9 septembre 2024

Temps de lecture : 4 min

Violences faites aux femmes : la fin du bonheur de l’ogre…

Souvenons-nous, en 2018, la lutte contre les violences faites aux femmes était décrétée grande cause du quinquennat par le président de la République. L’année 2022 mettait en avant l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans un cas comme dans l’autre, la lutte semble n’en être qu’à ses balbutiements. Mais l’écho médiatique donné à ces deux sujets progresse significativement. Un article extrait du livre blanc "Médiascopie d'un pays" en collaboration avec le SIG.

Les années se suivent… et ne se ressemblent pas : 2023 aura peut-être été celle du grand court-circuit. «La chute de l’ogre» Depardieu, relaté par « Complément d’enquête » sur France Télévisions, divisant l’opinion, relançant le débat entre l’intouchable génie porte-drapeau de la France dans le monde, et le «pauvre homme aux prises avec ses démons». À l’image du tollé créé par cette tribune cosignée par une cinquantaine d’artistes publiée par Le Figaro le jour de Noël, avant que plusieurs n’expriment leur regret toujours par médias interposés. Le débat également créé par la diffusion d’une série très attendue, The Morning Show, qui dès sa première diffusion en France au mois d’avril 2023 bouscula les audiences en 48 heures. Une fiction sur les coulisses de la plus grande matinale télé américaine sur fond de scandale sexuel : «Une réflexion sur la prise de conscience nécessaire des discriminations et des violences dans les métiers de représentation, montrant à quel point cette visée politique nécessite de fonctionner main dans la main avec le système », selon les Inrocks.

 

Affaire Depardieu : 5612UBM

 

Et puis, en parallèle de ces différents sujets amplifiés par les réseaux, portés sur les plateaux de télé, remués dans les tribunes, il y a eu les paroles fortes et les images chocs d’une Judith Chemla qui, battue par le père de son enfant, publie sur Instagram son visage tuméfié.

Pourquoi 2023 restera dans les annales de l’information ?

Justement peut-être pour la bonne et simple raison que la conversation lancée entre ces femmes connues, célébrées, rencontre celle de femmes anonymes qui non seulement s’identifient mais se rendent compte que ni l’argent ni la célébrité ne protègent les femmes des violences. C’est un fait nouveau. C’est aussi l’occasion de mesurer à quel point les femmes qui parlent fort, qui s’exposent et se dévoilent en colère sont toujours jugées «hystériques» par d’autres.

 

Il est possible d’agir. Chacun à son niveau. En ouvrant grand les yeux et les oreilles, mais aussi sa bouche.

 

Dans ce vaste concert, il y a heureusement aussi ceux qui se battent pour interpeller les citoyens, et dont le discours permet «officiellement» de prendre position – au mieux en éloignant ou en corroborant le bruit et la fureur. Avec toujours à l’esprit que c’est la coordination et l’action qui changent tout… Et que la justice n’est pas assez efficace au regard de l’actualité. Difficile en effet de suivre le rythme de ces violences faites aux femmes tant la Covid et ses confinements ont pointé l’augmentation spectaculaire des maltraitances conjugales et intrafamiliales.

Ces ouvrages d’auteures, ces documentaires, et puis les différentes initiatives en communication d’acteurs majeurs pour poursuivre leur œuvre d’information. Comme celle gouvernementale avec le 3919, numéro national de référence pour l’écoute et l’orientation des femmes victimes de violences conjugales – qui représentent 87% des violences dénoncées aujourd’hui – ou celle conduite avec les entreprises de service public telle la SNCF, avec des approches qui entrent en résonance avec une opinion publique de plus en plus sensible au sujet.

 

« Les budgets ont augmenté, les associations sont soutenues, le 3919 est désormais disponible 24 heures sur 24, mais une femme meurt tous les deux jours et demi en France. La violence reste un défouloir. Dans le dernier rapport du HCE [Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, ndlr] datant de l’an dernier, ce qui a fait beaucoup de bruit, c’est le sexisme chaque fois plus admis par un grand nombre de jeunes adultes, et le fait que de nombreuses jeunes femmes affirment préférer rester à la maison.» Sortir c’est s’exposer au risque… « Et toujours en bruit de fond ce regret de voir à quel point l’Espagne est en avance sur ces sujets de violences faites aux femmes, sur l’efficacité de la chaîne mise en place [depuis 2003, le pays s’est doté d’un arsenal législatif renforcé qui a permis de faire reculer le nombre de féminicides : 49 en 2022 vs 71 en 2003, ndlr], et des résultats stupéfiants obtenus par la justice », explique Emmanuelle de Montesson, directrice générale de BETC. Ce fameux numéro 3919, remis au goût du jour en 2015, fait partie des actions positives et concrètes. «Savoir qui appeler reste encore aujourd’hui le moyen, le réflexe le plus efficace […] Ce numéro a l’avantage de s’imposer dans la durée et est devenu un réflexe pour les associations ou établissements qui veulent mettre en place une campagne de prévention», soutient Emmanuelle de Montesson.

 

C’est la coordination et l’action qui changent tout…

 

De son côté, la RATP et la SNCF, très concernées par le problème puisque 87% des femmes sont victimes de violences dans les transports, s’engagent. Grâce à des actions «contre l’outrage sexiste, le nombre de déclarations dans son périmètre est bien plus important que par le passé», se réjouit Anne Meunier, responsable de la lutte contre ce fléau à la SNCF. «Les consciences sont éveillées, ce n’était pas le cas il y a encore peu. Notre constat ? La coordination est essentielle, c’est cette chaîne en continuum qui permet d’avancer concrètement. Chaque victime prise en charge par nos agents, c’est une victoire. Parce que nous savons que nous irons au bout d’un process personnalisé. Le plus important reste le suivi, la proximité, l ’action », poursuit-elle en appréciant également «le rôle essentiel des débats actuels, notamment suscités par Judith Godrèche, sur la Toile ».

Quant à cette valse médiatique incessante, déroulant scandale après scandale, drame après drame, jusqu’à la nausée, elle est une des meilleures façons de refuser de taire cette réalité sur laquelle, aux yeux de tous, il est possible d’agir. Chacun à son niveau. En ouvrant grand les yeux et les oreilles, mais aussi la bouche.

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