Après 30 années de luttes pour faire disparaître les mines antipersonnel de l’arsenal américain, Donald Trump a annoncé leur re-commercialisation en vue des futurs conflits armés. Un retour en arrière sans précédent et meurtrier pour les populations civiles en zone de guerre. Handicap International hausse le ton.
En genèse de tout conflit armé se pose le critère de proportionnalité, immuable au sein du droit international. Il affirme que, pour être juste, une action ne doit pas causer davantage de dommages que ceux causés par la situation à laquelle elle entend remédier. Elle doit donc produire davantage de bien que de mal, en prenant en compte ses éventuels dommages collatéraux. Un principe -qui devrait être- consensuel car d’une logique implacable : si les intervenants veulent pouvoir se différencier des génocidaires, si les policiers veulent pouvoir se différencier des criminels, ils ne doivent pas bafouer le droit et les principes moraux dans le but de les protéger -coucou l’IGPN-. Mais un principe profondément intuitionniste, qui relève de la subjectivité des chef.fe.s de guerre. Chacun.e a son propre code moral après tout… Même les plus abjects.
Alors que les États-Unis avaient stoppé la production et l’acquisition de mines antipersonnel depuis 2014, Donald Trump a annoncé le 31 janvier dernier la réintroduction dans l’arsenal américain des mines dites « intelligentes ». Un retour en arrière sans précédent pour la protection des populations civiles en zone de conflit. Pour empêcher les Etats-Unis d’utiliser à nouveau ces armes d’un autre temps, HI -Handicap International- alerte l’opinion publique en revisitant un jeu vidéo lui aussi sorti des abîmes : le démineur -Minesweeper, dans la langue de Kathryn Bigelow-, en l’occurence Minesweepers VS U.S administration. Une oeuvre rétro au possible, développée par l’agence La Chose, pour dénoncer ces pratiques criminelles et appeler les citoyens du monde à signer une pétition internationale visant à les interdire. Symbole d’une époque révolue, ce jeu a été lancé le 27 juin 2020, 6 ans jour pour jour après les mesures prises par Barack Obama. Let’s play !
30 années de luttes
En 1997, l’adoption du Traité d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel avait marqué une véritable victoire contre ces armes qui tuent à l’aveugle. Aujourd’hui, les États-Unis sont encore l’un des rares pays à ne pas y avoir adhéré. Cependant, depuis près de 30 ans, le pays s’abstenait de les utiliser ou de les commercialiser. Un pas de plus avait été franchi, quand le 27 juin 2014, le gouvernement Obama avaient annoncé officiellement qu’il ne fabriquerait plus de mines antipersonnel, et qu’ils chercheraient à adhérer au traité international d’Ottawa.
L’annonce de Donald Trump a donc marqué un recul majeur dans la lutte contre ces mesures passéistes. En 2018, parmi les 6 897 victimes de mines dénombrées, seules 332 personnes étaient victimes de mines dites conventionnelles. La relance de la production et de l’utilisation de mines dites « intelligentes » pourrait aujourd’hui faire repartir ce chiffre à la hausse sans compter les victimes de mines artisanales qui elles, ne cessent de croitre.
« C’est une décision irresponsable. La seule mine intelligente c’est celle qui n’existe pas », s’alarme Emmanuel Sauvage, directeur de la Réduction de la Violence armée de HI. « Il n’est pas imaginable qu’après plus de 20 ans de combats et de victoires contre ces armes infâmes, le marché de la mine soit relancé ! Nous refusons de connaitre à nouveau le scénario des années 90 avec plus de 20 000 victimes annuelles. Le Traité d’Ottawa était né d’une mobilisation citoyenne unique et historique pour l’époque. Aujourd’hui, cette mobilisation doit continuer à faire bouger les lignes car c’est notre seule arme ! »
Back to the past, volume 2
Ce choix du président américain révèle une nostalgie nauséabonde de ces guerres « à l’ancienne », où tous les moyens étaient légitimes pour arriver à ses fins, et nous renvoie au bon temps de la seconde guerre mondiale. Voire à celui de la guerre de sécession, tant Donald Trump ne cesse de dépoussiérer des tactiques martiales rangées aux oubliettes de l’histoire. Le 2 juin dernier, « l’agent orange » avait ainsi invoqué l’Insurrection Act, une loi fédérale datant de 1807 qui autorise le déploiement de l’armée dans n’importe quelle partie du territoire si « une ville ou un état refuse de prendre les décisions nécessaires pour défendre la vie et les biens de ses résidents ». Un dispositif qui avait donc lancé la guerre civile au milieu du XIXème siècle, aujourd’hui brandi pour mettre au pas un mouvement de protestation -certes embrasé- contre les violences policières. Mais cette menace disproportionnée s’est heureusement heurtée à l’opposition de nombreux militaires de haut rang, jusqu’au big boss du Pentagone, Mark Esper. On est loin des médias « fake news », ou des « démocrates d’extrême gauche », pour reprendre sa rhétorique. Ce dernier a justement déclaré qu’en « tant que secrétaire à la Défense, mais aussi en tant qu’ancien soldat et ancien membre de la Garde nationale, j’estime que l’option de recourir à l’armée d’active dans un rôle de maintien de l’ordre ne devrait être utilisée qu’en dernier ressort et uniquement dans les situations les plus urgentes et les plus graves. Nous ne sommes pas dans l’une de ces situations pour le moment ». Qui sait, il est peut être temps de déterrer une autre tactique old school. Comment dit-on « putsch » et « transition démocratique » en anglais ?