Selon Paul Willis, les hommes ne cherchent pas seulement à survivre économiquement et matériellement mais aussi à donner un sens à leur existence. La matière sur laquelle on travaille étant symbolique et vivante, elle demande une démarche qui soit en affinité avec elle. D’où l’importance :
− d’étudier tout ce qu’il y a de « sensible » dans la vie humaine. Nos attitudes ne sont pas amorphes mais participent d’une stylisation de nous mêmes : nous stylisons notre existence, notre mode d’être par nos comportements, notre façon de s’habiller, les gens avec lesquels nous sommes en relation, les lieux que nous fréquentons… Tout comme dans un poème, les métaphores et les sens indirects ont toute leur place dans la construction de sens et l’interprétation que nous devons faire de la société.
− de sortir de la dichotomie entre empirie et théorie pour créer des liens entre les concepts et le désordre du quotidien, et ce grâce à l’imagination.
− d’aboutir à un étonnement pour pouvoir apporter quelque chose de réellement nouveau. P. Willis appelle à aller sur le terrain en croyant des choses, et en étant prêt à bouleverser ces prénotions, pour élargir le champ des connaissances.
Or l’intelligence créative permet de sortir des sentiers de la pure rationalité et des strictes données quantitatives et qualitatives en prenant en compte un champ large de connaissances décloisonnées, en intégrant le sensible et l’expérience, en convoquant l’intuition et à l’imagination, en recherchant la surprise, en autorisant des réponses ouvertes, multiples et évolutives.
Stimuler la créativité des commanditaires
L’intelligence créative permet de façonner des solutions :
− originales et même inattendues, capables de créer la surprise et l’enthousiasme et de faire appel aux critères de décisions les moins rationnels mais aussi les plus puissants chez le consommateur
− tout en étant efficaces et pertinentes, faisant sens et répondant aux contraintes posées.
L’intelligence créative est avant tout une méthodologie, une manière de réfléchir et de créer. Appliquée aux études, non seulement elle propose des solutions innovantes aux clients mais les encourage également dans leur propre créativité à travers des méthodes :
– intuitives et vivantes qu’il s’agit de s’approprier par le ressenti autant que par l’intellect ;
– ouvertes et évolutives qui ne demandent qu’à être adaptées et remaniées aux nouveaux contextes ;
– qui intègrent une vision, une dimension projective dans le futur.
Approche culturelle vs. bureaucratique
Le manque d’originalité et d’innovation de nombre de résultats d’études tient à l’usage abusif de méthodes de recherche dites « bureaucratiques ». Selon Douglas Holt, la « Brand Bureaucracy » consiste à privilégier des outils d’analyse et de présentation standardisés pour simplifier et schématiser la réalité selon une approche réductrice et à valoriser les approches cartésiennes, voire pseudo-scientifiques, ne laissant que peu ou pas de place aux arguments irrationnels, aux émotions, à l’humain…
Une approche « culturelle » signifie une approche qui n’analyse pas des objets seulement pour eux-mêmes mais les resituent dans leur contexte historique, social, culturel, concurrentiel, etc. Le propre de la culture, c’est d’être un champ multi dimensionnel et évolutif qui ne se découpe pas en tranches étanches, dont tous les pans sont articulés sans qu’aucun puisse faire abstraction des autres.
L’hyperwatch à travers des méthodes inductives (Vs déductives)
L’approche hyperwatch consiste à considérer un champ complet d’informations dont l’accumulation va permettre de généraliser des règles :
− en largeur, avec la constitution de ce corpus qui dépasse le strict champ d’analyse du sujet en cherchant à faire le tour d’un sujet.
− en profondeur, avec la considération de toutes les facettes d’un objet. Cette approche a été théorisée par la phénoménologie, qui parle de variation « eidétique » pour signifier que le phénomène se dégage dans son essence quand on fait varier une ou plus de ses dimensions. L’essence n’étant jamais totalement réalisée dans chaque incarnation, l’observation d’un seul cas ne suffit pas : c’est la surveillance de la globalité des variations qui permet d’acquérir une connaissance parfaite et complète de l’objet, et d’identifier ses éléments de force, soit ceux qui sont constants.
D’où la nécessité d’observatoires très riches associés à des approches sémiologiques ambitieuses. La méthode inductive implique l’analyse d’un phénomène par l’observation d’un nuage de manifestations proches, plus ou moins semblables, présentant un air de famille avec celui-ci. Par la multiplication des objets d’étude, elle permet d’avoir une vue d’ensemble, une compréhension globale d’un sujet, comme lorsqu’on en a une vue d’avion. Cette capacité, c’est ce qu’on appelle la « surveyability ».
Daniel Bô
Pdg-fondateur de QualiQuanti
Pour aller plus loin : « Best of de méthodologies innovantes fondées sur l’intelligence créative : audit de brand culture, sémio créative, étude inter-culturelle, crowdsourcing, … » Rendez-vous le jeudi 10 avril 2014 de 12 h à 12 h 45 au Printemps des Etudes, Palais Brongniart, Paris.
printemps-etudes.com