Si la génération actuelle est sans doute la plus sédentaire de notre histoire, les marques, quelles qu’elles soient, ne sont pas les seules responsables. Et elles ont de la chance : l’écosystème publicitaire d’aujourd’hui peut même servir de balancier à condition que l’introspection soit assumée et intelligente.
» Le risque de créer une génération de futurs cardiaques hypertendus, particulièrement exposée aux risques cardiovasculaires est réel « . Le constat angoissant date de 2016. Il émanait de la professeure, Claire Mounier-Vehier, cardiologue et présidente de la Fédération française de cardiologie. La FFC venait alors de relayer une étude australienne sur laquelle les médias généralistes français se sont rués pour tirer la sonnette d’alarme, non sans une certaine hypocrisie. En 40 ans, les enfants auraient donc perdu près de 25% de leurs capacités cardio-vasculaires et moins d’un sur deux respecte les 60 minutes d’activité physique quotidienne recommandées par l’Organisation mondial de la santé. Pour la communauté médicale, le coupable est tout trouvé : les écrans, sous toutes leurs formes. Derrière le support, qui est à blâmer ? Les réseaux sociaux ? Oui. Les géants du web ? Aussi. La pub ? Egalement. Les fabricants de smartphones, de tablettes et de TV connectées ? Carrément. La réalité virtuelle et augmentée ? Bien sûr. Les parents ? Evidemment. Avec son évènement baptisé, « Playground », organisé à Paris les 17 et 18 octobre, l’ONG PLAY International a préféré se concentrer sur les remèdes que sur les maux culturels et structurels de cette dangereuse sédentarisation générationnelle.
Décrite comme une action collective mise en place pour apporter de nouvelles réponses à un enjeu majeur de santé et de société, le Playground a rassemblé, pendant deux jours, 600 enfants et 230 professionnels de l’éducation et sportifs de haut niveau. Tous ont participé aux 18 ateliers de sensibilisation d’une opération censée aussi promouvoir le programme « Playdagogie école active ». Soutenu par l’Université Paris Descartes, l’USEP et également Nike, ce kit pédagogique éveillant les enfants aux bienfaits d’un mode de vie actif et sain bénéficie aujourd’hui à plus de 1000 enfants dans les écoles élémentaires de région parisienne. La participation de la marque au swoosh pose une vraie double question publicitaire : devant un défaut de société, la marque qui apporte une réponse doit-elle exacerber sa valeur servicielle et pratique ? Et la marque qui consolide le problème peut-elle prendre le risque marketing du double jeu en équilibrant le moins par du plus ?
Ces interrogations d’annonceurs et de pubards valent aussi pour d’autres maux inhérents au fonctionnement même de notre système économique, social et culturel : le réchauffement climatique, la santé, la malbouffe, la surconsommation, les déséquilibres sociaux et familiaux. La réponse est d’abord morale, elle ne peut venir que d’une sincère introspection. Bien assumée et appréhendée -le planeur stratégique est payé pour cela, non ?- elle n’est pas forcément antinomique d’une réussite marketing. Au contraire, c’est ce qu’attend ce fameux citoyen consommateur engagé, analysé étude après étude. Mais encore faut-il prendre le pouls sans faire l’autruche. Selon le CSA, les 4 à 10 ans passent deux heures par jour à regarder la TV ou jouer au jeu vidéo. En Grande Bretagne d’après le British Medicine Journal, ils sont en moyenne trois heures par jour devant des écrans, et jusqu’à six heures le week-end pour les adolescents. Si la génération actuelle est sans doute la plus inactive de notre histoire, toutes les marques et agences qui amplifient ce phénomène pour des raisons marketing et commerciales évidentes sont coupables. Doivent-elles revoir leur copie sans non plus se renier ? Oui. Le vrai défi qui les attend est de savoir comment.
La surconsommation d’écrans est nocive à long terme
» C’est un phénomène culturel, qui a entraîné une modification progressive des comportements, surtout ces vingt dernières années : les enfants mangent plus, et plus mal, avec une alimentation plus riche en gras, en sel et en sucre, et ils se dépensent moins « , analysait l’an passé Claire Mounier-Vehier dans 20 Minutes » Lorsqu’ils sont sensibilisés à cette problématique, les enfants sont très réceptifs et sont de formidables vecteurs de ces bonnes pratiques, qu’ils rapportent à la maison. Cela relance les bons comportements au sein des familles. Il faut leur redonner le goût de bouger en famille, de faire du sport en groupe, ce qui est bon tant pour la santé physique que pour le moral. Contrairement aux écrans, dont la surconsommation multiplie à long terme les risques de dépression et d’addiction au tabac et à la malbouffe « .
Pour David Blough, directeur exécutif de PLAY International : » les conséquences désastreuses de l’inactivité physique des Français sont tout aussi importantes que les bénéfices que notre société pourraient tirer d’une pratique plus régulière de ces activités. La proportion des adultes (plus de 15 ans) suffisamment actifs positionne la France en bout de peloton face au reste des pays européens. L’augmentation constante de la sédentarité place cette dernière en quatrième position parmi les facteurs de mortalités dans le monde. Ce diagnostic révèle l’urgence d’inverser cette tendance et de remettre les enfants en activité de façon durable, régulière et intelligente. Il n’existe pas de responsabilités ou de solutions uniques. Les pouvoirs publics, les collectivités, les acteurs de terrain et les entreprises doivent agir de concert et prendre le sujet à bras le corps « .
Il cite alors la plateforme » Design to Move » initiée par Nike avec de nombreux partenaires tels que la Fédération Internationale d’Education Physique comme » un cadre d’action collectif dont il faut se saisir « . La tagline de la plateforme de l’équipementier sportif, leader mondial, résume le challenge qui attend toutes les marques : » La génération actuelle pourrait être la première à avoir une espérance de vie plus courte que la précédente. Faisons en sorte de changer cela « .