1 mars 2018

Temps de lecture : 4 min

Vero : pourquoi ce réseau social a le vent en poupe ?

A mi-chemin entre Facebook, Instagram, ou encore Twitter, le réseau social Vero fait couler beaucoup d’encre depuis quelques jours. Comment expliquer ce succès, et surtout, quelles sont ses chances de réussite sur le long terme ?

A mi-chemin entre Facebook, Instagram, ou encore Twitter, le réseau social Vero fait couler beaucoup d’encre depuis quelques jours. Comment expliquer ce succès, et surtout, quelles sont ses chances de réussite sur le long terme ?

« Nous voulions créer avec Vero un environnement en ligne dans lequel les utilisateurs se sentiraient en confiance et pourraient être eux-mêmes ». L’ambition affichée par Ayman Hariri en 2016, soit un an après le lancement officiel de son réseau social est clair : remettre l’expérience du socionaute comme composante essentielle de la stratégie de Vero. Une manière de se positionner à contre-courant du modèle économique des GAFAS et autres géants du secteur.

Dans les faits, le fils de Rafic Hariri, ancien premier ministre libanais, promet « un service transparent ». Le principe réside dans une non monétisation des données personnelles, à l’écart de la fièvre des algorithmes avec une gestion chronologique des posts, et un modèle économique quasiment dépourvu de toutes publicités. L’exception résidant dans le fait qu’il sera tout de même possible d’acheter des produits directement sur l’application par le biais de comptes dédiés aux marques. Après une traversée du désert de plus de deux ans, l’application -présentée officiellement en 2015- semble enfin décoller à l’échelle mondiale. La raison ? Un modèle de campagne marketing qui fait la part belle aux utilisateurs et le choix d’un modèle économique détonant.

L’Instagram 1.0

Au diable les médias traditionnels. C’est sûrement l’idée qui a traversé l’esprit des membres de la start-up en élaborant leur plan marketing. Ces derniers ont fait le choix de s’associer avec plusieurs influenceurs américains pour vendre leur projet, et notamment des influenceurs made in Instagram. A l’image du photographe Greg Collins qui va publier pendant quelques temps du contenu exclusif sur la plateforme, ou encore le designer, Oliver Spencer et le chanteur canadien, Christian Collins, qui prêtent leur image à l’application. Une fois l’opération lancée, la presse américaine n’a pas tardé à reprendre l’information et à transformer une campagne marketing nationale en un phénomène international. L’intérêt pour les utilisateurs étant de retrouver un modèle proche des premières versions d’Instagram, à une époque où ce dernier ne dépendait pas de contenus publicitaires ni même d’algorithme pour gérer ses contenus.

En plus de ce choix, que l’on peut d’ores et déjà qualifier de gagnant, la start-up a choisi un modèle économique bien différent de ses concurrents. Même si, à terme, l’inscription à Vero sera payante, le premier million d’utilisateurs se voit offrir la possibilité d’utiliser gratuitement et à vie l’application. Un bel exemple de la stratégie marketing dite du FOMO (Fear of Missing Out). Le principe étant de créer un climat d’urgence dans lequel les cibles n’auraient d’autre choix que de succomber, de peur de rater la fameuse « bonne affaire ». Comme le dit l’adage cela ne coûte rien d’essayer.

Quel est son réel potentiel ?

Ce succès se traduit par des chiffres renversants : 1ère application téléchargée sur smartphone aux Etats Unis avec une croissance de 300 % dans les recherches Google. De bon augure pour la suite ? Rien n’est moins sûr. En effet, Vero est loin d’être la 1ère application à opter pour une stratégie équivalente. Nous pourrions citer comme exemples les cas de Path qui, malgré son rachat en 2015 par le géant coréen Daum Kakao peine à trouver son public, ou encore Ello qui ne tient sa survie que par sa transformation en communauté d’artistes.

Le futur de Vero n’est pourtant pas acquis, il tient notamment à une autre composante de taille : l’évolution progressive des consciences sur le respect de la vie privé par les NTIC. A voir car il est pointé du doigt sur sa politique de confidentialité selon laquelle tout contenu qui y est posté devient sa propriété intellectuelle l’autorisant ainsi à en disposer comme bon lui semble. En cela, il ne diffère pas de ses congénères, maintenant va-t-il passer à l’acte ? A suivre, car la question de l’éthique prend de plus en plus de place dans le débat public. De plus, les sites web et/ou applications qui utilisent les données de leurs utilisateurs à des fins commerciales sont de plus en plus critiquées. La loi européenne de protection des données (ou RGDP) entrant en vigueur en mai prochain, en est le parfait exemple. Celle-ci tend à responsabiliser d’avantage l’ensemble des acteurs qui traitent des données personnelles en leur fournissant des outils, tels que la création d’un poste de délégué à la protection des données, afin qu’ils puissent s’y conformer.

Cette tendance générale à la protection de la vie privée pourrait-elle être l’opportunité pour transformer Vero en véritable « Facebook killer » ?  Y adhérer pourrait alors sembler tentant encore faudra-t-il dépasser les antécédents de la famille du fondateur pas vraiment en ligne avec le respect des droits de l’Homme et qui selon Brad Nash de GQ Australia prêtent à mûre réflexion : « la famille Hariri s’est récemment retrouvée au coeur d’un scandale concernant des milliers de travailleurs migrants abandonnés dans un camp sordide en plein désert, sans nourriture, eau, électricité ou assistance médicale, par l’entreprise de construction Saudi Oger (détenue par la famille Hariri). Les travailleurs ont aussi affirmé ne pas avoir été payés pendant 8 mois, et ont refusé de rentrer dans leurs pays d’origine tant qu’ils n’avaient pas reçu leur dû ». Peu reluisant tout ça et pas forcément porteur d’une image saine propice à un développement fulgurant.

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