20 novembre 2024

Temps de lecture : 5 min

Valérie Salomon /Jérôme Ruskin (CMI) : « Usbek & Rica a une énorme carte à jouer sur l’événementiel »

Usbek & Rica, qui fêtera ses 15 ans en 2025, explore le futur avec enthousiasme et optimisme. Son fondateur Jérôme Ruskin et Valérie Salomon, présidente de CMI France, groupe dans lequel la marque évolue depuis 2022, détaillent la stratégie de cette marque média qui a développé un modèle original mêlant print, digital, événementiel et conseil.
Usbek & Rica Valérie Salomon Jérôme Ruskin

INfluencia : Le magazine Usbek & Rica, lancé en 2010, est devenu Futu&r mi-octobre. Pourquoi avoir procédé à ce changement de marque qui puisait ses racines dans les personnages des Lettres persanes de Montesquieu ?

Jérôme Ruskin : L’entreprise et le média au sens large continuent à s’appeler Usbek & Rica, avec cet attachement très fidèle à la promesse éditoriale : regarder le monde avec un œil neuf et un étonnement philosophique. Notre nouvelle stratégie vise à déployer au mieux le print, le digital, l’événementiel et le conseil. La revue trimestrielle est donc devenue Futu&R. Ce changement de nom s’accompagne d’un changement de promesse et d’une meilleure complémentarité avec le média en ligne, qui délivre au quotidien de l’information sur le futur en train de naître. Nous avons passé 15 ans à démocratiser les enjeux d’avenir. Aujourd’hui, l’enjeu consiste à outiller nos lecteurs pour qu’ils se saisissent de ces sujets et aillent chercher ce futur que l’on aimerait voir advenir. La nouvelle marque Futu&r – plus simple à comprendre qu’Usbek & Rica – s’accompagne de deux signatures « Prenez-le en main » et « Le magazine d’Usbek & Rica » pour montrer que nous restons attachés à la marque originelle, à ses lecteurs et partenaires, tout en ouvrant la base de lectorat et d’abonnés.

Usbek & Rica a passé 15 ans à démocratiser les enjeux d’avenir. Aujourd’hui, l’enjeu consiste à outiller les lecteurs pour qu’ils se saisissent de ces sujets et aillent chercher ce futur que l’on aimerait voir advenir

IN. : La marque a rejoint CMI France en octobre 2022. Dans quelles circonstances et avec quels bénéfices pour le groupe ?

Valérie Salomon : Il y a eu d’abord une rencontre avec Jérôme. CMI France est attaché à la notion de transmission, notamment avec la marque ELLE, tout comme l’est Usbek & Rica, qui se place dans la perspective d’un futur positif et optimiste. Nous étions évidemment intéressés par ses contenus de qualité, mais aussi par son positionnement sur l’innovation et sa démarche prospective, des thématiques qui n’étaient pas présentes dans notre portefeuille de marques. Usbek & Rica nous a aussi séduits pour son savoir-faire en matière d’organisation d’événements, qui pouvait nous challenger. Nous nous sommes déjà appuyés sur leur savoir-faire puisqu’ils ont animé en interne les ateliers RSE pour nous aider à progresser dans cette démarche.

CMI était intéressé par les contenus de qualité d’Usbek & Rica, par son positionnement sur l’innovation, sa démarche prospective et son savoir-faire sur l’organisation d’événements

IN. : Au-delà des compétences métiers apportées par CMI sur les fonctions support, quelles synergies ont déjà été lancées entre Usbek & Rica et les autres entités de CMI ?

J.R. : Avec Hupster, la verticale nouvelles technologies de Loopsider lancée en juin 2023, nous travaillons à la déclinaison éditoriale en vidéo des archives d’Usbek & Rica pour aller toucher une nouvelle audience. Nous avons aussi mis notre dimension conseil au service de ELLE pour proposer à ses partenaires un guide sur ce qui va compter à horizon de 12 ou 24 mois et sur les éléments à maîtriser culturellement pour prendre la parole de la bonne manière dans notre époque. Les marques doivent désormais se positionner en matière de design, de valeurs, de culture, ou sur les sujets de société un peu sensibles comme la solitude ou la santé mentale. Le futur est enfin à la mode et la prospective est même en train de s’institutionnaliser. Aujourd’hui, c’est presque une faute morale de ne pas faire de prospective. Installer ce réflexe qui doit devenir un rapport au monde dans la politique, dans la société civile, dans les entreprises, permettra une meilleure conduite des changements à opérer.

