Maurice Lévy, Xavier Niel, et Martin Sorrell sont aux dires de Malene Rydahl auteure de l’ouvrage « Je te réponds… Moi non plus » ou « l’art de répondre et de comprendre les non-réponses à l’ère digitale » , les meilleurs « répondants » de la planète com et médias. Nous ne sommes malheureusement pas tous logés à la même enseigne…
C’est alors qu’elle décide de changer de vie il y a quatre ans que Malene Rydahl s’aperçoit à quel point elle est seule. De fait, son métier dans la communication en fait une professionnelle demandée, continuellement sollicitée. Mails, textos, appels, messages vocaux, dont elle se plaint comme d’une surcharge mentale, s’arrêtent d’atterrir sur ses divers supports de communication du jour au lendemain. De là à devenir paranoïaque ? Non, mais la question du sens, de la dépendance à ces multiples échanges disparus comme par enchantement l’ interroge sur la nature des relations humaines. De fait, son cercle se resserre immédiatement autour de la famille, et des amis (les vrais), Quant aux contacts professionnels, il faut croire qu’ils ne voient plus aucun intérêt à la joindre, y compris pour lui demander de ses nouvelles, de manière désintéressée, voire par sympathie. Malene Rydahl en a profité pour écrire ce livre « Je te réponds… Moi non plus » sur le terrible sentiment qui nous submerge lorsque nous sommes confrontés à « la non réponse » -personnelle ou professionnelle- celle de l’abandon.
Que produit la non-réponse d’autrui sur soi?
Bien avant que la supertechnologie ne s’empare de nos vies, en 1977, Roland Barthes démontre à quel point un simple appel téléphonique peut à l’époque nous enchainer près du téléphone fixe pendant des heures pour ne pas rater l’appel en question. Pour l’auteur de Fragments d’un discours amoureux, ce qui rend cette attente insupportable est la certitude d’être le seul à attendre. « Les gens autour de cette personne qui se sent niée, explique Malene Rydahl, la personne qui ne répond pas, tous les autres, sont épargnés. Seul demeure ce tumulte intime d’angoisse suscité par l’attente ».
La dépendance au sein maternel
Cette angoisse même qui d’après Sigmund Freud correspond à l’attente du sein maternel qui ne vient pas et que nous expérimentons pendant les premiers mois de notre vie. Faut-il être Freudien pour croire à cette thèse ? Une chose est sûre, un bébé, parce qu’il n’a pas les moyens de manger ou de boire tout seul, est un être par nature dépendant d’un… autre. Alors certes, la technologie nous libère et nous permet d’être joignable tout le temps, mais elle diminue grandement notre liberté par l’obligation de répondre, et par l’envie d’être sollicité par cet objet. Le professeur en psychiatrie Serge Tisseron n’hésite d’ailleurs pas à nommer ce « smartphone » qui nous tient rivé aux autres, « le doudou de l’adulte ».
Le vide laissé par la non-réponse appelle à combler ce manque d’informations
Ainsi, ce ne sont pas seulement les non-appels amoureux qui créent de l’angoisse, mais par extension, les non-réponses professionnelles. « Lorsque j’interroge un grand patron sur cette question, spontanément, il dit ne pas être touché par l’absence de réponse de son supérieur » , explique la coach et auteure également de Heureux comme un Danois, « mais très vite, il émet la possibilité d’un possible jeu de pouvoir de la part de son patron »… Nous y sommes. Dès qu’un individu se met à échafauder des stratégies, c’est qu’il est émotionnellement atteint, que le vide laissé par la non-réponse appelle à combler ce manque d’informations par des fantasmes. Or qui, dans le milieu professionnel peut se vanter de n’avoir jamais ressenti cette trahison? Moins de 25% si l’on consulte l’étude menée par la jeune femme.
Lire, trier, répondre à nos mails, textos, messages : la nouvelle charge mentale
Autre thème abordé dans cet ouvrage: la croyance fausse qu’un message écrit a le même effet qu’un message oral. Il va de soi, qu’une hésitation, une expression, des gestes, la spontanéité ne seront jamais au rendez-vous dans un mail qui est par définition, construit, et non spontané. « Or la messagerie instantanée met sur nos épaules les mêmes exigences de vitesse et de spontanéité que la conversation orale… Ce qui nous amène à parler de charge mentale ». L’expression est très à la mode… Non sans raison. Une nouvelle activité est venue se greffer à nos obligations quotidiennes. Lire, trier, répondre à nos mails, textos, messages… « La charge mentale est l’énergie perdue à s’organiser pour pouvoir répondre à tous nos messages, augmentée de la culpabilité, des disputes qu’il faut pouvoir gérer à cause de nos non-réponses ».
Créer son mode d’emploi de la technologie
Alors il faut se détacher, se discipliner, mettre en place un mode d’emploi personnel qui en devenant une règle de vie, ne viendra plus nous déborder émotionnellement. Ni frustrer vos contacts. Plus facile à dire qu’à faire. Et comme l’explique Paul Watzlawick, psychologue et théoricien de la communication, à l’école de Palo Alto : « cesser de confondre l’information que nous voulons communiquer avec la relation que nous voulons créer. Et par conséquent, ne pas prendre le refus d’un projet, pour le rejet de soi ».