Le retour officiel de Nicolas Sarkozy sur la scène politique a mis sur la table un sujet inattendu : le changement de nom de l’UMP. Sa portée symbolique n’a pas échappé aux commentateurs. L’objectif serait autant de faire oublier le scandale Bygmalion que de commencer à se rapprocher du centre pour augmenter les chances de succès aux prochaines Présidentielles. Ces deux arbres cachent la forêt : le changement d’identité de l’UMP marque le retour de l’homme providentiel qui, mythe oblige, a besoin de signer le plus grand nombre d’actes possible.
Depuis l’après-guerre, la droite française a vu en son sein de nombreux mouvements s’opposer, passer alliance et se recomposer en fonction notamment de leur ralliement au gaullisme : RPF, UNR, UDR, RPR, UMP, pour ne citer que quelques sigles. Tandis que, de leur côté, le PS ou le PCF ont toujours tenu à leur nom d’origine en hommage à leur histoire et à leurs valeurs fondatrices, les changements de nom de la droite majoritaire reflètent l’influence des hommes qui l’ont marquée. Chacun s’est présenté à son tour comme l’homme providentiel dont avait besoin la France. Et chacun a voulu signer son passage le plus fortement possible.
Nicolas Sarkozy s’inscrit dans cette lignée très gaullienne. Son retour en politique souligne d’abord son implication personnelle, davantage qu’il ne promeut un idéal de société. C’est l’une des différences avec la posture initiale de François Hollande qui en appelait d’abord à la marque-ombrelle du PS, à ses valeurs sociales, à un type de société.
Pour réagir à son projet de rebaptiser l’UMP, traçons un parallèle avec ce qui se passe lorsqu’une entreprise change de nom et posons-nous 3 questions-clés.
1- Y a-t-il une impérieuse nécessité à changer de nom ?
On peut évidemment soutenir que le scandale Bygmalion est une cause suffisante pour rebaptiser le parti. Je n’y vois pourtant pas une impérieuse nécessité. Cette affaire doit plutôt se gérer en agissant, en prenant des décisions opérationnelles, ce qui a commencé d’être fait. Ce n’est pas l’UMP qui a fauté, mais certains de ses kadors et certains de ses valets. Quelques-uns se sont démis, d’autres ont été invités à partir, les derniers s’accrochent encore.
En pareille circonstance, un chef d’entreprise sauverait sa marque par des actes courageux et une communication permettant de regagner la confiance des clients. Il s’activerait pour redonner ses lettres de noblesse au nom souillé. Il ne se précipiterait pas pour détruire l’actif de sa marque. Mais il est vrai qu’en politique les marques institutionnelles ont moins d’inertie.
2- Quelle stratégie le nouveau nom doit-il symboliser ?
Pour l’instant, on n’a pas entrevu la stratégie pour la France du vraisemblable futur candidat Nicolas Sarkozy. En se focalisant sur les changements d’organisation et de nom, en agitant le symbole du renouveau, il produit un effet de manche mais il ne développe aucun contenu. Et pour cause : il faut du temps pour bâtir un projet, beaucoup même, tant ce monde global est complexe.
En entreprise, on commencerait par réfléchir à la stratégie à moyen-long terme, et on se demanderait ensuite si le nom est un handicap sérieux ou mineur pour réussir. Mieux, on changerait de stratégie et on ferait évoluer après coup le nom, comme l’a fait récemment PPR qui s’est transformé en Kering après dix ans d’acquisitions dans le secteur du luxe et des marques lifestyle. Concernant l’UMP, le fait qu’Alain Juppé se soit déjà déclaré candidat a sans doute poussé Nicolas Sarkozy à frapper symboliquement fort. Ces deux mondes, qui vont chacun très vite, ne travaillent pas à la même échelle temporelle.
3- Quel nouveau nom serait pertinent ?
Pour une entreprise, un nom de marque est d’autant plus pertinent qu’il est porteur d’histoire et de sens, y compris lorsque le nom est une métaphore jouant sur le registre émotionnel (Apple, Orange, Innocent…). Dans tous les cas, le nom doit donner envie, aux équipes comme aux clients. On attend donc avec impatience que Nicolas Sarkozy choisisse un nom qui donne envie et qui rompe avec la série monotone et désincarnée des acronymes du parti de droite, quand bien même son futur parti sera le fruit d’alliances âprement négociées.
Avant le choix d' » UMP » pour remplacer » RPR « , Alain Juppé avait proposé » La Maison bleue « , ce qui sembla à l’époque surréaliste mais eût marqué une rupture. Cette fois-ci, aurons-nous droit à un nouveau sigle ou bien à un nom évoquant la liberté ? la volonté ? la création ? le renouveau ? l’optimisme ? l’Europe ? bref à la promesse d’un avenir meilleur ?
Ce changement de nom peut donc instaurer une rupture bien plus importante qu’un simple habillage de com’. Mais si on en reste à la surface des choses, l’histoire nourrira l’ironie d’Alain Juppé qui a déjà fait remarquer que le nom UMP pourrait devenir, à l’envers, PMU… façon de dire que le nom du parti n’était pas la priorité du moment.
Reste à voir quel sera le processus de création du nouveau nom : ouvert à tous les militants ? Organisé hiérarchiquement par section ou bien sur une plate-forme internet ? Concocté par quelques personnes et quelques conseillers ? Le choix de la méthode en dira autant que le choix du nom final.
Pierre-Louis Desprez
pierrelouisdesprez.com