La nouvelle étude OneNext mesure et valorise l’audience des marques de presse sur tous les supports et dans tous les contextes de lecture. Stéphane Bodier, DG de l’ACPM, détaille les innovations de cette mesure hybride, qui permet à la presse de rivaliser avec tous les médias.
INfluencia : pourquoi avoir rénové la mesure d’audience de la presse dans une nouvelle étude OneNext ?
Stéphane Bodier : la précédente étude One, lancée il y a dix ans, était déjà considérée comme très robuste mais elle avait été conçue à une époque où les consommations médias des Français étaient encore très traditionnelles et très centrées autour du print en ce qui concerne la presse. En une décennie – et cela a encore été accentué pendant le confinement – le digital est devenu la source d’information prioritaire de tous les Français et de diffusion de tous les médias. Les lectures digitales sont aujourd’hui très majoritaires. Parallèlement, les 217 marques de presse qui participent à l’étude ont énormément accéléré leur transformation (NDLR, se reporter à l’interview de Louis Dreyfus réalisée quelques jours après la fin du confinement) et la diffusion de leurs contenus sur les sites et les applis, les newsletters, les réseaux sociaux, les podcasts, la vidéo… La nouvelle étude OneNext traduit parfaitement ces consommations et la force des marques de presse. Aucune des méthodologies traditionnelles d’interviews ou de panel n’était à elle seule en mesure de le faire. Nous avons fusionné ces techniques pour avoir une vraie étude single source. Les 28 000 interviewés ont accepté que l’on pose des cookies sur tous leurs supports. Les résultats ont été fusionnés avec ceux de l’audience Internet de Médiamétrie//Netratings et du panel TGI de Kantar Media. Nous avons aussi développé un panel Tempo, qui repose sur une application mobile Ma presse à moi, utilisée par 5000 personnes sur des périodes de 15 jours.
IN : comment fonctionne ce panel Tempo et qu’apporte-t-il au marché ?
S.B. : quand le lecteur pose son téléphone sur n’importe quel quotidien ou magazine, l’appli reconnait le titre, enregistre le jour et l’heure, ce qui permet de mesurer toutes les reprises en mains et de développer un médiaplanning temporel. Le lecteur répond en une vingtaine de secondes à quelques questions sur la durée de lecture, le nombre de pages vues, ce qu’il faisait au moment de la lecture, s’il a vu une publicité, si elle lui a donné envie d’acheter le produit… Ces questions permettent de mesurer la force de la relation entre un lecteur et la marque de presse. Pour la première fois, on quantifie du qualitatif. Tout cela a permis de redéfinir le funnel de persuasion, pour savoir comment on passe de l’inconscient à la confiance, au désir, à l’engagement et à la transformation. Cela montre aussi qu’en s’appuyant sur la puissance et le ciblage, les marques de presse peuvent répondre à toutes les problématiques marketing (lancement, performance, incitation à l’achat…) en tant que média leader et avec la même granularité que les médias digitaux.
IN : quelles surprises ont réservé les premiers résultats ?
S.B. : les résultats des titres sont en ligne avec de ce que l’on connaissait déjà : 10 marques de presse ont des audiences supérieures à 10 millions de lecteurs et 9 supérieures à 20 millions. C’est bien la preuve que la presse n’est pas du tout un média complémentaire et qu’il faut la traiter comme un média à part entière ! J’ai davantage été surpris par les résultats sur le contrat de lecture. Sur un très gros échantillon qui représente 60 000 journées d’observation, 84 % des Français ont confiance en ce qu’ils lisent (cf la tribune de Francis Morel parue dans La Quotidienne récemment). C’est beaucoup plus fort que tout ce que l’on entend sur le fait que les médias ne sont plus crédibles… Plus on est attentif à ce que l’on lit, plus on a confiance, plus on est engagé et plus on a envie d’acheter ce qui est présenté dans les publicités. Il y a une vraie logique dans le processus de transformation. C’est aussi pour cela que la signature de la campagne BETC, qui accompagne le lancement de l’étude, s’adresse aux annonceurs et aux agences avec la signature « Intéressez-vous à la presse, les gens s’y intéressent ».
IN : cette nouvelle étude arrive à point nommé au moment où la presse connait d’importantes baisses de ses recettes publicitaires… (NDLR, lire pub le grand plongeon)
S.B. : oui et non… Je suis assez confiant sur la capacité de certaines marques de presse à s’en sortir mieux et plus rapidement que d’autres, mais davantage en raison du travail réalisé par les éditeurs que d’une logique de marché ou de famille de presse. Pendant le confinement, les Français se sont rués sur les quotidiens régionaux et nationaux, et les annonceurs aussi. La PQN et la PQR devraient retrouver de bons niveaux de publicité car tout le monde – lecteurs et professionnels – s’est rendu compte de leur importance. Ce sont aussi des titres qui ont largement entamé leur transformation digitale. En presse magazine, la reprise dépendra aussi de stratégies de groupes.
IN : pourquoi était-ce important d’associer le CESP pendant les 3 ans de travail ?
S.B. : chacun a aujourd’hui des consommations médias tellement individualisées et exclusives qu’on est obligé d’aller chercher des données sur plusieurs sources. On arrive rapidement sur des questions méthodologiques, statistiques et mathématiques très compliquées. Le comité scientifique du CESP, qui réunit les plus grands mathématiciens et chercheurs français, a été présent à nos côtés chaque semaine pendant trois ans pour vérifier la méthodologie, la qualité des enquêteurs, des fusions, des modélisations… C’est loin d’être facile mais c’est absolument nécessaire pour être totalement exemplaire et que personne ne puisse douter de la qualité de l’étude.
IN : quelles actions ont été menées pour mettre en main l’étude auprès du marché ?
S.B. : en tant que clients, les agences médias et les annonceurs étaient représentés tous les mois dans nos comités. Nous avons aussi beaucoup travaillé avec les centres serveurs, qui développent tous les outils de médiaplanning pour les agences et intègrent toutes les innovations. Des tutoriels ont permis de former les équipes en agence à l’utilisation des nouveaux indicateurs. Cela fait trois ans que l’on parle de cette nouvelle étude aux agences, qu’on les interroge, qu’on les tient au courant… A partir du vendredi 26 juin, une série de conférences présentera au marché l’étude et ses bénéfices.
IN : après ces innovations, que doit-on attendre pour l’avenir ?
S.B. : l’étude OneNext Influence, qui sortira en septembre, mesurera l’audience de la presse sur les cadres en entreprise et les hauts revenus. Ce sera très intéressant de voir la force de la presse sur une population compliquée à interroger et sur laquelle nous manquions de résultats récents. Il a fallu beaucoup travailler sur la manière d’interviewer des patrons du CAC 40, des personnes très riches ou très connues, ne serait-ce que pour leur faire répondre à une étude. L’année prochaine, la grande difficulté sera de pouvoir continuer à innover malgré le contexte publicitaire. Nous sommes néanmoins optimistes et nous comptons vraiment sur une grosse reprise en septembre.