21 mars 2012

Temps de lecture : 2 min

Toulouse, le cygne noir

Avec le drame de Toulouse, on ne peut qu’être marqué par le sentiment de vivre une période «étrange». La tragédie est à l’ordre du jour. Elle est inacceptable et tellement improbable. Mais surtout un vrai flou entre événements, fiction et réalité se fait parfois sentir.

Le sentiment de vivre une période étrange est accéléré et suscité par la diffusion d’images incroyables et choquantes. Le 11 septembre, le tsunami japonais et maintenant la tuerie de Toulouse: tous ces événements qui n’ont rien à voir sont pourtant arrivés ces dernières années. Tous sont aussi improbables, impensables, étranges, choquants qu’inattendus. Mais au-delà de leur imprévisibilité, ils ressemblent à des scènes de fictions. Ce sont des «Black Swans», des «cygnes noirs».

L’économiste libano-américain Nassim Nicholas Taleb a développé une théorie sur le rôle de l’imprévu et le potentiel d’étonnement généré par des situations, des accidents, des événements totalement imprévisibles. Il a énoncé ce concept dans son livre Le Cygne Noir (Black Swan)  ,un des livres décrit par le magazine britannique Sunday Times comme un des ouvrages les plus influents depuis 1945. Dans cet essai, Taleb se base sur le fait que nous déduisons toujours qu’une chose est impossible si nous ne la voyons pas. Par l’observation nous pensons que les cygnes sont blancs, jusqu’à ce qu’un cygne noir apparaisse et remette totalement en cause notre perception du monde. Mais rien ne nous permettait d’imaginer qu’une telle créature existât.

Pour l’économiste, l’apparition d’Internet, la première Guerre Mondiale et les attentats du 11 septembre 2001 sont des cygnes noirs.Taleb avait ainsi «prévu» la crise économique de 2009 en critiquant les méthodes de régulation économiques ne se basant que sur l’observation et la réaction par rapport à des événements s’étant déjà produits, excluant totalement l’improbable. Il y a toujours eu des événements improbables, mais jamais dans l’histoire de l’humanité notre capacité à les diffuser et à en faire des histoires nous touchant profondément n’a été aussi forte. On reconnaît un cygne noir à plusieurs critères : il s’agit d’un événement fortement improbable, aux très fortes conséquences, qui nous touche puissamment et pour lequel nous allons essayer de trouver des raisons logiques, alors qu’il n’y en a pas forcément.

La tuerie de Toulouse fait partie de cette catégorie. Cet événement fait penser au pire de la fiction, au plus vil des scénarios. Celui où l’on tue des enfants, qui est toujours improbable à la télévision. Ces événements font partie de ceux qui marquent durablement. Et qui font l’opinion.

Je l’avais évoqué dans mon livre « Ren@issance Mythologique » : l’époque est à l’étrangeté. Des Black Swans arriveront plus fréquemment et nous toucherons de plus en plus, en ce que le potentiel d’émotion démultiplié par les nouvelles technologies et le digital crée une caisse de résonance de plus en plus puissante. Le sentiment d’étrangeté va s’accélérer grâce aux moyens de communication offerts à l’homme. Mais avant tout, n’oublions pas que notre potentiel d’étonnement n’a de miroir que le visage de nos plus vils instincts. Tout est possible, même le pire. N’oublions pas que nous sommes des hommes.

Thomas Jamet – NEWCAST – Directeur Général / Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
www.twitter.com/tomnever

Thomas Jamet est l’auteur de « Ren@issance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur). Préface de Michel Maffesoli.

 

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