8 décembre 2023

Temps de lecture : 7 min

Stéphane Billiet (SCRP; We Change) : « Le claim de Pepsodent « Souriez, tout vous sourit » est devenu l’un de mes mantras »

Il aurait pu être juge, diplomate ou encore gestionnaire de lieux culturels, il a choisi les RP. Un métier aussi de conviction et de précision. Mais qui sait, un jour, si un théâtre amateur lui fait signe… Stéphane Billiet, président délégué du Syndicat du Conseil en Relations Publics et vice-président de We Change répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige bien sûr
INfluencia : Votre coup de cœur ?

Stéphane Billiet : Mon coup de cœur de communicant, c’est la campagne sortie en juin dernier du pour le “Musée de l’histoire de l’immigration”, présidé par Mercedes Erra et conçue gratuitement par l’agence BETC.

Le ton factuel et léger du propos politique qui joue sur la force de l’évidence est très réussi. « C’est fou tous ces étrangers qui ont fait l’histoire de France », est une vérité qui, je l’espère, peut contribuer à apaiser notre société sur un thème disons, « sensible ». De même, lire dans le métro parisien une accroche comme « Ton grand-père dans un musée » répare des injustices, manifeste de la considération à ces Français issus de l’immigration.

« L’immigration, ça fait toujours des histoires », comme le clame une autre affiche. J’aime cette expression de soft power qui prouve que l’élégance peut faire plus que la brutalité pour faire bouger les opinions. Et je trouve très utile que le visuel de Louis XIV, né en France d’une mère espagnole et d’une grand-mère autrichienne, ait pu susciter la controverse, je m’en réjouis parce que faire débat, c’est bien la preuve de l’efficacité d’une campagne de communication, non ?

Si j’ai droit à un autre coup de cœur, je dirais que j’ai tellement aimé le Starmania mis en scène par Thomas Jolly l’an passé que j’y retourne en janvier prochain ! C’est un coup de cœur qui ne s’éteint pas : je l’ai eu à la première écoute à la radio, en 1979. Starmania a ensuite été une grande émotion grâce au walkman. Et le génie visionnaire de cet opéra-rock créé par Luc Plamandon et Michel Berger ne cesse de confirmer que les artistes voient plus loin que leur temps, avec un avantage sur les intellectuels qui, eux aussi, lisent l’histoire en train de se faire : la puissance de l’émotion…

 Si je pousse un coup de colère contre la colère, ça marche comme réponse ?

IN.: Et votre coup de colère ?

S.B. : Par nature et par conviction, je ne suis pas colérique. Bien sûr, je comprends que l’inacceptable, l’intolérable, génère de la colère. Mais, pour ma part, comme Tahar Ben Jelloun, je pense « qu’un homme en colère est un homme qui n’a pas su dire non et éprouve, en plus, le remords de ne pas l’avoir fait ». Bref, la colère, c’est quand c’est trop tard, donc, je ne me mets jamais en colère. Ce qui arrive à me mettre « hors de moi » cependant, c’est la violence, physique ou morale, que certains exercent sur d’autres. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que l’Homme semble irrémédiablement être un loup pour l’Homme. La colère est aveugle, froide, destructrice, je la pense dangereuse parce que violente, et que je suis non-violent, par nature et par conviction. Elle finit toujours par engendrer des excès de méchanceté, de bêtise, et sans doute d’injustice. Quand je pense aux agressions en Ukraine, en Israël… Si je pousse un coup de colère contre la colère, ça marche comme réponse ?

IN: La personne ou l’événement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

S.B. : Ce qui m’a profondément marqué dans ma vie, c’est Gandhi dans le biopic – on n’employait pas encore ce mot à l’époque –   de Richard Attenborough sorti en 1982. C’est cette confrontation cinématographique avec une personnalité qui m’a permis de formaliser mes valeurs, mes convictions et mes engagements. Je pense qu’elles étaient là avant, mais confusément, ce film a éclairé ce qui me semblait juste et bon.

