INfluencia : Avez-vous été surpris des forts taux d’abonnés suspicieux chez les méga-influenceurs basés à Dubaï ?
Nick Baklanov : Pas du tout. Un influenceur sur Instagram a en moyenne entre 20% et 24% d’abonnés suspicieux dans sa communauté. Il peut s’agir de faux followers ou de bots que les leaders d’opinion achètent afin de gonfler leur taux d’engagementmais aussi de faux comptes et de spams de marques qui utilisent lessections commentaires pour faire de la publicité gratuite.
IN : Comment les influenceurs font-ils pour gonfler artificiellement le nombre de leurs followers ?
N. B. : Ils les achètent, tout simplement… Il existe sur internet des centaines de sociétés qui vous permettent d’acheter des abonnés, des likes ou des commentaires. Les trouver est un jeu d’enfant car Google diffuse leurs publicités sur son moteur de recherche. Le nom officiel de ces prestataires de service est « Social Media Marketing Panel » ou SMM pour faire plus court et leurs tarifs sont très bas. Allons sur un de ces sites… Vous voyez ? Vous pouvez acheter 1000 followers pour… 12 cents. 1000 abonnés basés dans un pays en particulier vous coûteront 2 dollars. Pour 1000 likes, vous devez débourser 10 cents. Le prix monte à 32 cents pour 1000 commentaires certifiés. Tous ces comptes et ces opérations sont générés automatiquement par des robots. Mais attention, tricher n’est pas aussi simple qu’il y paraît…
IN : Qu’entendez-vous par là ?
N. B. : Si le nombre de vos abonnés bondi d’un coup ou si un post comprend un nombre anormalement élevé de « likes » par rapport aux autres messages, les plateformes et les marques vont vite s’apercevoir que vous trichez. En règle générale, 60% à 70% des followers achetés sont éliminés par les plateformes au bout de trois ou quatre semaines.
IN : Les « tricheurs » sont plus nombreux sur Instagram que sur les autres plateformes ?
N. B. : Sans aucun doute. Instagram est aujourd’hui encore la plateforme qui est le plus utilisée pour le marketing d’influence et les spécialistes de ce secteur se basent encore souvent sur la taille des communautés pour choisir un influenceur plutôt qu’un autre. Sur TikTok qui fonctionne sur le modèle des recommandations entre internautes, une vidéo peut devenir virale même si elle est diffusée par une personne qui a peu d’abonnés car le « bouche-à-oreille » fonctionne à plein parmi les « viewers ».
IN : La proportion d’abonnés suspicieux sur Insta n’est donc pas prête de se réduire dans les années à venir…
N. B. : Au contraire et cela commence déjà à se produire. Depuis trois ans, la proportion d’abonnés suspicieux sur Instagram se réduit peu à peu. Les plateformes et les marques font en effet de plus en plus attention à vérifier l’authenticité des communautés des influenceurs. S’il y a tout juste cinq ans de cela, les annonceurs se basaient uniquement sur le nombre de followers, ils disposent aujourd’hui de nombreux autres indicateurs qui leur permettent d’analyser l’impact réel d’un leader d’opinion sur ses abonnés. Et beaucoup de marques se préoccupent davantage de la qualité des contenus publiés par un influenceur afin de les diffuser sur leurs propres réseaux plutôt que de la taille de sa communauté.
IN : Certaines marques ne cherchent-elles pas à se faire passer pour des abonnés afin de diffuser leurs publicités gratuitement et tout à fait illégalement ?
N. B. : Les grandes marques ne prennent pas ce risque car elles tiennent à préserver leur réputation. Certaines start-ups et de nombreux sites pornos ou de jeux en ligne ne se privent pas, par contre, de se faire passer pour des followers pour diffuser leurs messages.