L’engouement pour TikTok ne fait plus l’ombre d’un doute : des millions de vidéos sont publiées chaque jour. TikTok est l’application mobile du moment chez les jeunes et notamment les adolescents séduits par ses formats courts, musicaux et souvent humoristiques. En France, 45% des moins de 13 ans déclarent utiliser TikTok*. Suite au confinement, TikTok a même dépassé la barre des deux milliards de téléchargements. Sur TikTok, on se met en scène, on se regarde, on joue, on like. Mais depuis quelques temps, à côté des vidéos plutôt ludiques, bienveillantes ou gentillettes, se développent d’autres types de contenus.
D’un côté, une glamourisation de la violence…
Plusieurs challenges sont apparus ces derniers mois visant à mettre en scène des situations ou des actes violents, romancés et avec une volonté d’esthétisation décomplexée. Ainsi le mugshot challenge, apparu en début d’année, consiste à imiter les fameux mugshots de garde à vue aux USA. Les adeptes de ce challenge se mettent en scène pour prendre l’apparence de détenus. La pratique fait polémique dans le sens où elle valorise la violence et l’incarcération et les rend désirables aux yeux de ses pairs**. Autre challenge en vogue ces dernières semaines, au moment où les violences conjugales et féminicides font toujours plus de victimes : « le point de vue du petit ami fou ou ex-copain psychopathe ». Il s’agit de jouer le rôle d’un ex jaloux et violent. Ici, ce sont les relations abusives qui sont mises en scène et romancées. Ces challenges ont la même finalité : recueillir le plus de likes possibles en mettant en scène et esthétisant la violence, de manière impactante et émotionnelle.
… De l’autre, dénonciation et militantisme
Parallèlement, et aux antipodes de ces constructions fantasmées, se dessine une autre tendance. Dans la lignée du mouvement #Metoo, les prises de parole des jeunes se multiplient pour témoigner et dénoncer la violence faite aux femmes. Sous le hashtag #Vousnenousferezplustaire, des jeunes filles racontent les violences sexuelles qu’elles ont subies et nomment ouvertement leur agresseur. Là aussi, la mise en scène est de rigueur : la même musique est systématiquement utilisée, les vêtements portés le jour de l’agression sont montrés. Le témoignage et la dénonciation sont orchestrés avec la volonté de porter un message d’espoir et de libérer la parole. Contre le racisme et les violences policières, les jeunes sont également en première ligne. Depuis la création du hashtag #Blacklivesmatter, les vidéos évoquant le mouvement cumulent plus de 13 milliards de vues et les challenges visant à dénoncer les inégalités raciales se multiplient, à l’instar de « Check your privilege », destiné à mettre en lumière les différences de traitement quotidiennes en fonction de la couleur de peau.
L’expression d’une société plurielle
Ces challenges et prises de parole très différents incarnent deux grands courants sociétaux en tension : d’une part la mise en scène de soi et la course aux likes (#je suis une marque), et d’autre part la résistance et l’engagement en faveur d’un nouveau modèle de société, plus respectueux et égalitaire (#inclusion#reliance). Ils sont l’expression de notre société plurielle, empreinte de paradoxes.
Un nouveau territoire pour les marques mais quelle stratégie adopter ?
De plus en plus de marques sont présentes sur TikTok. Elles ont bien compris l’intérêt des jeunes pour la mise en scène, le ludisme et la créativité, et leur proposent des challenges amusants, à l’instar de McDonald’s qui, via le #mcdonaldscelebrationdance, invite les TikTokeurs à réaliser une danse pour célébrer leur joie de manger McDo, ou encore Undiz qui, avec le challenge #FUNDIZFAIR, les invite à faire le signe avec les mains « UZ » et passer d’une tenue classique à une combinaison Undiz… De la mise en scène, du fun, pour engager les jeunes et renforcer le lien à la marque. D’autres marques, plus rares, ont perçu qu’au-delà de la mise en scène et du jeu, TikTok regroupe une communauté grandissante de personnes sensibles aux enjeux sociétaux, prêtes à s’engager. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le journal Le Monde a décidé d’être présent sur TikTok. L’apparition de ces nouveaux types de contenus… sur TikTok devrait amener les marques à se questionner sur le sens qu’elles souhaitent donner à leur présence sur l’application et le rôle qu’elles veulent ou doivent avoir. Doivent-elles prendre position et (dé)montrer leur engagement en faveur d’une société plus respectueuse et égalitaire ? Au-delà du ludisme qui prévaut aujourd’hui, il y a sans doute là matière à penser leur stratégie pour adresser ces jeunes dans leur pluralité.
Sources :
*- Agence Heaven #BornSocial, 2019)
1 (https://arts.konbini.com/instagram/le-mugshot-challenge-nest-en-rien-cool-et-glamourise-la-violence).
2 https://www.vice.com/fr/article/v7458j/les-e-boys-et-la-sordide-promotion-des-violences-conjugales-sur-tiktok).