27 mai 2020

Temps de lecture : 3 min

Validé : la recette marketing de réalité fiction de Canal+

Lorsqu’un jeune rappeur français interprète dans une série Canal + le rôle d’un rappeur en pleine ascension, la mise en abyme révèle tout le potentiel de la réalité fiction. Au point que deux mois plus tard, plusieurs morceaux et clips issus de la série cartonnent sur Youtube et Spotify, offrant à son acteur principal une exposition exceptionnelle.

Lorsqu’un jeune rappeur français interprète dans une série Canal + le rôle d’un rappeur en pleine ascension, la mise en abyme révèle tout le potentiel de la réalité fiction. Au point que deux mois plus tard, plusieurs morceaux et clips issus de la série cartonnent sur Youtube et Spotify, offrant à son acteur principal une exposition exceptionnelle.

« Validé », c’est l’histoire du jeune rappeur Apash, de son ascension dans le rap game et de son combat pour se faire « valider » par le milieu. Un univers gorgé de textes incandescents et de règlements de comptes dont l’originalité repose notamment sur une narration qui mêle réalité et fiction. Car Apash, le personnage principal, est joué par Clément Hatik, rappeur dans la vraie vie et comédien formé sur le tard. Une mise en abyme qui confère au rappeur comédien une double casquette largement bénéfique en matière d’exposition et de visibilité.

Pour lui conférer son caractère réaliste, la série reçoit tout au long de la saison plusieurs rappeurs célèbres qui jouent leurs propres rôles. On retrouve ainsi Lacrim, Soprano ou Nino en train de donner un coup de pouce au jeune rappeur piégé par ses concurrents. C’est également l’incorporation de véritables médias qui alimente cette réalité fiction : les plateaux mythiques de Skyrock et du Mouv et la présence de leurs animateurs vedettes – notamment Fred Musa – donnent du corps au récit. Même le média Konbini apparaît le temps d’un épisode pour suivre le jeune rappeur lors d’un concert, sans parler de Cyril Hanouna qui l’invite sur le plateau de Touche pas à mon poste pour lui tendre un piège. Autant d’éléments d’authentification qui permettent de crédibiliser l’histoire et de construire un marketing de la réalité fiction.

20 millions de vues en deux mois

Le succès de la série a été fulgurant. Lancée le 20 mars sur MyCanal, elle comptabilise déjà plus de 20 millions de vues à son actif, devenant la série la plus vue en ligne de l’histoire de la chaine. Certains morceaux de la bande originale ont d’ailleurs eu le droit à un clip complet au-delà des besoins de la réalisation. Certains ont été postés sur Youtube pour tenter de devenir des « hits » dans la vraie vie et jouer une fois de plus sur la mise en abyme de la série. « Prison pour mineurs » a ainsi dépassé le million de vues sur Youtube, soulignant la puissance du marketing de la réalité fiction. À plus forte raison que dans la réalité comme dans la série, c’est bien Clément Hatik qui écrit la plus grande partie de ses textes. « Il fallait trouver quelqu’un d’extrêmement crédible, dont on ne pouvait pas remettre en cause les qualités et les compétences », explique le réalisateur de la série Franck Gastambide à Redbull. Sur Spotify, les 25 titres de la bande originale de Validé sont déjà disponibles. Canal + compte par ailleurs exporter la série à l’étranger sous le titre « All the way up ».

La réponse de Booba renforce la mise en abyme

Preuve que la fiction se fond dans la réalité, Booba a décrit la série sur Instagram comme « une récup de bobo en manque de sensations fortes ». Peu de temps après, Franck Gastambide a répondu non sans ironie sur l’émission Clique : « C’est la réalité qui rejoint la fiction. On fait une série qui parle de ça, des pics, des clashs, des embrouilles, des jalousies, des guerres d’ego… Et on a Booba de Miami qui nous envoie un petit pic sur la série, et qui quelques heures après annonce qu’il va sortir une playlist qui s’appelle « Validé ». C’est une idée qu’on aurait pu avoir, donc je trouve ça super». L’estocade de Booba apparaît ainsi comme une démonstration de force de la justesse de la série : des rivalités insatiables entre rappeurs qui commencent par la moquerie et qui terminent en rixe dans l’aéroport d’Orly.

Aux États-Unis, plusieurs séries ont déjà développé ce business de la réalité fiction. L’une des premières du genre fut Entourage dont les personnages rencontrent des célébrités comme Martin Scorsese et Kanye West pour crédibiliser l’histoire. La série Atlanta qui lancée en 2016 par le rappeur Childish Gambino reprend quant à elle les mêmes codes : le célèbre rappeur, de son vrai nom Donald Glover, interprète le rôle d’un manager pour son cousin, une star montante du hip-hop à Atlanta. Comme dans Validé, réalité et fiction se côtoient pour devenir un aperçu sociologique et culturel du rap américain. La série a d’ailleurs fait connaitre Childish Gambino au-delà de son public traditionnel, soulignant une fois de plus la force du marketing de la réalité fiction dans sa capacité à créer de nouveaux points de contact entre un artiste et sa communauté.

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