INfluencia : votre coup de cœur ?
Vincent Klingbeil : il est pour Pierre Bourdieu que je lis beaucoup en ce moment. Je m’intéresse beaucoup au sujet de l’égalité des chances et c’est vrai que tous les sociologues permettent de réfléchir à la façon dont on pourrait réduire ces inégalités qui me choquent profondément. Autant je suis assez libéral et admiratif des employeurs qui réussissent, autant j’aime que chacun ait les mêmes chances.
Je me suis beaucoup mis à la philosophie et à la sociologie dernièrement : Emile Durkheim (ndlr : « père fondateur » de la sociologie française), Emmanuel Lévinas (ndlr : la philosophie de Lévinas est centrée sur la question éthique et métaphysique d’autrui), etc.
J’ai un coach en culture générale que je rencontre une fois par semaine.
J’ai un coach en culture générale que je rencontre une fois par semaine, je l’ai vu ce matin d’ailleurs, et nous avons parlé de Bergson. Je suis très adepte du « lifelong learning ». Je pense qu’on doit apprendre toute sa vie. Mais puisque certains philosophes comme Lévinas sont difficilement accessibles quand on les lit seuls, il faut être accompagné. Cela permet aussi pendant deux heures, d’avoir un moment pour soi, se divertir et penser un peu à autre chose que le business.
Un coup de colère contre pas mal de patrons qui ne prennent pas assez la parole
IN. : et votre coup de colère ?
V.K. : mon énorme coup de colère est évident, il est contre les extrêmes. J’ai l’impression en ce moment qu’on a le choix entre avoir une jambe en bois ou un bras en mousse. C’est aussi un coup de colère contre certains Français qui se font manipuler, qui ne comprennent pas ce qui risque de nous arriver. Et aussi un coup de colère contre pas mal de patrons qui ne prennent pas assez la parole. J’ai démarré une série de posts sur LinkedIn où je fais part de mon point de vue. Tant pis si c’est un peu risqué. Je pense être un humaniste et mon autre coup de colère, qui est lié au premier, est contre tout ce qui est racisme et antisémitisme, contre toute forme de haine de l’autre, que je ne tolère absolument pas.
IN. : la personne qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
V.K. : c’est mon professeur d’échecs, Paul. Je le connais depuis quatre ans et je le vois lui aussi une fois par semaine. Il m’a beaucoup aidé à progresser et a partagé avec moi sa culture des échecs. Il m’a énormément apporté. C’est vraiment quelqu’un d’exceptionnel et très bienveillant. Il est très cultivé et pendant un cours, nous parlons 50% d’échecs et 50% d’autre chose. C’est vraiment ma plus belle rencontre.
Parfois je peux sortir des plaisanteries exceptionnelles et les gens me trouvent très drôle, mais elles ne sont pas de moi, j’avoue
IN. : votre rêve d’enfant
V.K. : j’ai toujours rêvé d’être comédien. J’étais passionné par le théâtre quand j’étais jeune. A 12 ans, j’étais au cours Simon, et ensuite en parallèle de mes études de droit – je suis un ancien avocat – j’ai suivi le Cours Florent. J’ai tourné dans des films quand j’étais plus jeune, entre 12 et 15 ans, notamment dans « comme un bateau, la mer en moins » de Dominique Ladoge (Bayard d’or du meilleur scénario original du Festival international de Namur). Et puis je me suis arrêté car je me suis concentré sur mes études, mes parents m’y poussaient pour jouer sur la sécurité.
Je suis aussi passionné de stand-up (cela a d’ailleurs été ma première entreprise). J’adore les humoristes et plus particulièrement les scènes ouvertes, quand les artistes viennent tester leurs vannes. J’y ai passé des milliers d’heures. Je pense que j’ai dû voir dans ma vie plus de 500 spectacles. Et je vais vous faire une confidence : parfois je fais ce qu’on appelle « une soustraction frauduleuse de la vanne d’autrui » : je prends une vanne que j’ai entendue dans un spectacle et je la place comme ça dans un dîner sans citer l’auteur. Donc parfois je peux sortir des plaisanteries exceptionnelles et les gens me trouvent très drôle, mais elles ne sont pas de moi, j’avoue. (rires)
Aujourd’hui je ne fais plus de cinéma ou de théâtre. Je pense que pour être acteur ou stand-uppeur, il faut s’y consacrer à 100 %. Le talent ne suffit pas. Mais aujourd’hui, dans le cadre de EDG j’ai mon émission, « le Tech Show » et c’est un peu du théâtre… Mon rêve serait un jour, dans très longtemps, de monter un petit café-théâtre hyper sympa, avec une scène pour les stand-upper qui pourraient venir tester leurs vannes. On verra…
IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
V.K. : c’est peut-être d’avoir réussi à prendre moins en compte le regard des autres, de faire confiance à mon instinct sur de nombreuses décisions et aussi d’être bien entouré d’une bande d’amis sincères, alors que je travaille énormément.
IN. : votre plus grand échec ?
