INfluencia : quel insight vous a poussé à engager vos équipes sur le champ – au sens large – de la santé mentale ?
Alexandre Delpérier : je dis souvent qu’il faut être à l’écoute de notre société, à la fois sur les réseaux et au-delà des écrans. Ce faisant, nous avons réalisé que tout ce qui touche à notre santé mentale, à notre fragilité, tous ces sujets tabous que les anciennes générations n’abordaient jamais… on en parle aujourd’hui beaucoup plus librement. On a tous des failles et nous n’avons plus peur de les reconnaître. Nous exprimer nous permet de nous alléger l’esprit, d’être plus performant et in fine plus heureux. Ensuite, le digital nous permettait de travailler plus librement, sans une grille des programmes strict qui vous impose de passer tous les jours tel contenu, à telle heure. J’ai donc simplement demandé à mon programmateur de trouver des gens qui correspondaient aux thématiques que nous avions identifiées. Il est revenu vers moi avec une liste impressionnante d’interlocuteurs potentiels et on a commencé à tourner pendant le mois d’août. Pour ne pas vous mentir, cela a été un choc. À chaque tournage je prenais une claque phénoménale car les témoignages sont profondément inspirants. On a tous nos problèmes mais en écoutant ces personnes, on se rend compte qu’il y a bien plus grave dans la vie. C’est la clé de notre succès mais pour tout vous dire, j’en suis le premier étonné. On s’attendait à ce que nos contenus trouvent leur public mais pas à cette échelle. La plus-part de nos vidéos atteignent le million de visionnage en à peine 24h est c’est tout simplement délirant. Alors évidemment le casting est essentiel… mais les formats aussi et je suis très fier du résultat.
INfluencia : et pourquoi maintenant ? Le projet était-il dans les tuyaux depuis longtemps ?
Alexandre Delpérier : le timing est un peu dû au hasard. Deux des quatre formats étaient déjà en gestation… puis un troisième nous est venu en tête… et finalement nous avons décidé de tout diffuser au même moment. Maintenant, pourquoi le faire à la rentrée ? Traditionnellement, les médias « dominants » communiquent massivement pendant l’été donc nous avons préféré attendre le bon moment pour ne pas nous noyer dans la masse. La preuve en est, quand j’ai posté sur mon profil Linkedin, ce que je ne fais jamais, la vidéo d’Olivier Goy, l’un de nos derniers invités atteint de la maladie Charcot, j’ai obtenu quasiment 150 000 impressions. La Croix Rouge l’a même relayé sur sa page officielle et la vidéo a fini par totaliser 2,4 millions de vues en cinq jours ! Autant d’exemples qui prouvent que notre société actuelle, qui est d’une immense fragilité, s’interroge énormément et a besoin qu’on lui apporte les réponses.
IN. : comment s’organise votre réflexion en interne au moment de vouloir enrichir votre ligne éditoriale ?
A.D. : cela vient autant de moi que de mes collègues. Comme je vous le disais, on écoute ce qui se passe autour de nous, on brainstorme et on identifie. J’ai toujours été très à l’écoute des gens. Au sein même de mes équipes, de ma famille même, j’ai pu constater certaines des fragilités que l’on a ensuite traitées dans nos programmes. On a tous réalisé que la parole se libérait. De ce constat nait une prise de décision. On l’assume… et on y va franco afin d’inspirer tout le monde, notre audience comme les autres médias. Konbini, par exemple, a fait un sujet sur l’un de nos cas un mois après la diffusion de notre vidéo et nous en étions super fiers.
IN. : au-delà des grosses audiences que vos contenus génèrent, est-il « casse gueule » de communiquer sur ces sujets sans être taxer d’ethical washing par les mauvaises langues ?
A.D. : je vais vous dire, je me fiche complétement de que disent les mauvaises langues. En revanche, je vois tous les retours positifs des personnes que l’on interview et de notre audience. J’ai même envie de vous dire, c’est notre mission sociétale que de traiter ces sujets et la plus grande des satisfactions et de lire tous les commentaires des internautes qui nous remercient.
IN. : un rapport récent de l’Arcom stipule que la représentation en TV des personnes en situation de handicap n’atteint que difficilement les 0,8% alors même qu’elles représentent 20% de la population française. Avez-vous le sentiment que la situation est un peu plus « glorieuse » sur internet ?
A.D. : honnêtement je ne peux pas vous répondre car je ne suis pas quelqu’un qui regarde dans l’assiette du voisin (rire). J’ai eu l’occasion de beaucoup bosser en télé et en radio dans ma carrière et je ne veux pas scier la branche sur laquelle j’étais longtemps assis. Nous répondons a eu besoin identifié, après ce que font les autres… je ne sais pas. Si demain notre succès, dû à la qualité de notre contenu et/ou aux retombées presse comme votre article, pousse le patron de je ne sais pas quel media à se dire « ah mais je veux traiter ce sujet ! », c’est tant mieux. On voyant nos contenus d’un œil extérieur, on peut être amené à se dire « je suis à des années lumières de ce que cette personne traverse ». Mais c’est tout le contraire. Nous sommes, bien sûr, des privilégiés, mais ces témoignages réveillent en nous d’autres choses, font naitre des questionnements que peut-être nous n’avions même pas identifié jusque là, et c’est là où la magie opère. Comme le dit Olivier Goy, malheureusement on va tous mourir. Mais d’ici là, nous avons des choses merveilleuses à vivre.