15 octobre 2024

Temps de lecture : 4 min

Surmulot, auxiliaire écologique bénévole ?

Il est bien loin le temps insouciant de la Fable où des cousins rongeurs de la ville et des champs se retrouvaient tranquillement en territoire urbain pour faire ripaille ! Depuis, Paris a été déclarée la 4ème ville la plus infestée de rats au monde, derrière Londres et New York, avec Marseille qui clôture le classement à la 10ème place (Topito, 2019).

Bien qu’il soit difficile d’établir un comptage précis en milieu urbain, les autorités estiment qu’il y aurait en moyenne entre 1,5 et 1,75 rongeur par habitant, soit plus de 3,7 millions pour les Parisiens et 1,5 million pour les Marseillais. Pour être exhaustif, il faudrait ajouter à cette liste les près de 100.000 pigeons des villes et autres charmants insectes (cafards, mites, moustiques piqueurs-suceurs, frelons, cochenilles, pucerons, punaises de lit…).

Ces espèces sont depuis longtemps qualifiées de nuisibles en raison des risques sanitaires qu’elles représentent et leur impact dans la détérioration de l’habitat humain. Il est donc essentiel d’en réguler la population, tout en développant des mesures visant à protéger à la fois l’Homme et la biodiversité présente, comme les abeilles.

Alors, me direz-vous, si ce sujet est bien conscientisé, quel est l’intérêt d’en faire une tribune à visée prospective ?

Parce que l’urbanisation, la mondialisation et le réchauffement climatique sont de nature à aggraver la présence et la diversité de ces espèces dans nos villes. Et que les principales voix qui s’élèvent à ce propos nous invitent plutôt à reconsidérer nos positions, certes au nom du bien-être animal, pour gérer ces cohabitants finalement plus utiles à la ville qu’il n’y parait.


La ville, graal du nuisible

L’urbanisation est la première raison de la multiplication des animaux commensaux qui se nourrissent de nos déchets.

Les dépôts à ciel ouvert sont ainsi responsables de la prolifération des rats, dont le nombre aurait augmenté de 20% dans le monde ces dix dernières années. Vivants en milieu humide et sombre, ils se reproduisent plus facilement près des systèmes d’évacuation des eaux usées, dans les tunnels du métro et les lieux où la nourriture est stockée. En surface, ils se battent avec les pigeons qui, eux, font partie intégrante du paysage urbain.

Une étude scientifique mondiale démontre que l’urbanisation impacterait également la régulation des insectes nuisibles par leurs prédateurs naturels (coccinelles, guêpes, araignées), avec notamment une abondance d’insectes piqueurs-suceurs supérieure de 44% en ville.


Nuisibles sans frontière
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Avec les déplacements plus fréquents des hommes et des marchandises, la mondialisation contribue à l’apparition de nouvelles espèces menaçantes pour la santé publique.

Ainsi, le frelon asiatique, présent partout en France depuis 2015, prospère en milieu urbain du fait de sa grande plasticité écologique et montre ainsi le chemin à son cousin européen, beaucoup plus agressif. Le moustique-tigre, présent depuis 2004, est soupçonné d’être à l’origine de la transmission sur notre territoire de virus jusque-là tropicaux, comme la dengue, le chikungunya ou le zika. Contre toute attente, la chenille processionnaire du pin a débarqué en Ile-de-France et est responsable d’allergies très sérieuses. Quant à la punaise de lit, disparue depuis les années 50, elle revient en force avec plus d’1 foyer sur 10 qui aurait déjà été touché (Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale). Et ce, jusqu’à devenir un sujet de psychose nationale, débattu jusqu’au parlement pour cette 2ème personnalité la plus citée dans les médias en octobre 2023, après Emmanuel Macron. Cette puce désobligeante aurait même été un sujet de désinformation et de déstabilisation politique, juste avant les JO de Paris, avec une amplification artificielle menée par des tiers.


Le prix à payer

Quant au réchauffement climatique, il pourrait être à lui seul le plus grand accélérateur de la présence des nuisibles en ville. Avec une augmentation prévue de 40% de jours caniculaires et une généralisation de nuits tropicales à plus de 20° à Paris d’ici 2050, il devient impératif de lutter contre les îlots de chaleur par une stratégie de végétalisation intensive. Le plan climat 2024-2030 pour Paris prévoit la création de 10 m2 d’espaces verts par habitant d’ici 2040 pour faire de la capitale une « ville-jardin », avec notamment une re-naturalisation des berges et la création de nouvelles zones humides favorisant le rafraichissement. En somme, offrir l’environnement idéal à la reproduction des nuisibles (températures élevées, surfaces végétalisées et eaux stagnantes), dont certains insectes qui n’hésiteront pas s’attaquer aux végétaux replantés !

Si les autorités évoquent évidemment le risque de prolifération et de contamination de maladies zoonoses, l’enjeu clé d’une climatisation naturelle des villes en minimise pour l’instant la portée, avec des mesures qui n’ont toujours pas démontrées leur efficacité dans l’éradication des nuisibles.


Le nouveau blaze parisien du rat

D’autant que certains politiques ou associations tentent désormais de moins les stigmatiser, en leur reconnaissant une certaine contribution à la communauté et en cherchant des solutions plus humaines et durables à cette difficile, mais néanmoins non (directement) agressive, cohabitation.

C’est ainsi qu’en juillet dernier, Douchka Marcovic, conseillère de Paris en charge de la condition animale, déclarait vouloir rebaptiser les rats bruns en « surmulots », moins connotés négativement. Cette initiative, tournée en dérision, s’inscrit pourtant dans un discours croissant visant à lutter contre la mauvaise réputation des nuisibles, en valorisant leur rôle d’auxiliaires bénévoles dans la maîtrise écologique des déchets et la gestion des égouts. Ainsi, en moyenne, un rat mange 25 grammes de déchets par jour en surface, soit environ 9 kilos durant son existence et contribue même à fluidifier les canalisations.

À ceux qui pensent qu’ils sont plus nombreux, leurs défenseurs opposent les incessants travaux dans la ville qui réduisent leur habitat et les poussent à sortir plus fréquemment. Contredisant l’Académie de Médecine, qui stipule que « le rat est la plus nuisible des espèces commensales de l’Homme », certains minimisent la contamination à de simples maladies non létales, comme la leptospirose. Enfin, tous aspirent à trouver des moyens de régulation moins douloureux pour les animaux et plus respectueux de l’environnement.

À force de partager nos trottoirs et nos égouts, peut-être finira-t-on par régulariser plutôt que réguler cette population ! Après tout, entre le rat et le pigeon, auxiliaires de propreté, il est sans doute venu le temps de repenser la cohabitation urbaine… et de réserver nos pièges pour les véritables nuisances : les bouchons, les travaux et les loyers !

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