10 octobre 2019

Temps de lecture : 5 min

Urgence écologie et création : « l’éco-conception ne doit pas être un prétexte à faire du moche »

Premier partenaire d’Emmaüs et franchement investi dans une démarche de production responsable, Maisons du Monde nous interroge sur l’éco-conception comme virage aussi créatif que vital pour les industries polluantes qui meublent et accompagnent nos sociétés d’hyperconsommation.

Premier partenaire d’Emmaus et franchement investit dans une démarche de production responsable, Maisons du Monde nous interroge sur l’éco-conception comme virage aussi créatif que vital pour les industries polluantes qui meublent et accompagnent nos sociétés d’hyperconsommation.

Depuis 2011, un des mastodontes français du mobilier mainstream a revu sa démarche mercantile pour l’inscrire dans un paysage environnemental plus responsable. Avec Fabienne Morgaut, Directrice RSE franchement engagée et convaincante, Maisons du Monde revoit tout son système de production et permet au grand public de garnir son salon de mobilier prônant l’éco-conception.

Pour la 3ème année consécutive, Maisons du Monde a récompensé trois jeunes talents pour la création d’un meuble ou d’un article de décoration éco-conçu lors des Trophées de la Création Durable, un prix ouvert aux étudiants ou jeunes diplômés d’écoles de design. Véritable levier de transformation pour une offre plus responsable, l’éco-conception est au coeur des débats. Reculer devant les perspectives capitalo-centrées, avancer vers une consommation durable.  En amont de la remise des trophées, une table ronde intitulée « L’éco-conception : nouveau booster de la création », a suscité l’attention de la rédaction.

Pour introduire le sujet,  Fabienne Morgaut annonce la couleur : « L’éco-conception ne doit pas être un prétexte à faire du moche ». Voilà donc l’enjeu majeur de crédibilisation de cette technique de production : le produit doit préserver son style, sa qualité, son prix. Pour en discuter, plusieurs spécialistes et acteurs de ce mouvement mêlant art et écologie.

Comme une piqure de rappel pour redonner du sens au propos, Raphael Masvigner, co-fondateur de Circul’r, un groupe d’entrepreneurs qui sillonne le monde pour faire connaître et apporter les solutions concrètes de l’économie circulaire nous éclaire sur la nécessité d’un changement des modèles de production comme de consommation. « Le coeur de l’économie circulaire c’est comment concevoir une produit qui ne contribuera pas à l’épuisement des ressources naturelles, dès la conception ». A en croire le compte rendu annuel de l’ONG Global Footprint Network calculant en partenariat avec le WWF « le Jour du dépassement » (C’est la date à partir de laquelle l’empreinte écologique dépasse la biocapacité de la planète), pour subvenir aux besoins de l’humanité, il faudrait en réalité 1,75 Terre. Voila de quoi asseoir l’urgence de la problématique consumériste.

Responsabilité sincère ? Pas toujours

« En éco-concevant, on s’affranchit de la volatilité du cour des matières premières », poursuit-il. Et les entreprises l’ont bien compris. Désormais, ce sont plus de 375 milliards d’euros dépensés par an par les grands groupes pour l’éco-conception (l’équivalent du PIB de l’Afrique). Comment expliquer ce soudain engagement ? « Pour plusieurs raisons : parce que c’est économiquement intéressant, que la législation les y contraint, (avec dernièrement l’interdiction de l’usage du plastique unique), les consomm’acteurs qui cumulent les revendications, et enfin les intrapreneurs en interne qui s’engagent aux sein des entreprises ». Un panorama global investi et poing levé qui ne laisse donc plus guère de place aux objectifs purement économiques.

En bonne intelligence

Attention cependant à nuancer cet engouement des entreprises pour l’attitude responsable. En terres capitalistes, n’oublions pas que le coeur des dirigeants est toujours et encore aux intérêts financiers. Certaines marques nées de cette nouvelles technique de production semblent même marier avec brio toutes ces valeurs. C’est le cas de Mudjeans, dont le fondateur hollandais a conquis plus d’une patrie. En se basant sur une économie de la fonctionnalité, la marque propose un modèle durable, et responsable : louer un produit plutôt que de le vendre. « Il faut 10 000 litres d’eau pour faire un jean », explique Raphael Masvigner. « Il a donc éco-conçu des jeans en gardant la main sur la matière, et les proposant à la location avec consignes. De cette manière, il les récupère, réduit de 70% de sa consommation d’eau, et re-produit en offrant au client un avantage de prix ».