V.K. : c’est quand j’ai été mis « échec et mat » dans une partie d’échecs (rires).
Pour moi, un problème personnel ou professionnel est une équation. Je me demande s’il y a trop d’inconnus ou si je peux la résoudre
IN. : quelle est votre caractéristique la plus marquée?
V.K. : mon défaut principal est d’être anxieux, mais j’ai réussi à transformer mon anxiété en énergie positive. Sans coach pour le coup (rires). En début de carrière quand j’étais avocat, le stress pouvait me paralyser un peu. Mais maintenant, dès que je suis anxieux, je bosse ou je réfléchis. Et j’ai l’impression au contraire que cela me donne une petite montée d’adrénaline. Quand on est entrepreneur, comme les statistiques ne sont pas trop de notre côté – quand on lance une boîte les chances de réussite sont quand même d’une sur deux – du coup, il faut avoir un mindset positif et se dire que ça va aller. Pour moi, un problème personnel ou professionnel est une équation. Je me demande s’il y a trop d’inconnus ou si je peux la résoudre. Si oui, je cherche et je trouve la solution.
Les statistiques de ma naissance étaient tellement faibles, il y avait une chance sur des millions de s’en sortir. Et pourtant j’existe.
Je suis aussi quelqu’un de très déterminé et très résilient, je ne lâche rien. J’ai vraiment la rage, c’est un moteur. Et cette rage, elle vient plein de choses. Je sais que je ne dois pas parler boulot, mais la première entreprise que j’ai créée était autour du stand-up, en 2008 et s’appelait Talent Zapping. C’était une plateforme de vidéos qui mettait en avant les humoristes de demain qui avaient envoyé leurs vidéos et pouvaient se défier en battle les uns contre les autres. Les internautes misaient des points virtuels qui étaient ensuite convertibles en cadeau. Trois ans plus tard, le site a fermé. Ruiné, je suis retourné vivre chez mes parents ! Avant j’étais avocat d’affaires respecté, on m’appelait « maître », et puis soudain on échoue et on n’est plus rien du tout. C’était un gros échec mais il m’a beaucoup appris et a permis les réussites d’après. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée de toute ma vie…
Et puis cette résilience vient aussi de mon histoire. Je suis un petit-fils de déportés. Quand on se dit : « les statistiques de ma naissance étaient tellement faibles, il y avait une chance sur des millions de s’en sortir. Et pourtant j’existe » …
Pendant un mois pile, je pète un peu les plombs et j’achète n’importe quoi
IN. : quelle a été votre plus grande folie, la chose la plus « dingue » que vous ayez faite ?
V.K. : il y a eu trois fois dans ma vie où j’ai gagné pas mal d’argent, et à chaque fois, il se passe la même chose : pendant un mois pile, je pète un peu les plombs et j’achète n’importe quoi : mais je ne suis pas trop show off, je préfère faire beaucoup de cadeaux à mes proches. Je suis aussi passionné par plein de choses, depuis l’âge de 16 ans, je collectionne, par exemple les stylos de collection. J’ai des éditions limitées Marcel Proust. J’adore aussi les baskets, je peux en acheter beaucoup, beaucoup… Je fais tout dans l’excès. Mais c’est assumé… Et après, je redeviens totalement normal (rires).
Sinon, la plus grande folie que j’ai faite est d’avoir privatisé le Pont d’Avignon. Pour notre mariage, nous voulions y faire le cocktail. Or ce célèbre pont se visite et on nous avait répondu que ce n’était pas possible, j’ai demandé combien de tickets il fallait acheter et je les ai tous achetés…
IN. : quel disque emmèneriez-vous sur une île déserte ?
V.K. : le CD de Michael Jackson «Heal The World”, qui est ma chanson préférée. On en a bien besoin en ce moment…
* L’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint-Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».
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L‘actualité de Vincent Klinbeil
EDG , qui a été fondé en 2019 par Vincent Klingbeil et Montefiore Investment « comme un nouveau modèle hybride agile et innovant » a réalisé un CA de 280 millions d’euros en 2023 (avec 1700 collaborateurs), vise 380 millions de CA en 2024 et 1 milliard d’ici 5 ans.
- Il y a 35 sociétés juridiques distinctes et 5 business units dans cinq pays qui les fédèrent : data et intelligence artificielle, digital content (contenu, création et social media), performance marketing, cyber sécurité et IT et services transverses
- Six sociétés vont le rejoindre dans les 6 prochains mois.
- Vient d’annoncer la création d’un hub européen d’externalisation des forces de vente basé à Barcelone, European Sales Group
- Trois chantiers pour l’année : l’internationalisation, l’IA et la RSE :
. Poursuite du développement hors de France avec l’objectif que l’international qui pèse 10% aujourd’hui représente entre 35% et 30% d’ici trois ou quatre ans.
. Une grosse acquisition à l’international va être annoncée en septembre en Espagne
. A nommé un « Chief AI Officer », Hervé Mignot et des digital champions dans toutes les filiales
. En matière de RSE, a nommé une « Chief Impact Officer », Marine Jousseaume