J’ai récemment fait découvrir à mes enfants la trilogie originale des films de Star Wars. Alors que nous les regardions ensemble, quelque chose m’interpellait.
Cette « chose » est un robot métallisé couleur or, aussi dégingandé que maladroit, et qui se prénomme C-3PO. Et en plus, il est plutôt terrible dans son genre. Son corps lourd, sujet à de nombreux accidents, n’existe que pour transporter son logiciel d’un point à un autre. Il aurait facilement pu exister sous la forme d’un petit terminal que l’on sort de sa poche lorsqu’on a besoin de négocier avec de quelconques Jawas, et que l’on range lorsque l’on veut voyager tranquillement dans l’espace sans avoir à subir ses commentaires narquois.
Cela dit, les relations entre C-3PO et ses partenaires humains fournissent plusieurs informations intéressantes sur l’automatisation des tâches intellectuelles. Il est « toujours actif » en arrière-plan pour établir des communications et fournir des informations issues de sa base de données. Mais même s’il possède des capacités de traitement supérieures à celles des humains autour de lui, il n’est là que pour jouer un rôle de conseiller. Il dépend de leur créativité et de leur intelligence émotionnelle pour résoudre les problèmes.
Les équipes et les responsables informatiques peuvent apprendre beaucoup de cette relation, dans un contexte où l’automatisation dans l’entreprise se normalise de plus en plus. Dans un système idéal, l’automatisation ne remplace pas la réflexion humaine mais la démultiplie en fournissant de meilleures informations, et en confiant à un logiciel un grand nombre de tâches répétitives. L’objectif est de suppléer à la pensée humaine pour obtenir la meilleure qualité de travail de la part des employés les plus talentueux.
La valeur toujours plus faible des tâches de routine
Puisque nous ne disposons pas d’unités C-3PO pour l’entreprise (du moins pas encore), nous voyons apparaître des formes plus subtiles d’automatisation dans le travail des cols blancs, spécialement pour les tâches répétitives sans grande valeur ajoutée. Un excellent article paru en 2014 sur le blog du spécialiste américain, Scott Leod, décrit parfaitement la valeur toujours plus faible des tâches de routine, et démontre que celles-ci ont commencé à être prises en charge par des logiciels dès les années 70. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle et le machine learning étendent l’éventail des tâches routinières, que des ordinateurs peuvent prendre en charge, en permettant à des « bots » d’exécuter des tâches plus complexes dans des domaines tels que le service client, la coordination logistique, le traitement des paiements et beaucoup d’autres encore.
Pour les employés d’aujourd’hui, apporter une valeur ajoutée dans un monde de plus en plus automatisé dépend de leur capacité à exécuter des tâches intellectuelles non routinières. Ces dernières nécessitent des compétences de résolution de problèmes, de créativité, d’empathie et de persuasion. L’écriture, par exemple, est une compétence que les ordinateurs doivent encore apprendre à maîtriser (en dépit de quelques tentatives hilarantes).
Un potentiel d’automatisation des tâches de 40 à 55%
Mais les employés dans des domaines intellectuels verront toujours l’automatisation se glisser dans leurs processus de travail en les aidant à éliminer certains des aspects les moins plaisants de leur emploi. Trois chercheurs de l’Institut McKinsey ont cherché à quantifier le pourcentage de tâches qui pourraient être automatisées dans une cinquantaine de pays, représentant 80% de la main d’œuvre dans le monde. Selon les résultats de leur recherche publiés en avril 2017, le potentiel d’automatisation serait de 40 à 55% selon les pays. En France, ce sont 43% des tâches qui pourraient l’être. Ceci veut dire que même si vous êtes un professionnel, vous avez probablement déjà utilisé des fonctions d’automatisation pour exécuter des tâches répétitives. De telles fonctions très simples libèrent les employés de tâches fastidieuses, ce qui leur permet de gagner un temps précieux pour se consacrer à des tâches à forte valeur ajoutée.
La prochaine vague d’automatisation pour les emplois intellectuels concerne les processus de travail. Concrètement, des systèmes automatisés peuvent désormais prendre en charge des tâches répétitives au sein de processus évolutifs, tout en maintenant les membres d’une équipe informés des transferts et des changements de statut. Il s’agit d’une étape décisive car dans le travail collaboratif, les plus grands ralentissements se produisent lorsque deux personnes ou plus, travaillent sur la même tâche, et lorsque l’une d’entre elles ne réalise pas que les autres attendent sa contribution. Ceci a un impact énorme sur la productivité. C’est la raison pour laquelle, il y a tant à gagner à automatiser les communications sur les tâches et les projets au fur et à mesure de leur déroulement. En automatisant la livraison des mises à jour et autres informations entre les membres d’une équipe, il est possible de réduire le nombre d’emails et de réunions nécessaires, tout en garantissant la bonne réception des informations importantes.
Elever son niveau de compétences au-delà de la gestion des tâches routinières
Le plus grand mythe à propos de l’automatisation est qu’elle est là pour détruire des emplois existants, et que les patrons n’attendent que cela pour remplacer des humains par des machines qui leur coûtent moins cher. Pas de panique cependant, les robots ne vont pas tuer l’emploi en France, assure dans un rapport publié, en janvier 2017, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE). Selon cet organisme de réflexion officiel, dépendant du Premier Ministre, seuls 10% des emplois français, essentiellement dans le secteur industriel, sont très exposés aux mutations technologiques, et devront probablement évoluer à ce titre. Les Français d’ailleurs ne semblent pas particulièrement inquiets. Selon une enquête publiée, début 2017, par le site Monster, près des trois quarts d’entre eux pensent qu’ils ne seront jamais remplacés par un robot.
Toutefois, pour des millions d’employés, une prise de conscience pourrait bientôt survenir lorsqu’ils devront élever leur niveau de compétences au-delà de la gestion de tâches routinières. Pour toutes ces personnes, se concentrer sur la réflexion stratégique, la créativité et le management des hommes renforcera leurs carrières et ils pourront ainsi continuer à apporter une forte valeur ajoutée sur le long terme. Même lorsque nombre de leurs tâches quotidiennes auront été prises en charge par des machines. Dans son article, Scott McLeod décrit comment le système éducatif devra s’adapter pour privilégier la pensée sortant de la routine, de sorte que les générations futures soient pourvues des compétences adéquates dans un monde où des machines exécuteront toutes les tâches répétitives et prévisibles, et je suis d’accord avec lui.
L’automatisation représente un virage majeur dans la définition du travail dans les entreprises, qui aura pour effet pour beaucoup d’employés de les soulager progressivement des aspects les plus répétitifs de leurs emplois. Mais bien que nous soyons encore loin des droides de Star Wars, notre travail quotidien étant toujours plus optimisé par l’intelligence des machines, nous serons capables d’en retirer une valeur au-delà de nos pensées les plus folles.