IN. : Le Tribunal des générations futures s’inscrit aussi dans cette notion de prospective…  

J.R. : Ces grandes fêtes de la pensée parviennent à réconcilier des gens qui parfois ne se parlaient plus. Nous faisons chaque année un « grand » Tribunal des générations futures, le dernier en date s’étant tenu en mai 2023 à Mogador (Paris) devant 1400 personnes sur le thème « Faut-il encore faire des enfants ? ». Nous en montons une trentaine d’autres par an pour des partenaires et des entreprises qui souhaitent fédérer leurs collaborateurs ou des publics externes sur différentes thématiques : la « génération climat » avec la Macif, « Peut-on rendre au vivant ce qu’on lui a pris ? » avec LVMH… Des procès de la voiture ont été organisés avec Renault sur le salon ChangeNOW et aussi avec la Mairie de Paris. C’est un format génial pour embarquer les gens vers une vision positive du futur et les mettre en action. 

Le futur est enfin à la mode et la prospective est même en train de s’institutionnaliser. Aujourd’hui, c’est presque une faute morale de ne pas faire de prospective

IN : Dans quelle mesure est-ce aussi une source de revenus pour la marque ?

V.S. : L’événementiel est une vraie ligne de business pour Usbek & Rica, qui génère environ 30 % de ses revenus avec la partie médias et 70 % dans son rapport aux marques. La partie événementielle est assez conséquente dans ces 70 %, avec un poids fort du Tribunal des générations futures.

J.R. : La marque a encore une énorme carte à jouer côté événementiel car nous traversons une crise démocratique où les gens vont avoir de nouveau envie de se rassembler et de se parler. Le retour de l’oralité sera très fort. À nous de proposer des choses de qualité.

IN : L’entité Usbek & Rica est-elle profitable ?

V.S. : Elle fait autour de 4 millions d’euros de chiffre d’affaires et est profitable. Les entreprises continuent de s’adresser à Usbek & Rica pour des formats qui fonctionnent très bien comme le Tribunal des générations futures, mais viennent de plus en plus la chercher sur du conseil, un domaine dans lequel elle a prouvé son sérieux.

IN : Avec quelles demandes ?

J.R. : Les marques cherchent à savoir jusqu’où s’engager et où mettre le curseur entre le fait d’être des entreprises militantes ou strictement économiques. C’est un travail assez fin que nous réalisons avec elles. De 2017 à 2019, nous avons accompagné beaucoup d’entreprises dans la définition de leur raison d’être, qu’elles ont ensuite déployé en communication. Depuis quelques temps, elles se réinterrogent sur leur raison d’être. Notre partie conseil va sans doute se renforcer car elles vont nous solliciter sur de la réflexion pure avant de reprendre la parole dans les prochaines années.

Usbek & Rica est profitable. L’événementiel est une vraie ligne de business

IN : Dans cette dimension de prospective et d’une France qui vieillit, quelle est la place du Club des bons ancêtres ?

J.R. : Il y a deux ans, nous avions fait une couverture sur le thème « comment être de bons ancêtres » en réinterrogeant la notion de progrès pour qu’il ne soit pas une fuite en avant déraisonnable mais permette de laisser une trace positive auprès des générations futures. Un an plus tard, nous avons développé ce Club des bons ancêtres qui se réunit dans des entreprises (La MAIF, Thales, La Croix Rouge…) pour réfléchir à la manière dont elles peuvent, dans leur organisation et leur activité, se comporter comme de « bons ancêtres ». Nous leur fournissons des kits d’action pour qu’elles puissent déployer une « pensée cathédrale » qui embarque au moins cinq générations dans leurs organisations.

IN : Quels pourraient être les prochaines extensions de la marque avec les autres entités du groupe CMI ?

V. S. : Il y a des choses à développer ensemble en événementiel sur certaines de nos marques, notamment ELLE qui s’est déjà beaucoup diversifiée. Au-delà de ce qui est déjà lancé sur le guide et la prospective et de ce qui pourrait être fait en événementiel, nous réfléchissons à des thèmes qui pourraient être développés à travers des hors-séries, qui sont toujours de bons formats pour tester l’appétence du public.

IN : Et côté Usbek & Rica ?

J.R. J’ai un rêve secret et intime en BD avec une grande saga autour des personnages d’Usbek et Rica. Pour les 300 ans des Lettres persanes de Montesquieu, nous avions lancé Les Nouvelles Lettres Persanes. Nous sommes en train de préparer avec Robert Laffont (Groupe Editis) une suite qui arrivera en avril 2025.

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