8 mars 2022

Temps de lecture : 4 min

“Une bonne équipe est une équipe qui sait pourquoi elle existe.”, Guillaume Gille, Champion Olympique de Handball et entraîneur de l’équipe de France

Entretien avec Guillaume Gille. En amont de sa participation à la prochaine édition des Sommets, qui auront lieu à Annecy  du 28 au 30 mars *, dont INfluencia est partenaire, il nous livre quelques-unes de ses réflexions sur le sport, le leadership, la notion d’équipe et la vie, aussi.
handball

Guillaume Gille est né dans la Drome il y a 45 ans. Petit, il s’est passionné de handball. ll a continué, jusqu’à devenir, plusieurs fois, champion d’Europe, champion du monde et champion Olympique. Puis il est passé de l’autre côté, devenant entraineur et sélectionneur. Au sein de son ancien club savoyard d’abord, puis au sein de l’Equipe de France, à un moment où celle-ci n’était pas au sommet de sa gloire. Quelques mois plus tard pourtant, en aout 2021, l’équipe de France de hand redevenait championne Olympique. Bref, Guillaume Gille a l’habitude de gagner.

 

Sophie Guignard : Vous avez été à la fois joueur, entraineur et sélectionneur: pour vous, qu’est-ce qu’une bonne équipe ?

Guillaume Gille : Une bonne équipe, pour moi, est une équipe qui sait pourquoi elle existe. C’est un groupe d’individus qui partagent une communauté de destins et de projets. Si une équipe n’a pas de projet, elle ne vaut pas plus qu’un projet qui n’a pas d’équipe.

 

S.G. : Y’a t-il eu dans votre carrière d’entraineur des joueurs qui n’arrivaient pas à s’inscrire dans cette dynamique d’équipe ?

G.G. : Oui, il y a toujours des joueurs qu’il faut parfois recadrer, à qui il faut rappeler qu’ils sont là pour servir un objectif plus grand qu’eux. Tous les athlètes ont des motivations personnelles, c’est normal. Mais ils doivent pouvoir s’inscrire dans le projet de l’équipe.

 

S.G. : Comment faites-vous pour les « recadrer » et replacer le collectif au-dessus de l’individualisme ?

G.G. : Il faut, justement, commencer par leurs motivations individuelles. Personnellement, je vais d’abord les faire parler d’eux, de leurs talents, de leur valeur. Autrement dit tout ce pour quoi nous les avons choisis. Il faut arriver à valoriser les joueurs individuellement, avant de leur rappeler que l’équipe a besoin de leur talent spécifique. Chaque joueur a quelque chose d’unique, qui fait de lui une pièce maitresse du jeu collectif.

L’autre chose qu’on essaie de leur faire comprendre, c’est que ce qu’ils vivront collectivement sera beaucoup plus fort que leur joie individuelle.

 

S.G. : La pression juste avant un match à enjeu doit être folle. Avez-vous une manière de la canaliser, ou la limiter ?

G.G. : Il faut comprendre que pour un joueur, chaque match est quasiment une histoire de vie ou de mort. A chaque fois qu’on enfile notre maillot, c’est comme si on rejouait tout. Plus rien n’existe autour de nous, la seule chose qui compte est de savoir si nous sommes au rendez-vous. En tant que coach, dans ces moments, j’essaie aussi de rappeler aux joueurs que c’est un privilège immense que de vivre ces moments-là.

 

S.G. : C’était cela, votre moteur pour jouer à ce niveau: l’adrénaline, le privilège de vivre ces moments d’intensité extraordinaire ?

G.G. : A l’origine, mon moteur était individuel. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller, repousser mes limites. Je ne baignais pas dans une culture du haut-niveau. Le hand me plaisait, mais je n’avais pas envie ou besoin de formuler des objectifs ambitieux pour continuer à me donner à fond. Et puis on parle d’un temps où le sport n’était pas aussi professionnel que maintenant, c’était avant tout un plaisir. Maintenant que c’est une carrière, et que cela demande tellement de sacrifices, les jeunes se fixent des objectifs ambitieux très tôt.

S.G. : Les joueurs que vous sélectionnez aujourd’hui ont-ils tous grandi avec le rêve de devenir champions de handball ?

G.G. : Non, pas tous. Aujourd’hui, dans l’équipe, mes deux tours jumelles en défense sont tous deux des transfuges: l’un d’eux a fait du BMX jusqu’à ses 15 ans et demi, l’autre a fait du tennis jusqu’à 17 ans. Malgré cela, ils sont tous les deux en équipe de France de hand! S’il n’y avait qu’une manière d’arriver au plus haut niveau, ça se saurait. La diversité des parcours et des histoires est souvent une richesse.

 

S.G. : La diversité des profils est-elle quelque chose que vous recherchez ?

G.G. : Plus que la diversité des profils, je recherche la diversité et la synergie des talents: je veux des talents variés, et des talents qui se connectent. Peu importe d’où ils viennent. C’est certain qu’avoir des joueurs qui ont vu d’autres choses, qui ont réfléchi à autre chose, et qui, de manière générale, sont équilibrés constitue un énorme avantage. Le hand demande beaucoup de maturité et d’intelligence. Tout ce qui peut favoriser cela est précieux.

 

S.G. : Quelle marge de manoeuvre laisses-vous à vos joueurs en terme de décisions ?

G.G. : En tant que coach, j’essaie de les responsabiliser. Bien sûr, c’est le coach qui a la responsabilité finale du résultat, mais les athlètes doivent être capables d’assumer leur part. C’est la raison pour laquelle il me semble important de les laisser proposer des choses ou de les laisser contester des décisions qu’ils ne jugeraient pas bonnes.

Il y a des moments, dans la construction d’un match, où le coach doit donner une direction claire, où c’est cela qui est attendu de lui. Et puis il y a des moments où il doit savoir écouter et mettre les joueurs à contribution dans l’élaboration de la stratégie.

 

S.G. : La technologie est de plus en plus utilisée dans les sports collectifs. Quel est son rôle dans votre processus de décision ?

G.G. : La technologie prend en effet une importance de plus en plus grande dans nos réflexions et décisions, même si nous en connaissons les limites et n’utilisons donc pas tous les outils qu’elle propose. Mais nous avons par exemple beaucoup recours aux statistiques. Par exemple, on demande désormais aux joueurs d’évaluer leur ressenti physique après les matchs, puis les résultats viennent alimenter un algorithme qui permet de déterminer le bon dosage d’entrainement pour chacun d’entre eux.

Avec l’évolution du tracking vidéos, on arrive aussi à générer des sortes de fiches d’identité des joueurs. En fonction de ces profils, on peut essayer d’optimiser leur placement sur le terrain. Et puis ces données nous apprennent beaucoup sur les capacités et le fonctionnement de chaque joueur. Et pas seulement physiquement.

 

S.G. : C’est à dire ?

G.G. : C’est un peu comme si on disait : « montre-moi comment tu bouges et je te dirai qui tu es ». Notre façon de nous mouvoir en dit énormément sur nous. Nous avons profilé tous nos joueurs grâce à un outil développé par une boite en Suisse. Nous avons une fiche d’identité de chacun d’eux. Cette fiche ne nous dit pas tout sur eux, évidemment, mais c’est un complément d’informations que nous utilisons beaucoup, qui vient s’ajouter à ce que nous connaissons et observons de l’évolution des joueurs.

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