur Whisper, de quoi susciter notre curiosité.
Une alternative au leurre du bonheur virtuel
Passé au rang de conte de fée depuis le succès presque historique de son lancement sur Android, Whisper permet à ses utilisateurs d’exposer anonymement leurs secrets et confessions. La plate-forme constitue donc une mine d’or de confidences sur des domaines aussi variés que la technologie, l’amour, les problèmes sociaux, le sexe et même la violence. Interrogé par Tech Crunch , le co-fondateur Michael Heyward décrypte son application comme un outil permettant aux Internautes d’exposer des morceaux de leur vie qu’ils ne souhaitent pas partager sous leur identité sur les réseaux sociaux classiques.
Concrètement, chaque utilisateur de Whisper peut poster un message anonymement, en incrustant un texte sur une image. C’est sur elle qu’il faut cliquer pour pouvoir lire le secret contenu en cachette dans chaque post. Il est possible de répondre à des messages publiquement ou en privé et il n’existe aucune autre façon de joindre les utilisateurs que par l’intermédiaire des échanges privés. La description n’est pas sans rappeler PostSecret et surtout le pionnier Experience Project, fort lui de plus de 10 millions de fans.
« Sur les réseaux sociaux, chacun surestime le bonheur de l’autre »
Si jamais vous égarez votre smartphone, Whisper fait en sorte que vos secrets ne tombent pas dans les mauvaises mains : si en ouvrant l’application, vous pouvez lire ou poster publiquement, les archives de votre activité sont elles protégées par un code pin. « Les gens sont tellement concernés par leur e-réputation que sur les réseaux sociaux classiques, ils ne postent que les aspects positifs de leur vie. De fait, chacun surestime drastiquement le bonheur de l’autre et sous-estime des problèmes qui sont peut-être communs. C’est sur ce constat qu’on a vu l’espace de Whisper sur le marché », développe Michael Heyward.
Re-financée par Lightspeed Venture Partners, Trinity Ventures, le fondateur de ShoeDazzle, Brian Lee et le créateur de Flixster, Joe Greenstein, Whisper reflète la volonté secrète du Web de pouvoir rester anonyme, malgré Facebook et les services peer-to-peer. La Toile fera toujours une place pour le « X ».
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA
Rubrique réalisée en partenariat avec ETO