Comment la donnée assortie au digital et à la connectivité impacte et propulse le sport. Tant sur le plan performance athlétique que sur celui de la professionnalisation de ses acteurs. Réponses avec la Data : nouvel eldorado du sport, réalisé par Deloitte.
La Coupe du Monde de Football, le Tour de France, les tournois de tennis (Coupe Davis, Roland Garros, Flushing Meadow…), l’America’s Cup… pas un de ces événements sportifs qui ne produisent désormais pléthores de données et qui permettent de faire gagner des équipes. Normal, avec la prolifération des équipements connectés et la professionnalisation des acteurs, le sport de haut niveau n’échappe pas au digital. En effet, à travers les joueurs, instances, fédérations, clubs, fans, stades, événements, rencontres, performances, réglementation, dopage, résultats… la da ta est désormais dans toutes les arcanes du monde sportif, traquée, enregistrée et générant un gros flux d’informations à tous les niveaux. Une data de plus en plus abondante et dont la valeur d’usage ne doit pas être gâchée mais plutôt maitrisée. Car de celle-ci découle tout un tas de décisions tactiques et influe la manière dont le futur du sport professionnel va être pensé. Que faut-il espérer de cette data à travers la connectivité pour améliorer la performance purement sportive ? Quelles évolutions se dessinent (professionalisation des clubs, engagement des supporters, marketing…) ? Quelles en sont les contraintes et les limites ? Quel cadre légal ? Telles sont les questions posées par Deloitte dans sa keynote : La Data : nouvel eldorado du sport ?
Avec deux objectifs bien précis : d’une part explorer de nouvelles solutions pour initier des interactions avec le public -notamment les supporters, dont on capte les émotions- et ainsi améliorer avec lui et pour lui la qualité des services sources d’engagement. D’autre part, combiner la visualisation des données pour rapprocher les acteurs afin par exemple d’activer les prises de décisions (aménagement de l’espace urbain, fluidifier la mobilité…) ou créer des indexes de fréquentation, de performances, d’efficacité… bien utiles pour valoriser un club, un joueur, un sport. « De la performance des joueurs sur les phases d’entraînement à l’expérience du supporter, la Data permettrait de tout analyser », confirment Reda Gomery, Associé responsable Data et Analytics et Philippe Dardelet, Directeur conseil Sport Business chez Deloitte « mais attention elle n’est pas une fin en soi, juste un outil au service des univers qu’elle concerne en l’occurrence le sport où son apport est vaste ». C’est pourquoi l’étude ne l’abordera qu’autour de deux enjeux majeurs : la performance sportive et la performance économique, avec tout de même un éclairage sur les risques et impacts liés à la sécurité des données.
La data source de performance sportive…
« Alors qu’il est déjà bien exploité par les pros du sport des pays anglo-saxons, l’usage de la data émerge tout juste en France », note Reda Gomery » mais c’est inéluctable car, nouvelle génération aidant, l’utilisation des équipements connectés s’accélère et les plus grandes équipes adoptent les nouvelles technologies pour monitorer les performances de leurs joueurs ». Au-delà de la technologie, la question est juste de savoir comment et à quelle vitesse ce changement va s’opérer humainement, car il dépend des évolutions de mentalité et de compétences. « Beaucoup sont conscients que la data est dans l’air du temps, mais ils ne sont pas encore tous prêts faute de moyens ou d’expertises. Ils doivent se former et prévoir d’engager un data scientist », insiste Philippe Dradelet « De plus, leur priorité est qu’en adoptant ce mode de fonctionnement, ils ne perdent pas tout ce qu’ils ont collecté précédemment. Ils veulent pouvoir s’appuyer sur leurs acquis plus empiriques. En revanche, ils veulent que ça marche tout de suite, car ils voient très bien l’intérêt pour gagner en professionnalisation, progresser dans tous les classements, et aider les instances dirigeantes dans leur choix ».
D’autant que tous les sports sont concernés pour analyser les schémas tactiques de jeux dans les sports collectifs tels que le rugby, foot, hand-ball… (vitesse de déplacement, le poids, motivation selon les phases du jeu, suivi d’évolution du jeu…) et individuels comme le cyclisme (pédale connectée pour repérer la performance ou la fraude), le tennis (via la technologie Hawk-Eye utilisée par SAP qui donne des indications à l’entraîneur pendant le match). Des données auxquelles s’ajoutent d’autres collectées hors terrain portant sur le médical, la diététique, la psychologie, le bien-être… « C’est un excellent moyen pour personnaliser un entraînement sur une base objective et partagée du comportement d’un athlète. Ce qui n’empêche pas le côté affectif, bien sûr », précise Reda Gomery. Les atouts sont nombreux comme assurer la continuité d’un joueur en club par rapport à son niveau d’activité, ses phases de compétition internationales, son risque de blessure, sa sélection à venir, son comportement face au stress, à l’échec pendant un match…
C’est vraiment aller plus loin que ce que le cerveau de l’entraîneur peut intégrer comme variables. Cela lui permet de gagner du temps, de mieux recruter lors du premier tri, de gérer les transactions. Pour autant, il n’est pas en danger, comme le confirme Philippe Dradelet « il n’est pas encore venu le temps où un robot remplacera l’entraîneur, on n’est qu’au début de l’exploitation de la data qui n’a qu’une vocation : consolider et centraliser les paramètres, les sérier dans le temps tout en apportant une aide à leur corrélation pour bâtir des analyses et ainsi prévoir au mieux l’évolution d’un club et de ses joueurs ». L’autre risque n’est il pas de tendre vers une uniformisation du sport avec des acteurs qui voudraient répliquer un modèle qui marche bien? « c’est un risque en effet », répond Reda Gomery » mais le paysage est tellement diversifié qu’il ya peu de chance qu’on en arrive à ce stade. Chaque fédération, sport ou joueur voudront garder leur spécificité. C’est humain ».