Un besoin d’expertise

Eco-Mobilier, qui apporte des solutions pour la collecte et la valorisation des meubles usagés, en leur offrant une 2ème vie, en les recyclant ou en les utilisant, l’expertise et l’humain doivent être au coeur du processus de l’éco-conception. « On se rend compte que certains assemblages rendent plus difficile la performance d’un nouveau produit. Pour une vraie seconde vie, durable, Il faut une expertise : trouver des bonnes matières naturelles pour les réinjecter dans les nouveau produit eco-conçu et aider à son prochain recyclage. Tout ce qui prolonge la durée de vie du produit est utile et pertinent pour tous », explique Eric Weisman directeur du développement et de l’innovation chez Eco-mobilier.

Pas de doute, la réutilisation gagne parmi les processus ayant le moins d’impact, faisant du recyclage le mauvais élève de l’économie circulaire. En effet l’ucycling, au lieu d’utiliser de l’énergie pour recycler, ajoute de la valeur à des produits obsolètes, et réinvente un produit déjà fabriqué.

Valoriser le capital humain

« En allant sonder 1000 Français sur leur mobilier, on se rend compte que l’encouragement des consommateurs est important. Le recyclé n’est pas moins qualitatif, et les idées reçues doivent changer. En impliquant les consommateurs, on change les attitudes », poursuit Eric Weisman.
Dans cette mouvance, le designer Matisse Dalstein nous explique son travail : une démarche sur le travail de réemploi passant par la valorisation des matériaux, des matières et des hommes via un atelier crée en partenariat avec Emmaüs.

« En créant Emmaüs UP, je propose la récupération de matériaux, suivie de la démonstration d’un processus de création, pour proposer à n’importe qui de réaliser du mobilier avec les matériaux disponibles sur site », explique Matisse Dalstein. « Une démarche qui permet de changer de regard sur cette ressource que l’on appelle vulgairement déchets ».

Consommateur en quête de sens

« Tout le monde se sent satisfait dans la réparation d’une produit. Imaginer et réaliser l’est encore plus. Apprendre, transmettre et sensibiliser à cette satisfaction est donc extrêmement stimulant », explique Matisse Dalstein. Une formation mêlant technique et création qui a notamment permis à un des participants de devenir charpentier. En accompagnant les nouveaux venus directement sur le site d’amas de déchets et les aider à reconnaitre et choisir les matériaux qui seront ensuite upcyclés, le designer joue avec la matière dite obsolete et créer de l’unique,  imposant le réemploi comme moteur de l’idée creative.

Pour Camille Soulayrol, rédactrice en chef chez Marie Claire Idées, la culture de l’upcycling est salvatrice. Son magazine quant à lui « permet un saut créatif, en sublimant et rendant l’esthétisme à l’idée reçue du recyclé et upcyclé ». En multipliant les partenariats avec des associations et en mettant en avant des produits chinés, customisés, il semblerait que cette vitrine d’inspiration donne un nouveau souffle d’idées à cette cible féminine CSP++. « Instagram et Pinterest ont apporté beaucoup d’eau à ce moulin. Aujourd’hui, l’éco-conception stimule car elle offre un rapport exclusif à l’objet, et du sens : celui d’être acteur de sa consommation. Un sentiment rassurant dans un environnement anxiogène comme le notre », poursuit-elle.

Une soif de réappropriation de la responsabilité d’achat/de consommation qui nous l’espérons perdurera et ne se dotera pas du simple sobriquet de « tendance ». Mais à en croire Fabienne Morgaut, les données sont rassurantes. « Lors de la commercialisation de notre premier produit éco-concu, on a constaté une augmentation de 20% de nos ventes », raconte-t-elle. Affaire à suivre.

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