7 juin 2016

Temps de lecture : 3 min

« La technologie est à son meilleur quand elle augmente notre humanité »

Après avoir co-fondé GeoLoqi, Amber Case, « cyborg anthropologue » et designer, est devenue depuis quelques années une des meilleures spécialistes du design d’expérience et de l’évolution des relations entre l’homme et la technologie. Elle interviendra le 7 juillet à {dive} : event, manifestation dont INfluencia est le partenaire média français. Rencontre avec une influenceuse qui prêche pour une approche plus sereine de la technologie.

Après avoir co-fondé GeoLoqi, Amber Case, « cyborg anthropologue » et designer, est devenue depuis quelques années une des meilleures spécialistes du design d’expérience et de l’évolution des relations entre l’homme et la technologie. Elle interviendra le 7 juillet à {dive} : event, manifestation dont INfluencia est le partenaire média français. Rencontre avec une influenceuse qui prêche pour une approche plus sereine de la technologie.

INfluencia : en quoi consiste la journée type d’une « cyborg anthropologue » ?

Amber Case : une cyborg anthropologue s’intéresse à la façon dont la technologie et les outils affectent notre culture dans la durée. Aujourd’hui, nous avons des terminaux plein nos poches, qui « pleurent » et nous interrompent tout le temps. Nous en prenons soin, nous les nourrissons avec de l’électricité, nous devons les protéger dans des housses et nous faisons attention à ne pas les faire tomber. Les téléphones portables sont souvent la première chose que nous prenons au réveil et parfois le dernier objet que nous touchons avant de nous endormir. Comment modifient-ils notre identité, notre travail, nos divertissements, notre vie privée ou notre sécurité ? Voilà les questions auxquelles je m’intéresse.

IN : quelles évolutions majeures avez-vous notées depuis 10 ans ?

A.C. : dans le domaine de l’expérience utilisateur, le changement le plus marquant est l’apparition des « use anywhere devices », des terminaux utilisables partout, téléphones ou écrans. L’augmentation de la durée de vie des batteries, les réseaux cellulaires et la création des app stores nous permettent de faire énormément de nouvelles choses avec ces terminaux, mais beaucoup d’entreprises continuent de les concevoir comme s’il s’agissait de votre bureau d’ordinateur, votre « desktop ». Comme l’a si bien écrit Marc Weiser, un des célèbres chercheurs du PARC*, «  The World is not a Desktop ». Nous ne pouvons pas interagir avec le monde de la même manière qu’avec un ordinateur de bureau. Nous devons designer la technologie de manière à ce qu’elle ne capte pas toute notre attention, juste une partie, et seulement quand c’est nécessaire.

IN : comment vous êtes-vous intéressée à la théorie de « Technologie tranquille » ?

A.C. : le concept de « Calm technology » ou technologie tranquille a été proposé pour la première fois par les chercheurs américains Mark Weiser et John Seely Brown de PARC Research, au milieu des années 80-90 en Californie. Ils ont imaginé un monde dans lequel la technologie devenait tellement peu chère qu’elle supplanterait largement en nombre les hommes sur terre. Et donc où la ressource la plus précieuse ne serait plus la technologie mais l’attention. La collaboration entre technologie et être humain -disparaissant ou réapparaissant selon le besoin humain- était un des aspects de cette nouvelle théorie. La technologie est à son meilleur quand elle augmente notre humanité et nous permet de faire une tâche, pas quand elle nous interrompt et nous perturbe.

Mark Weiser est mort brutalement en 1999. Il n’a pas eu la chance de voir notre époque et la réalisation de toutes ses idées. Quand j’ai découvert son travail, il y a 10 ans, j’ai trouvé qu’il nous fallait encore plus de technologie tranquille au quotidien. Nous vivons dans un monde de technologie intrusive et cela ne va faire qu’empirer. Nous avons besoin d’un cadre pour améliorer ces interactions.

IN : quel type de feedbacks avez-vous des marques technologiques ?

A.C. : les marques techno savent bien que leurs clients peuvent les rejeter si elles les interrompent pour de mauvaises raisons. Beaucoup d’entreprises technologiques m’ont demandé de travailler avec elles pour évaluer leurs nouveaux produits et s’assurer que leurs designs n’étaient pas vecteurs d’interruption, qu’ils étaient agréables à vivre. J’ai ainsi été amenée à suggérer des styles différents d’alertes, de boutons ou d’interfaces pour différents objets. On dit souvent que le bon design, c’est de « retirer tout ce qu’on peut jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à retirer ». Un bon design vous permet d’atteindre votre but en un minimum de gestes. Une technologie tranquille vous amène à ce but avec un montant minimal d’attention mentale.

IN : quelles tendances émergentes observez-vous actuellement ?

A.C. : les collectifs artistiques et certains chercheurs posent souvent les bonnes questions sur les technos émergentes. Ils préfèrent jouer avec ce que la techno permet plutôt que d’essayer de la designer avec toutes les contraintes « sérieuses » d’une entreprise techno. Il y a beaucoup de pistes passionnantes d’interaction et d’innovation qui émergent de ces expérimentations. Je fais aussi beaucoup d’archéologie digitale sur Archive.org, les pages cachées de Google et les liens de vieux sites web. Nous vénérons tellement la nouveauté que nous oublions la richesse et les découvertes potentielles autour du passé. Pourtant ce qui est arrivé il y a 20-30 ans se reproduira à une échelle bien plus grande.

IN : qu’attendez-vous de votre participation à {dive} : event ?

A.C. : je suis très enthousiaste à l’idée de cette expérience, en raison de la diversité des personnes et des idées que je vais rencontrer. J’imagine cette journée comme la visite d’un musée où les oeuvres d’art seraient les individus eux-mêmes.

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