16 décembre 2019

Temps de lecture : 3 min

À visage découvert : entre expressivité et identité

Le proverbe voulait que le visage soit le reflet de l’âme… Mais l’époque et ses pratiques nouvelles ne remettraient-elle pas l’adage en question ?

Le proverbe voulait que le visage soit le reflet de l’âme… Mais l’époque et ses pratiques nouvelles ne remettraient-elle pas l’adage en question ?

Sur nos écrans ou ailleurs, le visage est devenu central. Qu’il soit selfié, filtré, modifié ou partagé, il questionne nos identités à travers de nouveaux usages numériques, esthétiques et symboliques.

 Face-à-face : le premier outil de communication

Le visage est à la fois notre médium le plus cher et le plus complexe : celui qui communique sciemment mais aussi celui qui laisse transparaître sans vouloir, un outil indispensable et parfois notre point faible. C’est justement pour cette force d’expressivité qu’il est devenu si central aujourd’hui.

Dans nos mondes de la communication, le visage a longtemps été synonyme de confiance et de réassurance : un visage souriant permettant d’affirmer et de jouer le rôle de caution plus ou moins fictive auprès d’une marque. Qu’il soit celui de l’égérie ou de l’agriculteur, le visage dans la communication ou sur les packs est l’opportunité d’humaniser ou donner une personnalité à son produit ou sa marque. On l’utilise pour son côté authentique (censé s’opposer aux acteurs de la publicité) mais aussi pour sa fonction de stéréotype et d’association immédiate avec telle qualité, tel sentiment ou telle saveur qui permet de construire une segmentation simple et efficace. 

Le visage est partout car il est simple et rapide à reconnaître et à décoder. Ce qui nous est moins habituel c’est la confrontation directe, le gros plan, là où le visage prend tout l’espace comme sur un 4×3. Qu’il soit connu ou inconnu, lorsqu’une personne « prête » son visage à une publicité, cette proximité provoque, gêne, fait réagir. De près comme de loin, le visage possède un pouvoir symbolique et émotionnel particulièrement utile pour nous comme pour les marques.
 

Le digital : ère émotive et narcissique

Alors que la communication écrite avait laissé de côté nos mimiques et expressions corporelles, voilà que le numérique a surgi… et avec lui le besoin naturel de recréer signes et émotions pour compléter le verbe. Dans nos conversations quotidiennes, nous avons vite trouvé, dans les mots, l’insuffisance de l’expression, le manque d’âme ou de subjectivité. L’écriture, dans son plus simple appareil, laisse place à l’interprétation et donc potentiellement à l’inquiétude, aux malentendus et rancœurs… 🙁 Pour certains, nos bonshommes de ponctuation ne suffisent plus. Un texto sans émojis devient fade, froid, voire agressif et nous place dans une situation de dépendance à l’hyper-expressivité.

Les réseaux sociaux ont fait émerger l’ère du narcissisme et de l’émotion. Snapchat s’ouvre avec sa caméra droit sur vous, Facebook a troqué son pouce pour des réactions plus variées et met en mouvement animojis et memojis à notre image. D’autres applications comme FaceApp ou le roi du deepfake chinois Zao proposent un divertissement gratuit, celui de se voir vieilli, rajeuni ou incrusté comme héros de notre film préféré. Mais derrière le plaisir narcissique de se voir modifié, amélioré ou starifié, naît rapidement l’interrogation et la méfiance quant au devenir de nos visages. Ne pourraient-ils pas rapidement devenir monnaie d’échange et data utilisée malgré notre volonté ?

 

 Futurs identitaires : altérer, protéger, sublimer

En modifiant nos traits, les nombreux filtres Snapchat et autres jouent sur nos perceptions du beau alors même que les retouches des corps sur Photoshop étaient en bon train pour s’atténuer… Alors, après le #nofilter, le retour au naturel et aux « défauts » assumés, la nouvelle tendance sur Instagram est au filtre altérant, futuriste et surréaliste. Les utilisateurs prennent le pouvoir et créent eux-mêmes leurs filtres et, avec eux, de nouvelles esthétiques à contre-courant des normes. 

Avec la surutilisation numérique du visage, on redécouvre son caractère sacré et intime. La reconnaissance faciale pose la question du droit à l’anonymat et à la liberté. Mais de cette méfiance naît une nouvelle créativité qui emploie le design pour cacher ou déformer. Qu’il s’agisse d’applications, d’objets, de bijoux ou de techniques de maquillage, le visage devient un bien précieux à protéger. Ce nouvel art du brouillage de piste protège, questionne et sublime de façon poétique nos identités fragiles.

 

 

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