J’allais avoir 20 ans à l’époque. J’ai vu sur grand écran tout ce qui me constitue et me remue, pour et contre : l’injustice, la ségrégation, les droits humains, l’insoumission non violente, le choix du dénuement, et aussi, le sens de la communication qui construit le mythe (l’image iconographique avec le vêtement traditionnel, le rouet, etc.)

Je suis même allé jusqu’à donner le deuxième prénom d’Hermine à ma fille puisque c’est le symbole de la justice

IN.: Votre rêve d‘enfant ?

S.B. : Je ne dirais pas que j’avais un rêve d’enfant. Ou je n’en ai pas le souvenir. Je pense, qu’enfant, je ne savais pas trop qui j’étais et qui je voulais devenir. Plutôt qu’un rêve, je me suis identifié à la figure de l’enseignant et j’ai ressenti l’envie d’enseigner. J’ai toujours accueilli les cours comme des cadeaux qui nous étaient faits par des gens généreux qui voulaient notre bien. Même les rares mauvais profs que j’ai pu croiser ne m’ont pas détourné de cette idée qu’il n’y a rien de plus beau que de transmettre du savoir, de faire grandir par le développement de la réflexion et de l’esprit critique.

Je voue une grande reconnaissance à l’école et j’ai une immense admiration pour les enseignants. Je n’ai jamais oublié l’institutrice de CP, Mme Mialon, qui est venue m’apporter un livre d’enfant à l’hôpital en me disant de lire pour ne pas perdre mes premiers acquis, ni mon prof de français de première qui nous avait invités une journée à la campagne, avant les épreuves du bac, pour nous soutenir le moral.

Je ne sais pas si enseigner était mon rêve d’enfant mais il s’est réalisé puisque je suis professeur associé au CELSA. Avant d’en arriver là, je me voyais bien juge ou diplomate. J’ai hésité à faire l’école de la magistrature. La justice est certainement une des valeurs fortes qui me tient le plus. Je suis même allé jusqu’à donner le deuxième prénom d’Hermine à ma fille puisque c’est le symbole de la justice. Finalement, les RP, ce n’est pas si éloigné de toutes ces envies de ma jeunesse !

IN.:  votre plus grande réussite (en dehors de votre famille bien sûr)

S.B. : Enseigner. Mais sinon je considère comme ma plus grande réussite le fait, dans mon parcours, de ne jamais avoir fait de mal à personne et de ne pas avoir pris la place de quelqu’un.

Je n’ai pas eu besoin de faire montre de courage, je crois avoir toujours été guidé par une bonne étoile

IN.: et votre plus grand échec dans la vie

S.B. : Je pense ne pas avoir connu d’échecs « cuisants », comme on dit, sauf la charlotte aux kiwis que j’ai lamentablement ratée…

Pour ne pas esquiver la question, je pourrais m’appliquer la formule de l’Abbé Pierre selon laquelle « Le plus grand échec c’est de ne pas avoir le courage d’oser ». En fait, je n’ai pas eu besoin de faire montre de courage, je crois avoir toujours été guidé par une bonne étoile. J’ai avancé en confiance, sans faire de calculs. Je devais être devant la télé en 1979 quand est sorti la pub signée J. Walter Thompson pour le dentifrice Pepsodent, le claim est devenu l’un de mes mantras : « Souriez, tout vous sourit ». C’est drôle quand on pense que j’ai voisiné pendant 12 ans, avec la Walter, au sein de WPP, quand je dirigeais H+K Paris. Encore un coup de la bonne étoile ?

L’amour inconditionnel d’une mère un peu fantasque, qui validait, par principe, mon essence et mon existence, m’a chargé en confiance.

IN: Quelle est votre devise ?

