L’incubation est une période au cours de laquelle une startup ou une entreprise fraîchement créée est accompagnée. Transitoire par essence, celle-ci a forcément un début et une fin. Dans la grande majorité des cas, la sortie se fait en douceur après un temps d’accompagnement fructueux, avec une société stable ou sur une dynamique positive. Pourtant, certains porteurs de projets devront faire face à une sortie anticipée. Le nouveau modèle de l’incubation se doit d’être pragmatique, il fait rentrer « échec » dans son vocabulaire, sans que cela soit négatif, mais comme un constat lucide sur la viabilité d’un projet.
L’expression « startup nation », mise sous les feux de la rampe au cours de la campagne présidentielle, a nui à l’écosystème innovant. Pour qui n’est pas dans le mouvement, le concept de start-up est déjà très flou. Un startupper n’est pas une personne qui fait fortune entre un latte-macchiato et une séance de surf. Créer une entreprise demande beaucoup de travail et d’implication. Les créateurs d’entreprise travaillent dur, prennent des risques, changent de vie et chamboulent leurs familles parfois. Avec cette « startup nation », la mode est à la création d’entreprises à tour de bras.
En finir avec l’angélisme de la « startup nation »
Malheureusement, les forces sont éparpillées au lieu de se concentrer sur les structures qui ont un réel potentiel économique et qui peuvent créer un cercle vertueux en transformant les sommes investies par les fonds publics ou privés en emplois, chiffre d’affaires, etc. D’une part, il y a eu trop de paillettes autour de l’image des startupers à défaut de la créativité et l’innovation et d’autre part, il faut aussi garder les pieds sur terre et ne pas oublier qu’une entreprise, aussi innovante et citoyenne soit-elle, doit gagner de l’argent. Pourquoi ce manque de pragmatisme dans la vision de l’incubation à la française ? A cause d’un mot qui fait frissonner les entrepreneurs : « l’échec ».
Rétablir les vertus de l’échec sur lequel on se construit
Le concept de l’échec est trop fort en France. Il est immédiatement associé à un jugement de valeur personnel qui pèse sur les épaules du créateur d’entreprise et il est trop peu vu comme une expérience qui repose sur une série d’événements qui ont concomitamment contribué à la non-réussite commerciale d’une entreprise. Il faut dédramatiser l’échec, l’observer comme une expérience, une source d’enrichissement pour rebondir. Aux Etats-Unis, la confiance est accordée plus facilement aux entrepreneurs qui ont déjà un échec entrepreneurial. Les investisseurs partent du principe que les leçons ont été apprises et que les mêmes erreurs ne seront pas commises à nouveau. Si l’on a la création d’entreprise dans le sang, on se relève et on tente une autre aventure, on s’accroche et on finit par y arriver. Le réalisme ne tue pas, il rend plus fort.
Respecter l’entrepreneur comme le contribuable
En temps que incubateur public, nous sommes aux côtés des créateurs d’entreprise tous les jours, ainsi, pendant la période d’incubation, nous nous devons de les mettre face à la réalité du marché de manière lucide car lorsque l’incubation sera terminée, ils seront lâchés dans la nature sans parachute. Cette vision nous rend très directement responsables et notre éthique nous exige d’être honnêtes avec les porteurs de projets. Par respect pour ces entrepreneurs, des individus qui se mettent en danger pour réaliser leurs rêves, nous devons aussi leur dire quand leur projet n’est pas viable : il est hors de question d’envoyer les gens dans le mur à grand renforts de fonds publics. Maintenir des entreprises sous perfusion alors que nous savons qu’elles ne créeront pas d’emploi et qu’elles ne seront pas rentables, ce n’est pas assumer la mission de service public qui nous incombe et qui consiste à créer des structures dynamiques économiquement sur notre territoire. Sans être élitiste, nous nous devons d’être exigeant, pour garder la confiance de nos financeurs, de nos partenaires, et de toutes les structures qui demain accompagneront ces jeunes entreprises (institutions publiques, BPI, banques, business angels, fonds d’investissements, clients…).
Un accompagnement sur-mesure tourné vers le marché
Une logique contractuelle de la durée d’incubation n’est pas satisfaisante car elle ne respecte pas les spécificités des domaines d’activités d’une entreprise innovant. Il faut, aujourd’hui, privilégier le sur-mesure et le pragmatisme au process administratif. Pour une entreprise, dans le domaine du numérique, on peut raisonnablement penser qu’une incubation au-delà de 18 mois soulignera plus un problème qu’autre chose ; en revanche, accompagner un projet biotech 3 ans ou plus ne serait pas déraisonnable et sans doute adapté à cette typologie de projet. Il est temps que l’incubation sorte d’une posture passive et incantatoire qui se limiterait à donner des conseils ou des modèles standards et à ne pas mettre les mains dans le cambouis. Les 7 personnes qui accompagnement au quotidien les startups sont toutes d’anciens entrepreneurs et possèdent également des expertises techniques (business development, management, marketing, ) au service immédiat des porteurs de projets. Un seul objectif : apporter de la valeur à tout moment.
Repenser les références
C’est à l’incubateur d’être en prise avec la réalité du monde économique pour aider les start-up à concrétiser les opportunités. Il faut créer, le plus tôt possible, des liens entre les entreprises innovantes incubées et la communauté d’alumni. Leur regards extérieurs poussent au dépassement et aident à recentrer le débat. Par ailleurs, les indicateurs de performance doivent aller plus loin que le suivi du nombre de créations effectives de structures ou la vérification de l’existence administrative et comptable. Une entreprise dynamique et viable présente d’autres attributs comme la stabilité du chiffre d’affaires, le nombre d’emplois créés et pérennisés. Un autre élément auquel l’écosystème accorde trop d’importance : les levées de fonds. S’il est séduisant de communiquer sur ces montants parfois à plus de six zéros, ceci se fait au détriment des réels succès intrinsèques enregistrés par les jeunes entreprises innovantes que sont les succès commerciaux ou les innovations technologies.
L’incubation n’est pas un cocon
Ce serait une grande fierté pour les incubateurs de pouvoir affirmer que les entreprises, qui sortent de leur phase de lancement, s’en sortent mieux, plus longtemps, dans d’excellentes conditions. Les équipes d’un incubateur savent qu’ils font un métier fabuleux : ils contribuent à accompagner les entrepreneurs qui rêvent de monter leur boîte. Pour rendre hommage à ces créateurs d’entreprise, soufflons les paillettes qui flottent autour du mot « startup ». Néanmoins, l’incubation n’est pas un cocon : c’est enthousiasmant, euphorisant, énergisant mais ni doux ni confortable. Une tension existe, qu’il faut reconnaître si on veut arriver à ses fins : agir, délivrer, essayer, tester, perdre, gagner et apprendre.