De plus, pour l’instant ces informations ne sont captées que lors des entraînements et non pendant les matchs, car la question de savoir à qui elles appartiennent (joueur, équipe, spectateur, sponsor…) n’est pas du tout résolu. Une seule exception est tolérée et elle concerne la sécurité et la santé du joueur d’un sport à risques. Ainsi, depuis deux saisons, le casque des joueurs de la NFL comprend un capteur afin d’évaluer l’importance d’un choc en cas de commotion. Une pratique qui va venir dans le hockey, le base-ball où les blessures à l’épaule sont fréquentes.
… et de performance économique
« La compétitivité d’un club se mesure également à son optimisation économique. Ils se professionnalisent et deviennent de vraies entreprises soumises à des obligations de résultats et confrontés à des investissements comme la rénovation d’un stade ou une redevance locative à payer », expliquent les auteurs de l’étude « Ce qui implique une gestion budgétaire et une maîtrise des coûts mais aussi l’identification de nouvelles sources de revenus pour investir, exister ». Et à ce titre la transformation digitale est un atout indispensable, à travers l’engagement du supporter qui devient client.
Pour cela il faut comprendre quels sont leurs relais, comment ils réagissent, développer un marketing et une communication appropriés pour développer l’interaction. Ce qui permet de leur proposer un parcours facilité (réservation de billet, paiement en ligne, trafic, trajet, appli, renseignements sur les adversaires, parking…) et une expérience enrichie sur les canaux digitaux (suivi des actualités, d’autres matchs, poster des commentaires, visualiser les replays, des interviews…) qui s’apparentent à une prise en charge totale depuis chez lui jusqu’au coup d’envoi avec en plus des remerciements. Le but étant bien de faire venir le spectateur avant et de le faire rester après le match pour qu’il se fasse plaisir et qu’il dépense dans les boutiques en enlevant toutes les contraintes, et en donnant autant de contenu additionnel que s’il était dans son canapé devant sa télévision. En France et c’est une exception, on vient pile poil pour le match et on file tout de suite après. « Or, il faut que le stade soit une destination en soi, et qu’il soit perçu -à l’instar aux USA- comme offrant une double opportunité : sport/spectacle et shopping », insiste Reda Gomery. Techniquement, ce basculement appelle de nouveaux métiers comme le directeur de la performance -pendant du coach sportif- dont le rôle est de connaître le client/supporter et son engagement.
Le sport pro à deux vitesses ?
La data impacte donc de plein fouet le sport de haut niveau. Et le phénomène est inévitable, c’est une question de temps. Au point de devenir le nouveau dopage du secteur ? «Ce modèle est général et il va immanquablement fragmenter le paysage entre ceux qui ont les moyens et les autres c’est-à-dire les sports médiatisés. Aux institutions nationales d’aider les plus fragiles à appréhender ce mouvement de transformation », détaille Philippe Dardelet.
Leur porte de sortie est de consentir un investissement progressif avec des collectes et des traitements de données sur quelques compétitions, chaque année. Pour gagner en professionnalisation, se protéger avec un dispositif de contrôle face au hacking qui ne va manquer de se développer, et reconcevoir leurs applis qui doivent être capables de créer plus d’interaction en complément de leurs réseaux sociaux. Sachant qu’ils vont devoir aussi intégrer la GDPR (Global Data Protection Regulation), la régulation législative qui entre en application en mai 2018 sur laquelle veillera la CNIL, et qui portera sur la question des données personnelles, sur fond de dispositif de contrôle, d’anonymat, de critère de temporalité, de droit à l’image… Enfin, cette data qui débouchera automatiquement sur la valorisation d’un nom ou d’un club, devra aussi être auditée et certifiée pour qu’elle soit être prise au sérieux. Garantissant à ce marché de plusieurs milliards d’éviter l’écueil des malversations ou de la tricherie.
La data : nouvel eldorado du sport ? publié par INfluencia