En plein dans le mille d’un monde citoyen et politique en impératif de réactions sur la situation environnementale catastrophique, « Les Universités d’été de l’économie de demain » tentent d’organiser le débat. Économie à impact, kézako ?
À mesure que les politiques s’assourdissent à coup de poncifs sans profondeur et s’insurgent contre le dérèglement climatique en continuant de mener des actions capitalo-centrées -on pense notamment à Bruno Le Maire et à sa dernière fulgurance verbale « le capitalisme que nous avons connu au 20ème siècle est dans une impasse »- et que le G7 ressemble chaquefois plus à un happening diplomatico-communicationnel plutôt qu’à un vrai sommet d’où émaneraient des prises de décision concrètes et impactantes, les vraies questions d’avenir passent à la trappe.
Passons aux choses sérieuses
Loin du green ou du social washing, au milieu de ce capharnaüm aussi révoltant que révolté, des initiatives prennent place pour accélérer le mouvement. Parmi elles, #NousSommesDemain : un collectif réunissant 1000 entrepreneurs engagés pour faire bouger l’économie française. L’idée : en vue des présidentielles 2022, formuler et promouvoir un nouveau modèle d’entreprise permettant de concilier croissance économique, justice sociale et préservation des ressources, et pouvant concerner d’ici 5 ans 25% de notre économie.
Une orchestration en quatre principes d’actions :
-Partage du pouvoir : imposer un principe de gouvernance éthique
-Partage des richesses : déployer une stratégie financière éthique, responsable et solidaire fondée sur des modes de gestion équitables et transparents
-Impact social : adopter et revendiquer son role sociétal et le traduire dans son coeur de métier
-Impact environnemental : engager une véritable transition en matière d’éco-consommation et d’éco-conduite , à la fois dans l’entreprise et auprès de ses parties prenantes externes.
Economie à impact, kézako ?
Puisque qu’intégrer l’impératif de bénéfices sociaux et environnementaux au-delà de bénéfices financiers semble être le point d’orgue de cette transformation économique inévitable, parlons un peu de cette fameuse « économie à impact ».
Comment les entreprises doivent elles changer de modèle ? Comment concilier performance et urgence écologique ? Comment démontrer/mesurer le réel impact du changement ? Comment articuler les politiques publiques derriere les engagements des entreprises ? Autant de questions auxquelles Pascal Demurger, Groupe Maïf; Jean-Marc Borello, Groupe SOS; Cecile Duflot, OXFAM France et Mathias Vicherat, Danone ont tenté de répondre lors de la plénière d’ouverture de ces deux jours de conférences organisées par le Mouvement des Entrepreneurs Sociaux.
Comme une évidence
À la question doit-on changer de modèle, Cécile Duflot est sans concessions : « Il y a 20 ans deja, un certain nombre d’individus réfléchissaient aux limites du modèle capitaliste court-termiste ultra polluant. Sans être Einstein, on comprenait alors déjà l’aspect périssable de ce modèle ». Pour Pascal Demurger du Groupe Maïf, la contribution écologique comme sociale doit être appréhendée comme une source de performance pour l’entreprise. « Sortir d’un management vertical de l’autorité vers un management de la confiance et du sens, contribue à la fois à un épanouissement des collaborateurs, et donc à un engagement et une motivation décuplée. Résultat, la performance est affectée de manière positive », soutient-il.
Un postulat que Jean-Marc Borello du Groupe SOS valide fermement. « L’entreprise est en train de comprendre que son bilan écologique et économique n’est durable que si son modèle social l’est. Il ne faut pas oublier que l’entreprise n’est que la somme de ses clients, salariées et actionnaires : c’est donc le changement des exigences de ces parties prenantes qui engage le changement », explique-il.
Le collectif sur tous les fronts
Une prise de conscience collective et d’abord citoyenne donc, qui nécessite un renouveau du système entrepreneurial. Alors changer oui, évidemment, mais comment ? Premier étape, mesurer. Pour cela, des outils. Or, sachant que le PIB -malgré son caractère obsolète il va sans dire- reste l’éternelle référence de classification des pays et de leurs « richesse », vous imaginez bien que les outils de mesure d’impact social et environnemental ne sont pas au rendez-vous. Pour Jean-Marc Borello, « le but nest pas d’opposer les économies mais de mettre au même niveau les impacts économiques, environnementaux et sociaux ».
Effectivement, le triple niveau, socio-economico-environnemental du sujet fait sens dans sa globalité puisque chaque aspect est intimement lié à l’autre. « Aujourd’hui les principaux responsables de la crise climatique sont les 10% les plus riches, et ceux qui subissent sont les plus pauvres », souligne Cécile Duflot. « D’où le lien fondamental entre urgence écologique et sociale ».
À problème commun, mobilisation et solutions communes. Puisque l’espèce humaine n’est absolument pas suffisante ni autonome, la coopération est la règle d’or. Pourtant, il semblerait que l’ère industrielle ait effacé ce facteur premier en mettant la compétition au coeur de son fonctionnement. « Pour se sortir de là, la question de mesure des richesses et la transparence des écarts sont essentielles », insiste Cécile Duflot. « Si les entreprises ne s’attaquent pas de manière structurelle à la crise environnementale, le système s’effondrera », poursuit Mathias Vicherat, Danone.
Attention cependant, le monde économique ne se résume pas à l’entreprise. Et pour faire bouger le monde, en dedans et en dehors de l’entreprise, pour mobiliser et faire agir au delà de la sensibilisation, Jerome Saddier du Crédit coopératif à son idée : « l’angoisse est le pire ennemi de la démocratie. Il faut mettre de la rationalité, de la gravité mais surtout de la radicalité dans le système global en place pour faire avancer le débat. En dehors et en dedans du monde entrepreneurial ».
Contrainte et transparence
Si les consciences semblent éveillées il ne faut pas non plus croire à trop de bonté. Un univers de contrainte est nécessaire pour que les entreprises s’investissent, en toute lucidité. Pour Cecile Duflot, cette contrainte se caractérise en trois points : loi, fiscalisme, commande publique. « Il ne s’agit pas que d’une question de volontarisme mais aussi de comment l’action publique utilise les leviers de régulation pour contraindre au changement. En termes d’impact écologique comme social, la France bat des records. Les dividendes des entreprises de l’année dernière ont augmenté trois fois plus vite que les salaires. La première étape pour arrêter les discours ésotériques c’est la transparence sur la situation », affirme-t-elle.
Du collectif, du transparent, de la contrainte et des outils de mesures efficaces. Voilà de quoi alimenter les propositions qui porteront les valeurs des 1000 entrepreneurs sociaux de #NousSommesDemain. Affaire à suivre donc.
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