S.B. : Bon, à part le claim Pepsodent, ma devise, c’est « Demain est un autre jour ». Je suis matinal et optimiste. Je crois en « la promesse de l’aube ». Cette référence à Romain Gary n’est sans doute pas fortuite car, comme lui, l’amour inconditionnel d’une mère un peu fantasque, qui validait, par principe, mon essence et mon existence, m’a chargé en confiance. D’une certaine manière, elle m’a fait le cadeau de la promesse. Et, peut-être, comme Romain Gary, ai-je voulu être à la hauteur de sa confiance, sans formaliser de promesse. Bref, pour être concret, une bonne nuit de sommeil pour recharger les batteries et hop, c’est reparti.

IN: Si vous deviez mourir et revenir en tant que personne ou chose, qu’est-ce que ce serait ?

S.B. : C’est une question piège car la plupart des personnages inspirants sont morts. Donc pas sûr que j’ai envie de me réincarner en quelqu’un qui va mourir… Si je meurs – j’adore la formule, car c’est un conditionnel que je trouve très intéressant – j’aimerais finalement revenir avec tous les talents artistiques dont je suis cruellement dépourvu. Je ne sais pas chanter. Je ne joue pas de musique, je n’ai écrit que des livres professionnels**. Je ne comprends toujours pas comment certains peuvent être doués comme ils le sont, c’est une source d’émerveillement pour moi. Donc si je reviens dans la peau de quelqu’un, ce sera un artiste, peu importe. Faire de sa vie une œuvre d’art, voilà sans doute la plus belle chose dans la vie.

Qui sait, un jour je pourrais peut-être faire du bénévolat dans un théâtre amateur de province qui aurait besoin d’un coup de main

IN.: quel monument ou quel endroit aimeriez-vous déplacer et installer dans une île déserte ?

S.B. : ce serait une salle de théâtre. Je suis mécène de la Comédie Française depuis de nombreuses années et rien ne me rend plus heureux que ce moment où je suis immergé dans cet endroit hors-sol et hors temps dans lequel tout est possible mais dans lequel va se jouer une représentation avec le meilleur de ce que les humains peuvent donner, que ce soit par le texte, par le jeu ou par la communion

J’ai fait un peu de théâtre amateur quand j’étais jeune avant de quitter Lyon. J’ai vécu une année où j’étais quasiment tous les jours au théâtre. J’étais assistant metteur en scène, j’allais chercher les costumes et des décors, dans un théâtre qui n’existe plus mais qui se situait à La Croix-Rousse. Cela a été un période formidable. J’ai même hésité un moment à faire l’Ecole du Magasin, à Grenoble qui formait au métier de gestionnaire de lieux culturels. Mais après un an passé avec les gens de théâtre, je me suis dit que je les aimais beaucoup mais que je ne pourrai pas vivre avec eux, ils sont très sensibles, très égotiques et extrêmes alors que je suis plus froid et posé. Cela m’a aidé à voir que j’étais un meilleur spectateur que dirigeant de mais cela reste une carrière qui m’aurait amusé. Et qui sait, un jour je pourrais peut-être faire du bénévolat dans un théâtre amateur de province qui aurait besoin d’un coup de main.  Pourquoi pas ?

 

 

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’A la recherche du temps perdu

** « Communication », Dunod, 2ème édition, 2020. « les Relations Publics,  refonder la confiance entre l’entreprise – les marques et leurs publics », Dunod, 2ème édition, 2017

En savoir plus

Son actualité :

L’animation le 7 décembre du 17ème Carrefour des RP, qui est un format événementiel qu’il a mis en place il y a 17 ans pour accueillir une fois par an des étudiants des écoles de communication et de l’enseignement supérieur où on montre à travers des cas concrets ce que sont les RP, quelle carrière on peut faire dans nos agences. « C’est un événement qui me tient à cœur car chaque année , nous recevons environ 300 étudiants au cinéma Publicis, sur les Champs-Élysées avec un cocktail,  et donc il y a une espèce de mise en abyme amusante de se dire que les RP font un événement de RP au profit des RP».

Allez plus loin avec Influencia

the good newsletter

LES FORMATIONS INFLUENCIA

les abonnements Influencia